Après avoir été présentés comme la solution au problème climatique, les biocarburants sont aujourd'hui critiqués sur tous les fronts. Parce qu'ils poussent à la hausse les prix alimentaires et parce que leur bilan énergétique n'est pas forcément optimal.
La polémique enfle et embarrasse la Commission européenne, qui est à l'origine de l'ojectif ambitieux que s'est assigné l'UE: 10% de biofuels dans les transports à l'horizon 2020, contre environ 2% actuellement. Il faudra un paquet de jus de betterave et d'huile de colza pour y parvenir et il faudra aussi sans doute importer des quantités faramineuses d'huile de palme asiatique et de bioethanol à base de canne à sucre en provenance du Brésil – au prix d'une déforestation dénoncée par Greenpeace.
Face aux critiques, la Commission tente de maintenir le cap, vaille que vaille, mais elle pourrait trébucher. En son sein même, des voix relayent les critiques des ONG. Le commissaire Louis Michel a mis en garde la semaine dernière contre la “mode des biofuels” qui pourrait aboutir à une “catastrophe” alimentaire. Avant d'être rapidement rappelé à l'ordre. Pas question en effet pour la Commission d'expliquer la flambée des prix alimentaires par les biocarurants. A en croire la thèse officielle, la croissance démographique, la modification des habitudes alimentaires en Asie, les mauvaises conditions climatiques et la spéculation sont les principaux facteurs de la hausse des prix. Les biocarburants ne seraient qu'une cause minime, tellement minime qu'il est fortement déconseillé aux commissaires de les mentionner. C'est pourquoi Louis Michel, qui a participé mardi à un débat au Parlement européen sur la crise alimentaire, n'en a plus pipé mot.
Et pourtant, la Commission a pris conscience du problème. Selon une note interne, “les biocarburants peuvent présenter une menace pour la sécurité alimentaire des pays qui s'approvisionnent sur le marché mondial, dans la mesure où ils aspirent l'offre céréalière et que cette dernière n'est plus aussi abondante qu'auparavant”. Et, plus loin, “si la production de biocarburants devient plus rentable que la production de produits alimentaires se profile le risque d'une production accrue des premiers aux dépens des seconds. Avec le risque que des investissements étrangers soient source d'une flambée des prix du foncier”.
Alors pourquoi cette omerta ? Parce qu'un changement de stratégie serait hautement embarrassant pour la Commission. Vis-à-vis de l'opinion publique, mais aussi vis-à-vis des investisseurs et industriels qui ont investi des dizaines de millions d'euros dans le secteur sur base de la stratégie européenne. Il n'est en effet pas courant que l'Europe revienne sur ses objectifs un an à peine après les avoir adoptés...
La Commission pourrait toutefois être contrainte cette fois de faire volte-face. Son président José Manuel Barroso a-t-il amorcé le mouvement en annonçant la réalisation d'une étude complète sur le sujet ? Une étude qu'il aurait sans doute valu effectuer un peu plus tôt, sans doute...
Colonel Moutarde
mercredi 23 avril 2008
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2 commentaires:
Un changement de stratégie serait certainement moins "embarrassant" que la mort d'une partie de la population des pays pauvre pour cause de famine.
Les investissement sdéjà consentis par les industriels n'ont pour moi aucun poids face au drame qui se joue.
Tout à fait d'accord avec vous. Il est grand temps de rouvrir le débat officiellement. Il faut toutefois donner à la Commission raison sur un point: s'ils sont un facteur (dont l'importance doit être précisée) de la hausse des prix, les biocarburants ne sont pas le seul. Il en est un autre, plus scandaleux encore, mais dont on parle moins: c'est la spéculation sur les cours des matières premières. Vu que les marchés financiers se portent mal, certaines banques proposent aujourd'hui à leurs clients de miser sur les cours alimentaires, parait-il. Et certains spéculateurs s'asseyent sur leurs stocks, afin d'engranger des plus-values. C'est parfaitement choquant.
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