dimanche 29 novembre 2009

Le Vlaams Blok Belang crève avant la fin de la Belgique

Il a beau hurler "België Barst!" (Que la Belgique crève!) depuis sa création en 1979 après l'échec des discussions institutionnelles du Pacte d'Egmont, le Vlaams Blok Belang, né des courants ultra-nationnalistes collaborationistes, condamné en 2006 pour racisme, a fini par imploser trente ans plus tard à la suite de querelles intestines.
Grandissant pas à pas, le Vlaams Blok a gravi les échelons jusqu'à ce dimanche noir du 24 novembre 1991 qui le vit avoir une importante poussée électorale, et ces élections régionales de 2004 qui en firent le premier parti flamand.
Parti d'extrême droite protestataire, le VB a fini laisser percoler, dans l'opinion public flamande, le sentiment qu'il n'était en rien un parti de gouvernance (il a fallu le temps).
Lancé par le colaborateur Karel Dillen, il a connu le succès grâce à des personnalités fortes telles Filip Dewinter, Gerolf Annemans ou Frank Vanhecke, rois du slogan populiste surfant sur l'angoise, la sécurité, l'immigré et un fort sentiment anti-Wallon. Mais à force d'ânonner, ces petits führers ont fini par se transformer en sinistres clowns et le parti a commencé à décliner.
Mais curieusement, ce ne sont pas les cordons sanitaires (médiatiques au début et politique) qui auront finalement été à la base de la déconfiture du parti d'extrême droite. En proie aux divergences de vue de ses principaux leaders aux egos surdimensionnés, c'est de l'intérieur qu'est venue le déchirement provoqué par une bimbo venue il y a quelques années de la N-VA, Marie-Rose Morel. Cette ex-Miss Flandre sut susciter une guerre des clans qu'elle alimenta par son talent (intellectuel et physique) à faire apparaître au grand jour les différences incarnées par tout ce beau monde.
Voyant arriver la déconvenue électorale, certains au sein du parti, dont l'actuel président Bruno Valkeniers, soutenu par son prédécesseur Frank Vanhecke et Marie-Rose Morel ont tenté de relancer la machine, en inscrivant le parti dans un canevas (soit-disant) plus fréquentable. Ce fut alors la guerre ouverte avec les radicaux Anversois emmenés par Filip Dewinter.
Confirmant l'implosion du parti, Frank Vanhecke, vient de claquer la porte de la direction du VB dont il est président d'honneur. Une page brune se tourne.

Durum

BHV: place au dialogue

Les lignes bougent sur le plan institutionnel. En quelques mois, le discours politique relatif à l'arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde, dossier qui menace de mener la Belgique au chaos, a sensiblement évolué. Etat de la situation.
Grand vainqueur des élections législatives en 2007 le CD&V d'Yves Leterme n'a pas réussi à transformer l'essai après une campagne aux accents très communautaires. Après une série d'échecs dans la négociation de formation gouvernementale, la nouvelle génération chrétienne démocrate commence à entendre le discours des anciens CVP qui lui assurent qu'elle fonce droit dans le mur.
Yves Leterme commence sa métamorphose. Il largue la N-VA qui l'a aidé à gagner les élections de 2007 mais qui constitue un poids pour assurer la gestion de l'Etat.
Aux élections de 2009, le CD&V change de tactique. Il ne tentera plus de passer en force sur le plan institutionnel, adoptant la fameuse tactique Maddens (du nom d'un économiste de la KUL): la Flandre agira au maximum de son autonomie, laissant mourir à petit feu les francophones jusqu'à ce qu'ils viennent à leur tour pleurer une réforme institutionnelle.
Entre-temps surtout, le contexte économique a complètement changé la donne. La Flandre du quasi-plein emploi paie le prix fort d'une crise qui pèse sur ses anciennes structures économiques.
Dans sa réplique au débat relatif à sa mini-déclaration à la Chambre, Yves Leterme, redevenu premier ministre, souligne que le socio-économique sera 'la' priorité du gouvernement. Il ne pipe mot de l'institutionnel et de BHV que doit tenter de résoudre un poids lourd de l'ancien CVP, Jean-Luc Dehaene.
Au nom du CD&V, le député Hendrik Bogaert, jeune loup communautariste obtu, fait son mea culpa dans une interview au Soir. Il lance un appel au dialogue. Il en va notamment de la réputation de la Belgique à l'étranger, assure-t-il, évoquant la présidence belge de l'Union européenne au second semestre 2010 et la présidence permanente du Conseil européen assumée par Herman Van Rompuy.
Du côté francophone aussi, des lignes bougent. Depuis 2007, certains partis francophones affirment régulièrement qu'une réforme de l'Etat sera nécessaire et que le NON du cdH ou le OUI (mais en fait NON du FDF-MR) ne sera pas tenable à long terme. PS et Ecolo ont aussi indiqué que OUI BHV sera inéluctablement scindée à condition que les francophones de la périphérie y voient leurs droits confortés. A cet égard, le FDF a également subtilement corrigé son discours. A la tête du mouvement revendiquant l'élargissement de Bruxelles en contrepartie de la scission de la BHV, le FDF ne fait plus qu'évoquer le soit disant presqu'accord de 2005 qui prévoyait lui un élargissement... des droits des francophones en jouant sur les compétences en périphérie de la Communauté française.
Que conclure de toute cela? Que manifestement l'axe PS-CVP qui a géré la Belgique pendant longtemps jusqu'en 1999 semble reprendre forme, ce que semble avoir compris Ecolo. Que comme d'habitude le cdH est chèvre-choutiste, d'autant plus que contrairement au PS et à Ecolo, il conserve un petit électorat en périphérie.
Si le dialogue semble s'amorcer, les écueils restent importants. Que fera le MR-FDF, parti francophone le plus puissant en périphérie, qui risque de basculer dans l'opposition fédérale en 2011. Entendra-t-on l'Open Vld qui tente de se reconstruire, lui qui n'a plus voix au chapitre au nord du pays. Que fera Kris Peeters de la N-VA en cas d'accord (même sur un retour temporaire aux anciennes circonscriptions électorales, une solution qui si elle ne résoudra pas le problème politique BHV mettra un terme à son problème juridique en ce qu'elle permettra l'organisation sans souci des élections en 2011).
Bref, si on semble progresser, on pourrait s'apercevoir au printemps prochain que cette avancée n'aura permis qu'à tourner en rond et revenir au point de départ.
/Joost van den Vondel/Seul ne fait pas le printemps/Mais Pschitting Nu/ risque d'être le haïku.

