lundi 29 mars 2010

On attend les priorités de Guido De Padt pour la présidence belge

Yves Leterme ne fait plus de gaffe. On nous a transformé notre premier. Tout le monde semble s’en réjouir, y compris les sondés d’opinion. Et pourtant, quant au fond, rien n’a changé au 16. Depuis les élections de 2007, le fédéral est en panne et pas moyen de relancer la machine. C’est d’ailleurs trop tard, on revote dan un an. Ce gouvernement aura tout au plus réussi à colmater les brèches durant la crise financière mais même à cet égard il est encore trop tôt pour se prononcer sur le bien-fondé des réformes de la supervision et la régulation financière qui partout en Europe d’ailleurs tardent à venir. Reynders a été au bout de ses réformes et est devenu le punching ball du gouvernement. Le plan Cancer d'Onkelinx est lent à venir, faute de budget, Vanackere apprend son métier de ministre des Affaires étrangères, Soeur sourire Vervotje a comme nouvelle compétence la sécurité du rail, Van Quick est de plus en plus hyperkinétique brasseur de vent, Magnette essaie d'exister au travers de compétences ressortissant aux Régions, et démontre la faiblesse des pouvoirs publics face à des géants de l'énergie. Au sein de ce gouvernement, la seule, finalement, à tirer son épingle du jeu, c’est peut-être la mère Milquet qui fait tourner sa boutique emploi et vient d’accoucher, non plus d'un mioche, mais d’une modification substantielle du plan d’accompagnement des demandeurs d’emploi jusqu’ici bien trop bureaucratique, fort peu efficace et fort fort discriminant. Qui plus est, sans que cela fasse beaucoup de bruit, Mme Non vient, dans les faits, de régionaliser l’accompagnement, il est vrai en mettant de l’argent du fédéral, essentiellement au profit de Bruxelles où elle est élue. Cerexhe doit se demander benoîtement ce qui lui arrive.
Et notre Yves ? Sur le fond rien n’a changé mais sur la forme le Lagaf du pauvre (c’est dire) s’est transformé en Jacques Séguéla du Westhoek. Ne dites plus réforme de l'Etat mais fédéralisme de coopération. Il y a une stratégie UE 2020? Moi, je veux une stratégie BE2020. Voyages à l’étranger, communiqués de réaction à tout vent, et surtout, leitmotiv de ce gouvernement, présidence belge de l’Union européenne, tout est bon au sein de ce gouvernement pour faire parler de... ce que potentiellement on fera (mais qu'on ne fera pas). Il n’est pas un ministre ou secrétaire d’Etat qui n’ait encore annoncé ses ‘priorités dans le cadre de la présidence belge’. Celle-ci risque pourtant si elle échoue, emportée par le cataclysme BHV, de se transformer en objet de risée de l’Atlantide à l’Orval. En attendant pourtant, on ne discutera plus que présidence. Chacun continue d’y aller de sa priorité du jour. On n’attend plus que celles de Guido De Padt, « commissaire du gouvernement pour l’audit interne de l’administration fédérale ». Oublié du gouvernement, on ne sait pas ce qu’est devenu le locataire du n°2 de la rue de la Loi. Peut-être que la mère Milquet devra ajouter à son plan un volet activation du commissaire du gouvernement pour l’audit inerte. On imagine qu'en bout de législature, l'audit interne sera cinglant.

Durum

samedi 13 mars 2010

Courard fuyons!

La Justice vient de condamner l’Etat pour ne pas avoir rempli sa mission de service public à l’égard des demandeurs d’asile, telle qu’elle est prévue dans la loi. Ces demandeur d’asile ne trouvent plus d’hébergement dans des centres d’accueil saturés et certaines familles avec enfants ont dû passer l’hiver à la rue, affronter le froid, et l’insécurité des gares urbaines.
Un juge a condamné l’Etat à verser à chaque demandeur d’asile non hébergé une astreinte de 500 euros par jour où il se retrouve sans toit. Bafouant une nouvelle foi la séparation des pouvoirs, le premier ministre Yves Leterme a estimé « abominable » cette décision de justice, rejoint quelques jours plus tard dans ses critiques par le secrétaire d’Etat à l’Intégration sociale Philippe Courard.
Il est évidemment aisé pour un gouvernement de dénoncer ces revenus plutôt que ceux des milliards d’euros du CAC40 ou du Bel20 qui atteignent des niveaux supérieurs à ceux d’avant la crise. Cette crise qui a jeté à la rue un nombre sans cesse plus important de personnes vivant dans une situation précaire.
On aurait aimé voir le socialiste Philippe Courard se saisir de la question de l’asile à l’heure de définir les priorités de la présidence belge de l’Union européenne. Vue dans le cadre de l’évolution démographique de la planète et des phénomènes migratoires qui en découlent, elle constitue probablement l’un des enjeux majeurs des décennies à venir.
M. Courard préfère brailler avec les populistes. Ces 500 euros constituent un « message désastreux » en ce qu’ils attirent chez nous des milliers de candidats à l’eldorado, essentiellement venus d’Europe de l’est, estime le secrétaire d’Etat.
Se contenter, en matière d’asile, de demander aux populations des Balkans, qui seront un jour européennes, de rester chez elles, comme vient de le faire le gouvernement dans une tournée médiatisée, confirme la vision selon laquelle la libre circulation vaut bien plus pour les biens et capitaux que pour les personnes. Ce message là est bien plus « désastreux » pour l’avenir de la planète.