Durum

vendredi 27 novembre 2009

Le parti populiste de Modrikameneke

Comme pouvait le laisser transparaître ses allures de tribun et son discours anti-politique, le parti populaire (PP) lancé par Mischaël Modrikamen et Rudy Aernoudt est un parti de droite dont le discours (programmatique?) tient du slogan.
"Les enfants n'appartiennent pas à la ministre de l'Enseignement mais à leurs parents", imposition des revenus professionnels soit disant "plus équitable" à 0, 19 et 29%, "sécurité partout", "justice efficace et rapide", "allègement des structures de l'Etat", "diminution de 62 à 22 du nombre de ministres".
C'est en matière d'immigration que le pépé laisse entrevoir son extrême droititude même si son discours très habile le préserve (à ce stade?) de pouvoir être classé parmi les partis racistes. Modrikamen and co ne sont pas (encore) comparables à cet égard à feu le FN belge et c'est peut-être là que se situe le danger. S'il parvient (mais parviendra-t-il vraiment?) à trouver pour son parti populaire des candidats populaires, peut-être séduira-t-il un nombre important d'électeurs qui le jugeront fréquentable. Car le populisme et le slogan ont la cote.
Il ne sera cependant pas difficile de répondre par des slogans aux slogans de ce nouveau chevalier blanc. Ainsi, si selon Modrikamen il revient aux étrangers de s'adapter à nos valeurs, il appartient à notre société d'inculquer aux "immigrés" nos "socles de belgitude" et il est du devoir de la collectivité de barrer la route aux "valeurs arriérées" que certains de ces "immigrés" véhiculent, il lui sera aisément opposable d'énoncer que c'est son combat d'arrière-garde en faveur d'un capitalisme outrancier qui véhicule des valeurs arriérées autant que le modèle sociétal qu'il prône, lui-même importé en (extrême) droite ligne d'une Amérique qui laisse pourtant, elle, poindre un début de perplexité par rapport à son évolution.

Durum

jeudi 26 novembre 2009

Traité de Lisbonne: vous avez dit plus simple ?

Quand, en 2001 à Laeken, les dirigeants européens ont entrepris de rédiger ce qui allait devenir le traité de Lisbonne, ils avaient en tête de rendre l'UE plus démocratique, plus efficace et moins compliquée. S'il rend l'Union un peu plus démocratique (avec l'extension des compétences du Parlement) et un peu plus efficace (avec l'extension du vote à la majorité qualifiée), le traité finalement adopté ne la rend vraiment pas plus simple à comprendre. C'est particulièrement le cas pour la présidence du Conseil, dont le fonctionnement deviendra encore plus byzantin.
Contrairement à une idée reçue, la nomination d'un président stable, en la personne d'Herman Van Rompuy, ne signifie pas la fin des présidences nationales tournantes. Car ce président stable, censé assurer plus de continuité aux travaux, ne dirigera que le Conseil européen, c'est-à-dire les réunions des chefs d'Etat et de gouvernement. Les formations inférieures du Conseil resteront quant à elles dirigées selon l'ancien système. Par exemple, le Conseil Ecofin sera dirigé au premier semestre de l'année par la ministre espagnole des Finances, Elena Salgado, puis par Didier Reynders au second semestre. Pas question donc de continuité accrue pour toutes les formations sectorielles, sauf pour les Affaires étrangères. Le Conseil "Relex" sera en effet présidé par Catherine Ashton, la nouvelle Haute représentante pour les politique extérieure. Vous avez dit plus simple, l'Europe ?
Les choses se compliquent encore quant on en vient au Conseil des Affaires générales, le CAG. Il s'agit d'une importante réunion de coordination politique. Pour l'instant, ce sont les ministres des Affaires étrangères qui y siègent. Quand ils ont fini leurs discussions, ils changent de casquette et s'occupent d'Affaires étrangères. Dans le jargon, cette double réunion porte le nom barbare de CAGRE – Conseil des Affaires générales et des relations extérieures.
L'idée originale du traité de Lisbonne était de diviser le CAGRE en deux. Organe transversal, le CAG aurait été présidé par le ministre national en charge des questions européennes, le Relex par le Haut représentant. Vous suivez ?
Et bien, il semble que ce découplage, relativement logique, n'a plus la cote. Premier pays à expérimenter le traité de Lisbonne, l'Espagne semble même en passe de le saboter complètement. La cause ? Les orgueils mal placés de quelques ministres puissants.
Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, n'a pas l'intention de rester les bras croisés pendant la présidence de son pays. Forcé d'abandonner la présidence du Conseil Relex à Catherine Ashton, il compte bien se rabattre sur le CAG. Pas question de laisser ce Conseil à un sous-fifre. Les Belges ont d'ailleurs pris la même décision, puisque ce sera le nouveau Vice-premier ministre en charge des Affaires étrangères, Steven Vanackere, qui jouera ce rôle. Olivier Chastel, secrétaire d'Etat à l'Europe, a été relégué à l'arrière-plan.
Voilà qui rajoutera une couche de complexité à une nouvelle architecture qui n'en avait pas besoin. Une meilleure idée serait que chaque gouvernement se désigne un ministre pleinement compétent pour l'Europe. Il présiderait le CAG. Il pourrait aussi servir à mieux faire comprendre l'Europe aux citoyens. Le travail ne manque pas.
On notera enfin que dans tout ce bazar, la seule personnalité de premier plan qui ne jouera pas de rôle majeur pendant la présidence de son pays, c'est le Premier ministre. Avec Yves Leterme à nouveau à la barre en Belgique, certains pousseront sans doute un soupir de soulagement...

Colonel Moutarde

mardi 24 novembre 2009

La Boulette, un blog qui monte

L'air de rien, le blog que vous avez sous les yeux, grimpe doucement les échelons de la blogosphère. En deux ans et quelques d'existence et plus de 300 billets, La Boulette trouve lentement mais sûrement son public, avec désormais une petite centaine de lecteurs quotidiens. Les "happy few" de la première heure, dont nous remercions les commentaires (presque) toujours avertis, pourraient bientôt être rejoints par de nouveaux internautes, puisque La Boulette fait l'objet d'éloges dans un dossier sur les blogs publié récemment par Le Vif - et porté à notre connaissance par un lecteur attentif. Profitons de ce billet instrospectif pour signaler que le blog fera bientôt l'objet d'un ravalement de façade...

Colonel Moutarde

Vendeur d'obligations, speculoos, bières, et métaux, Jean-Luc Dehaene nommé commissaire-priseur. BHV, une fois, deux fois, trois fois, gesplitst?


Chargé par le roi de préparer le terrain institutionnel en attendant la passation de pouvoir entre Herman Van Rompuy, désormais président permanent du Conseil européen, et Yves Leterme, à la tête du gouvernement, l'ancien Premier ministre Wilfried Martens s'est accordé avec les présidents de parti de la majorité pour que le chef de l'Etat nomme Jean-Luc Dehaene au poste de Commissaire royal devant déminer BHV.

Cette désignation prochaine par le Palais pose question quand on connaît la potentielle partialité de l'ancien Premier ministre (lui aussi) et actuel député européen, membre des Conseils d'administration d'importantes entreprises telles que le numéro un mondial brassicole Inbev, ce fleuron du métal né des richesses congolaises qu'est Umicore, le roi du speculoos Lotus Bakeries, Trombogenics, spécialisée dans les biotechnologies, ou la banque Dexia dont il assume la présidence.