Durum

Di Rupo, député à ne rien faire

Nos démocraties traversent des crises tellement plus graves, ça ne fait pas de doute. Mais tout de même. A la fin de la législature régionale, Elio Di Rupo et Joëlle Milquet avaient contraint leurs troupes, et il y avait des récalcitrants, à approuver une modification des règlements des parlements wallon et de la Communauté française pour lutter contre l'absentéisme. Le groupe socialiste de l'assemblée wallonne s'était distingué à quelques reprises: malgré ses 34 députés, il était parvenu à ne pas être en nombre lors de votes importants, dont celui de la réforme du Fonds des communes. Résultat: pas de quorum, approbation reportée à quinzaine. Le nouveau règlement sanctionne désormais les députés absents et impose aux présents de signer un registre dès qu'un vote doit intervenir, même s'il se résume à la désigation d'un rapporteur. Di Rupo, éternelle tête de liste peu importe le scrutin (comme Milquet), a été élu en juin passé, a pris son siège au parlement wallon et de la Communauté française. Problème: l'activité parlementaire, il a pas le temps mais ça aurait fait tâche si son nom manquait systématiquement à l'appel. Solution: il a choisi de n'être membre... d'aucune commission. Faut oser. En bref, il fout rien et fait même pas semblant! Un parlement, ça vaut ce que ça vaut mais quand on en a plus, ou plus un vrai, on râle. Le président du parti socialiste pourrait au moins avoir la décence de se faire remplacer par son suppléant. Ca fera au moins un heureux et les apparences seraient sauves jusqu'aux législatives de 2011 où Elio sera certainement tête de liste, dans le Hainaut, peut-être au Sénat.

Mexicano

mercredi 10 mars 2010

Armand De Decker, homme d’Etat policier

Le président du Sénat et bourgmestre d’Uccle Armand De Decker vient de profiter d’un dramatique fait-divers qui s’est déroulé dans sa commune et qui a coûté la vie à une mère de famille pour oser une sortie d’un rare populisme probablement destinée à ne pas laisser trop de voix s’en aller dans le giron du PP de Mischaël Modrikamen. Cette sortie en rappelle de célèbres, nauséabondes, du PRL bruxellois anxiogène et xénophobe de la fin des années 1980.
En proposant aux militaires de s’occuper de l’éducation des jeunes délinquants, Armand De Decker choisit l’escalade sécuritaire. Les deux auteurs du drame qui s’est joué à Uccle sont pourtant majeurs même si l’un d’entre eux a eu à faire aux services de la jeunesse et le constat peut être dressé à son égard que quelque chose a échoué dans le travail éducatif de réinsertion dans la société qui lui a été prodigué. Armand De Decker en profite pour détruire tout un système d’aide à la jeunesse et ressortir cette grande idée de l’éducation par l’armée. En caricaturant à l’inverse, on pourrait affirmer voir poindre les valeurs qu’ils pourront se voir inculquer : apprendre dans la foulée de nos paras à violer des noires en Afrique, au moins cela ne gênera personne à Uccle.
Armand De Decker en profite également pour souligner que l’intégration des jeunes d’origine étrangère a échoué, contrairement aux Etats-Unis (mais la société américaine est-elle moins violente que la nôtre ?). Peut-être pouvons-nous le rejoindre en indiquant que l’intégration de « certains » jeunes d’origine étrangère, précarisés, sur les plans social et ou culturel, a échoué. Mais une fois cette sentence prononcée, qu’en faisons-nous ? Le bel Armand rejette la faute au laxisme, vantant les mérites de la monarchie marocaine autoritaire qu’il dit bien connaître. Bel exemple de démocratie. Le problème de l’échec de l’intégration est bien plus complexe que ne l’avance le premier personnage de l’Etat (après le roi…) Intégration de qui, à quoi ? Il ne faut pas croire à l’angélisme de toute une jeunesse qui serait forcément du côté du bien mais il ne faut pas non plus venir parler d’échec de l’intégration quand dans le chef de certains il n’y a jamais eu de volonté d’intégrer ces jeunes. Il suffit de consulter le site antiraciste de résistances.be pour retrouver les tracts d’Armand De Decker. " Bruxelles doit rester aux Bruxellois !", promettait-il à ses électeurs en 1989. Il précisait son propos deux ans plus tard, en 1991, dans un tract intitulé « Reconstruisons la Belgique ». "Le gouvernement PS-CVP a laissé venir les immigrés et les réfugiés. Il les a même attirés avec des avantages sociaux qui constituent une véritable pompe aspirante à réfugiés économiques. Et demain, s’ils en ont l’occasion, ils leur donneront le droit de vote et d’éligibilité… Le PRL, lui, veut stopper et réduire l’immigration (…). L’immigration a changé de nature. Elle est devenue migration, elle est devenue massive (…). Le PRL, lui, en est conscient. Nous avons le courage de nos opinions et nos actes le prouveront".
Armand De Decker a toujours eu un problème avec les étrangers. En janvier dernier, il fut le seul élu francophone à ne pas s’être prononcé lors de la prise en considération d’une proposition du Vlaams Belang visant à exclure de la fonction publique les personnes possédant la double nationalité.

Durum

mardi 9 mars 2010

Les débuts chaotiques du traité de Lisbonne

En 2001 à Laeken, les Européens ont lancé une vaste réforme institutionnelle qui avait pour objectif de rendre l'Union à la fois plus démocratique, plus transparente et plus efficace. Après de nombreuses péripéties, ce processus a débouché sur le traité de Lisbonne, en vigueur depuis trois mois. Il est trop tôt pour émettre un jugement définitif sur la manière dont ce traité affecte le fonctionnement de l'Union. L'Europe sera plus démocratique, c'est certain, tant les pouvoirs du Parlement se sont accrus. Mais savoir si elle sera plus efficace et plus compréhensible pour les citoyens est une autre paire de manches.
Très occupés à mettre en oeuvre les règles qu'ils ont eux-mêmes créées, politiques et eurocrates semblent perdus dans un brouillard épais, surpris par les nombreux vides d'une texte qui n'a qu'une portée très générale.
Le traité institue par exemple un ministre des Affaires étrangères aux pouvoirs étendus, à la tête d'un véritable corps diplomatique européen. L'idée était séduisante, mais sa concrétisation a ouvert la porte à des tiraillements multiples. Du Kosovo à l'Irak en passant aux relations avec les anciennes colonies, les pays européens ont en effet des intérêts divergents qu'il est difficile de réconcilier dans un service commun. Etats les uns contre les autres, ministres des Affaires étrangères contre la Commission, fonctionnaires contre diplomates: tout le monde se tire dans les pattes.
Mais c'est surtout en matière économique que le traité de Lisbonne est en plein flou. Alors qu'auparavant, la Commission européenne était le seul organe à s'approche d'une espèce de gouvernement européen, on se demande aujourd'hui qui tient les rênes de l'Union. La Commission est la seule institution qui n'ait pas vu ses pouvoirs renforcés dans le traité. Au contraire du Conseil européen (réunion trimestrielle des chefs d'Etat et de gouvernement) qui est devenu une vraie institution, avec un président stable, en la personne d'Herman Van Rompuy. Celui-ci veut faire du Conseil européen le vrai gouvernement de l'Europe - en rupture d'ailleurs avec la tradition belge "communautaire". Il en résulte un flou certain, qui est aggravé par le maintien de présidences nationales pour les formations sectorielles du Conseil des ministres. L'Espagne, la présidence en titre, essaie elle aussi de peser sur les débats, qui en sont d'autant moins lisibles.
Dans quelques mois, quand la poussière sera retombée, il sera plus aisé d'établir un bilan de la réforme institutionnelle. Mais les discussions byzantines dans lesquelles les Européens s'enlisent à nouveau laissent penser qu'ils sont finalement un peu comme les Belges: perdus dans des discussions institutionnelles sans fin et incapables de réformer la société.

Colonel Moutarde