Quand le gouvernement avait annoncé qu'il ferait payer aux banques la crise financière, Jean-Luc Dehaene avait rétorqué que le client règlerait la note. Le voici maintenant intégrant la majorité fédérale.

Les puristes diront que l'ancien bourgmestre de Vilvorde (qui menaça de boycotter le scrutin européen au motif que son arrondissement électoral n'était pas scindé) ne fera que s'occuper que de BHV.

Il y aura cependant comme un gros malaise au gouvernement le jour où les sociétés de M. Dehaene participeront avec d'autres à des marchés publics ou lorsque celles-ci annonceront des restructurations comme c'est le cas à Dexia. En pleine tornade blanche (d'Hoegaerden Inbev), cela la fout mal.

Si Dehaene devient Commissaire royal, la moindre des choses sera pour lui de quitter l'ensemble des Conseils d'administration dans lesquels il siège. Aux yeux de La Boulette, il pourra en revanche rester supporter du FC Bruges, car ce faisant il renforce l'équilibre institutionnel. Avec un président du Conseil européen supporter d'Anderlecht et un Premier ministre supporter du Standard, il ne manque plus qu'un supporter de l'UR Namur. Un ministre siégeant au CA d'Unibet ou Ladbrokes ferait l'affaire.


Durum

dimanche 22 novembre 2009

Van Rompuy veut une taxe sur les millionnaires

Il n'a pas tardé, le bougre, me direz-vous. Lui que l'on disait "anesthésiant" commence avec force à placer ses priorités à l'agenda, doublant déjà les chefs d'Etat et de gouvernement, alors qu'il n'est officiellement pas encore installé. Qu'on rassure ici directement les planqués de la taxation équitable, l'exigence d'un ISF européen émane de Tine Van Rompuy, la soeur du nouveau président de l'Union européenne, qui milite au parti d'extrême gauche PTB.
Pour le féliciter de son accessit, Tine a décidé d'offrir à son Herman de frère, outre un "cigare cubain", une boîte contenant une recette à taxer les millionnaires à 2%, un projet au coeur d'une campagne dont Tine Van Rompuy est la marraine.
Elle a annoncé son intention de prodiguer à son proche parent, à l'occasion d'une petite fête familiale organisée ces jours-ci, quelques autres conseils pour redonner envie aux eurosceptiques de croire au projet de l'Union.
Parmi ceux-ci, la nécessité de faire payer la crise aux nantis et celle de revaloriser les services publics. Infirmière à l'hôpital du Gasthuisberg de Louvain et syndicaliste, Tine Van Rompuy évoquera un exemple concret, celui de la privatisation effrénée des maisons de repos. En cinq ans, dix mille lits ont été privatisés dans ce secteur en Belgique. L'une d'entre elles, la Maison Père Damien à Tremelo, rachetée par le Senior Living Groep a fait bien plus que multiplier les petits pains, distribuant 28 millions d'euros à ses actionnaires, soit l'équivalent du salaire annuel de 625 infirmières.
Ce dimanche chez les Van Rompuy, on boit le champagne. Qui de Tine ou d'Eric, le député régional flamand, au projet politique communautariste, sera le plus audible auprès d'Herman? Sachant que si Eric participe à rallumer le feu communautaire en Belgique, Yves Leterme pourrait devoir repasser par la case Gasthuisberg. Et là, Tine ne sera pas loin.

Durum

vendredi 20 novembre 2009

Avec Van Rompuy et Barroso, l'Europe solidement ancrée au centre-droit

Etant donné que ce blog a spéculé sur les nominations à la tête de l'Union européenne et que le sujet est à la première page de tous les journaux ce matin - avec d'ailleurs une très bonne Une du Soir - , je me sens un peu obligé de livrer quelques commentaires additionnels.
D'abord, il faut insister qu'avec Herman Van Rompuy au Conseil, flanqué de José Barroso à la Commission et Jerzy Buzek au Parlement, la direction de l'Europe est désormais bien ancrée au centre-droit. Les trois hommes sont issus du Parti populaire européen (PPE), qui a certes remporté les dernières élections européennes, sans pour autant obtenir une victoire écrasante. Alors pourquoi cette domination politique ? Sans doute parce que le Parti socialiste européen (PSE) n'a eu, depuis les élections, aucune ligne claire. Ecartelée entre des partis membres très différents, incapable de désigner un concurrent à José Barroso, la direction socialiste n'a pas non plus pesé sur le choix du président du Conseil. En panne dans de nombreux pays, le socialisme semble l'être aussi au niveau européen.
Au-delà des orientations politique, HRV a sans doute les qualités nécessaires pour remplir sa mission. Discret, calme et persévérant, il devrait pouvoir mettre d'accord les Berlusconi, Sarkozy et Brown sans faire de jaloux, de la même manière qu'il louvoyait avec plus ou moins de succès entre Reynders, Milquet, Onkelinx et consorts.
Il est étonnant de lire la déception de ceux qui, en France, auraient préféré un caractère plus trempé, un homme qui aurait "arrêté le trafic à Washington et Pékin". Ainsi Giscard, le père du traité de Lisbonne, a-t-il regretté "une ambition limitée pour l'Europe", tandis que Rocard aurait préféré "quelqu'un d'expérimenté" à "un petit nouveau". Même ton chez Bayrou. Après presque trois ans en Sarkozie, ces hommes ne sont-ils pas lassés des dérives présidentielles ?
En outre, un profil modeste au Conseil correspond mieux à la logique de l'intégration européenne. Le Conseil, lieu de compromis entre les Etats membres, a une tendance naturelle à réduire les ambitions de la Commission. C'est parfois positif, quand la Commission se lance dans des délires ultra-libéraux ou se met à harmoniser la courbure des bananes, mais c'est le plus souvent pour conclure des accords à la manque. Un président du Conseil faible ou modeste laissera plus de marge à la Commission pour jouer son rôle de moteur.
Encore qu'avec cinq nouvelles années de Barroso, l'Europe ne doit pas s'attendre à de nouvelles initiatives radicales. La législature sera bien celle d'un bon vieux pragmatisme de centre-droit...

Colonel Moutarde

mardi 17 novembre 2009

Darling Herman: il est trop tard pour la chirurgie

La pression monte pour qu’une femme soit désignée à la tête de l’Union européenne. Pour rappel, deux des quatre top jobs européens sont déjà pourvus : José Barroso à la Commission et Jerzy Buzek au Parlement. Deux nouvelles fonctions sont vacantes : celle de président du Conseil et celle de "ministre" européen des Affaires étrangères. Tous les favoris cités jusqu’ici sont des hommes, au grand dam d’un certain nombre de femmes à poigne, qui s’en indignent publiquement. Plusieurs d’entre elles ont publié hier dans le Financial Times une tribune féministe. La commissaire européenne Margot Wallström est l’une des plus vocales. A un journaliste (mâle) qui lui demandait si les minorités ethniques devaient aussi être représentées à la tête de l’UE, elle a martelé que le critère du genre était plus important. "Nous représentons la moitié de la population", s’est étranglée cette féministe militante. L’argument semble de plus en plus écouté. Au point de devenir incontournable ? Que la Suède, l’un des pays du monde les plus avancés en matière de parité, soit à la barre dans le processus des désignations, n’est pas anodin. Du coup, les chances de la Lettone Vaira Vike-Freiberga montent en flèche, tandis que celles d’Herman Van Rompuy s’affaiblissent de jour en jour. Même s’il est toujours cité comme favori, le Premier ministre belge ne pourra pas changer de sexe avant jeudi. Il a surtout un petit problème britannique. San candidature était en effet implicitement liée à la désignation de l’actuel chef de la diplomatie britonne David Miliband au poste de ministre des Affaires étrangères. Mais ce dernier s’est rétracté. Le ticket ne serait dès lors plus valable. En outre, Herman se fait désormais allumer dans la presse eurosceptique anglaise. Il sera plus difficile pour Gordon Brown de lui donner son soutien, alors qu’il cherche à reconquérir l’opinion avant les élections générales de l’an prochain. Est-ce pour cette raison qu’Yves Leterme rendra ce mercredi une visite discrète à David Miliband ? Le ministre belge des Affaires étrangères, ex-futur Premier ministre, avait prévu d’inviter la presse avec lui, mais il a finalement refusé d’embarquer des journalistes dans son avion…
Au petit jeu des pronostics, l’auteur de ces lignes est tenté d’écrire que c’est déjà peine perdue. Il mise sur Mme Vike-Freiberga. Au poste de ministre des Affaires étrangères, l’Espagnol Miguel Angel Moratinos a quelques arguments à faire valoir… Mais à deux jours du sommet décisif, les jeux restent très ouverts.

Colonel Moutarde

dimanche 15 novembre 2009

Le Parlement germanophone, chapelle ardente de la Belgique qui se meurt

Comme en atteste cette photo reprise sur son site internet officiel, un crucifix est exposé dans la salle plénière du Parlement germanophone qui, en déclenchant à son tour un conflit d'intérêts gelant la scission de BHV, a souhaité venir en aide aux miséricordieux qui entendent encore sauver la maison Belgique.

Si juridiquement rien ne semble s'opposer au sens strict à cet affichage de la foi chrétienne dans une assemblée parlementaire, il est permis de s'en étonner et de s'en insurger.

Si la Belgique ne connaît pas une tradition laïque à la française, elle met en avant un principe de neutralité qui exclut tout élément potentiellement discriminant ou contraire à l'égalité entre les citoyens.

Le problème avait déjà été soulevé il y a quelques années à propos de certaines salles d'audience jurdictionnelles et le ministre de la Justice de l'époque, Marc Verwilghen, avait sorti une circulaire demandant le retrait des insignes religieux qui ne témoigneraient pas d'une qualité artistique indéniable (certains tableaux).

Cela ne semble pas être le cas de la croix exposée au Parlement germanophone, celle-ci contribuant à donner à cette salle plénière l'image d'un lieu de prière pour les sauveurs de la Belgique.

On connaît l'attachement des germanophones à la patrie, au roi et à la religion catholique. Elections après élections, le parti chrétien y est d'ailleurs gagnant, même s'il doit se contenter de siéger dans l'opposition, la majorité étant dirigée par les socialistes, les libéraux et les communautaristes.

Mais la Communauté germanophone ne peut faire exception au principe de neutralité et voir son assemblée dirigée par un président susceptible d'être confondu avec un prélat.



Durum

mercredi 11 novembre 2009

Courants d'air chauds et froids dans les corridors européens

Le passe-temps favori dans les corridors européens, ces jours-ci, c'est de miser sur le futur président du Conseil. Pas seulement dans les couloirs du Berlaymont, d'ailleurs, puisque certains bookmakers proposent à chacun de tenter sa chance. Le dernier favori en date, Herman Van Rompuy, a vu sa cote monter en flèche la semaine dernière. Malgré le caractère peu judicieux de sa candidature, qu'on a souligné sur ce blog, la machine diplomatique belge s'est mise en branle pour soutenir le Premier ministre. Et pour cause: d'un strict point de vue national, sa désignation apporterait à la Belgique une influence déterminante. Non seulement sur les grandes décisions européennes futures, mais aussi sur la fonction elle-même, dont tout le monde s'accorde à dire que le premier titulaire définira les contours. Le président du Conseil sera-t-il le boss de l'Europe ? Ce serait sans doute le cas avec un Tony Blair... Herman Van Rompuy serait davantage un "chairman", un président de séance, tout à fait dans l'optique défendue par la Belgique. Car Belges et autres "petits" craignent comme la peste un président européen fort qui règlerait toutes les questions en trois coups de fil à Paris, Berlin et Londres.
Le choix d'HRV pourrait aussi servir indirectement de courte-échelle à Karel De Gucht au sein de la Commission. Les portefeuilles des commissaires doivent en effet encore être répartis et le libéral flamand se verrait bien jouer un grand rôle économique. La concurrence, pourquoi pas ? La désignation du démocrate-chrétien Van Rompuy à la tête de l'UE lui fournirait un argument de poids, puisque les libéraux pourraient demander une compensation. Or, il est l'un des rares libéraux à la Commission... La stratégie belge semble donc cousue de fil blanc.
Mais malgré l'emballement médiatique de la semaine écoulée en Belgique, où chacun cherchait déjà un successeur à Herman, la cause est loin, très loin, d'être entendue. Le Premier ministre suédois, Fredrik Reinfelt, chargé de trouver des candidats consensuels, l'a dit clairement ce mercredi: il n'y a pas encore d'accord. Sur les pistes d'athlétisme, le lièvre finit presque toujours pas se faire rattraper. Favori précoce, Herman pourrait bien être rejoint par les autres candidats. Ses deux confrères du Bénélux, Jan-Peter Balkenende et Jean-Claude Juncker, sont toujours en course. Les Britanniques ne démordent pas de Tony Blair. Certains diplomates anglais commencent discrètement à dire du mal de Van Rompuy. Les Britons n'ont eu aucun scrupule, il faut le rappeler, à dégommer Jean-Luc Dehaene et Guy Verhofstadt, tous deux candidats à la présidence de la Commission européenne en 1999 et 2004.
Bref, rien n'est joué. La décision finale devra sans doute davantage aux circonstances et aux facteurs irrationnels qu'à un choix raisonné pour l'Europe.

Colonel Moutarde

mardi 10 novembre 2009

Knack ou le réveil de la presse rexiste

En deux coups de balai et autant de bruits de bottes, l'hebdomadaire flamand Knack qu'édite le groupe Roularta vient de s'illustrer comme digne successeur de cette presse catholique de droite qui il y a soixante ans se plaisait à traîner dans la boue l'establishment politique au nom d'une morale nauséabonde et d'une stratégie destinée à déstabiliser une démocratie trop dérangeante à ses yeux.
En quelques jours, Knack s'en est pris de manière violente à la ministre Laurette Onkelinx puis au sénateur Patrik Vankrunkelsven, dévoilant au grand jour des difficultés relevant de leur vie privée et sans lien aucun avec la fonction politique qu'ils occupent.
Cette dérive particulièrement grave est condamnable tout autant que le contexte de polémisation et de peoplelisation de l'information dans laquelle elle s'inscrit. Que Père Ubu, colporte à son tour cette puanteur peu ragoûtante, n'étonne guère, tant la prose dont dégouline cette feuille de chou est trempée du venin de la droite extrême. On savait Knack et son éditorialiste Rik Van Cauwelaert très catho-conservateur. Là, il a franchi une limite.

Durum

dimanche 8 novembre 2009

Darling Herman, chéri des corridors européens

Herman Van Rompuy a la cote à l'Europe. Il est même, selon The Economist, "le chéri des corridors" ("the darling of the corridors"), le dernier favori en date dans la course au poste de président du Conseil européen. L'hebdomadaire résume pourquoi: il est "atlantiste et (un peu) moins euro-fanatique" que ses prédécesseurs. A ces qualités consensuelles s'ajoute une modestie qui saura lui faire garder profil bas quand Sarkozy, Merkel et Brown élèveront la voix.
Quelques facteurs moins rationnels doivent être pris en compte: avec son humour pince-sans-rire et sa manie des haïkus (voir son blog), il a su se rendre plus sympathique que son collègue néerlandais Jan-Peter Balkenende, également cité pour le poste, qui présente par ailleurs exactement le même profil. On notera enfin que puisque M. Van Rompuy n'a rien encore révélé de sa vision de l'Europe, il est difficile pour les autres dirigeants européens de se trouver des désaccords avec lui.
En dépit des cocoricos que ne manquent pas de pousser des Belges en mal de patriotisme, la désignation à la tête du Conseil européen est une mauvaise idée. Elle priverait le pays de la seule personnalité de premier plan qui ne confonde pas l'arène politique avec une cour de récréation – une qualité, ou une absence de défaut, essentielle à l'heure où il faudra résoudre BHV.
Sa désignation finirait surtout de donner de l'Union européenne l'image d'un club de vieux fumeurs de cigare. Après José Barroso à la la Commission et Jerzy Buzek au Parlement, confier à Herman Van Rompuy la présidence du Conseil reviendrait à remettre les clés de l'Union à un triumvirat formé d'hommes d'un certain âge, tous de tendance chrétienne-démocrate. Bonjour la diversité... Face aux Etats-Unis, qui viennent d'élire un président jeune et noir, l'Europe mériterait, une nouvelle fois, son nom de vieux continent.

Colonel Moutarde

lundi 2 novembre 2009

BHV: la solution, c'est peut-être le vote...

On a écrit tant et plus sur le sujet, depuis cet arrêt de la Cour constitutionnelle qui a, entre autres choses, épinglé la difficulté que posait la survivance de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde dans le nouveau découpage des circonscriptions électorales fédérales: toutes sont calquées sur les provinces, à l’exception de Bruxelles et du Brabant flamand. L’arrêt en lui-même pose question: sa rédaction est parfois biscornue et le chapitre consacré à BHV donne une impression étrange, comme si un paragraphe avait été rédigé par un juge flamand et un autre par un juge francophone. Au final, l’arrêt rejette le recours “compte tenu” (et non sous réserve, expression généralement utilisée par la Cour pour modaliser les conséquences de ses décisions) des attendus relatifs relatifs à BHV. Il impose de trouver une solution à cette “distinction” (et non discrimination) qui subsiste pour le Brabant flamand, sans que l’on distingue au juste la sanction possible d’un non-respect de l’arrêt. Premier à réagir à cet arrêt de mai 2003, Matthias Storme, constitutionnaliste et nationaliste flamand, qui d’emblée a donné le ton au nord du pays: la Cour ordonne de scinder BHV. Les partis flamands ont embrayé, omettant de lire l’ensemble de l’arrêt, bien plus nuancé, et ont fini par déposer les fameuses propositions de loi scindant l’arrondissement. Comme le rappelle le message précédent, la Cour insiste pourtant sur le respect “des intérêts légitimes des francophones et des néerlandophones” de l’ancienne province de Brabant. Et fait peu banal, le président francophone de la Cour constitutionnelle, Michel Melchior, l’a rappelé à quelques journalistes en novembre 2007 lorsque son pendant néerlandophone, Marc Bossuyt, a été installé. Certes, l’homme ne s’est pas avancé explicitement mais il a insisté sur le critère de proportionnalité qu’utilisait la Cour pour fonder ses décisions et à l’écouter attentivement, il ne faisait guère de doute que la scission pure et simple de BHV ne correspondait pas aux attendus de l’arrêt. En d’autres termes, une fois la scission pure et simple de BHV votée, elle pourrait être annulée par la Cour constitutionnelle, parce qu’elle serait disproportionnée et ne respecterait pas les “intérêts légitimes des francophones de l’ancienne province de Brabant”. A bien y réfléchir, la solution se trouve peut-être là: plutôt que de geler sans cesse le processus parlementaire de la proposition de loi scindant BHV, les partis francophones pourraient laisser passer le vote. Une fois la loi annulée voire suspendue, les compteurs seraient remis à zéro, ouvrant l’opportunité d’une réelle négociation sur le sujet. Evidemment, en acceptant le vote, les partis francophones toléreraient la rupture du principe de consensus qui régit la démocratie belge et qui veut qu’une communauté (linguistique ou autre) ne peut imposer son point de vue à une autre.

Mexicano

dimanche 1 novembre 2009

Trancher le noeud gordien de l'ex-Brabant et de l'ancienne Belgique

Crise économique ou pas, les prochains mois risquent en Belgique d'être à nouveau consacrés, avec une tension croissante au problème Bruxelles-Hal-Vilvorde dont la Flandre exige la scission. L'appareil gouvernemental voire la pays entier doivent s'apprêter à entrer une nouvelle fois en zone de turbulence.
En bout de course, de nombreux scénarios sont possibles jusqu'à celui présenté comme le plus éloigné mais aussi le plus catastrophiste, l'éclatement du pays.
Comme souvent dans ce genre de conflits, ce qui fera précipiter les protagonistes dans l'un ou l'autre scénario relèvera plus de problèmes de perception liés à des rancoeurs et frustrations parfois anciennes, que d'une réelle impossibilité politique d'aller de l'avant.
Contrairement à ce qui est régulièrement avancé en Flandre, l'arrêt de la Cour constitutionnelle n'invite pas à scinder BHV. Soulevant la différence de traitement existant entre candidats dans la circonscription électorale du Brabant flamand et candidats dans les autres circonscriptions provinciales, il invite le législateur à trouver une solution qui garantisse “les intérêts légitimes des néerlandophones et des francophones” dans l'ancienne province du Brabant .
A cet égard, plusieurs solutions sont possibles dont la scission de BHV, une meilleure justification de la situation attaquée par la Cour constitutionnelle, l'élargissement de Bruxelles ou le retour aux anciennes circonscriptions (plus petites). Une autre solution est, dit-on, à l'étude dans l'entourage du Premier ministre Herman Van Rompuy. Elle consisterait à former d'autres petites circonscriptions dans un cadre adoptant la scission de BHV tout en maintenant des droits particuliers aux francophones de la périphérie et aux Flamands de Bruxelles. Il y aurait alors une circonscription du Brabant flamand intégrant notamment les villes de Hal et Vilvorde, une circonscription bruxelloise, et une circonscription des communes à facilités (éventuellement élargie à d'autres).
Mais si la tension reste trop vive, la solution négociée n'interviendra pas. En bout de conflit d'intérêts germanophone, la Région bruxelloise sera alors invitée à prolonger le gel du dossier en pleine présidence belge de l'Union européenne. Les Flamands de Bruxelles seront à leur tour pris en otage. Ils se verront contraints par une majorité linguistique régionale francophone à soulever un conflit d'intérêts visant à geler un texte voulu par la majorité linguistique du pays, elle-même néerlandophone. La tension sera alors à un stade avancé. Il s'agira d'un premier test pour l'avenir du pays.
La suite qu'elle est-elle? Sonnette d'alarme ou pas, et indépendanmment de savoir si on pourrait aller aux élections sans solution, le risque existe de voir un jour s'organiser en séance plénière de la Chambre le vote 'linguistiquement unilatéral' de la proposition de loi visant à scinder BHV. Des cris d'orfraie pourront alors être poussés. Et alors? Et alors, il s'agira d'être particulièrement attentif à la perception des événements dans chaque camp. Cette perception laissera forcément des traces (et de nouvelles rancoeurs). Elle pourra conduire au chaos bien plus que les actes eux-mêmes. Car quant à eux, il y a fort à parier qu'une fois votée, la scission de BHV atterrisse également sur la table de la Cour constitutionnelle. Et que celle-ci pointe la nécessité de... trouver une solution qui garantisse “les intérêts légitimes des néerlandophones et des francophones” dans l'ancienne province du Brabant.

Durum