samedi 12 avril 2008

Une crise plus idéologique qu'institutionnelle

La crise politique que vit la Belgique depuis le 10 juin 2007 est plus idéologique que communautaire. Certes, il y a les résolutions du parlement flamand demandant une régionalisation importante de matières fédérales (emploi, santé, fiscalité). Certes, celles-ci s'inscrivent dans le cadre émancipatoire du mouvement flamand. Certes, lesdites résolutions ont été relayées en 2004 dans l'accord de gouvernement flamand puis au fédéral par les partis flamands, durant la campagne électorale de 2007 et durant l'après-élection.
Depuis, même si les revendications flamandes visant à obtenir des leviers pour encadrer l'économie nordiste restent fortes, les exigences se focalisent essentiellement sur l'emploi.
Les demandes régionalistes ont essentiellement été poussées au cours des derniers mois par le cartel CD&V/N-VA. Les chrétiens flamands ont trouvé ce filon durant leurs années d'opposition fédérale en vue de s'attaquer aux libéraux flamands à qui ils n'ont jamais pardonné de les avoir évincer du pouvoir en 1999 après un demi-siècle d'état CVP. Entre-temps a émergé au CD&V une nouvelle génération, plus "flamande" et non aguerrie à la gestion du pouvoir et au sens du compromis.
Depuis quelques semaines cependant, on a l'impression que ce qui a pu apparaître comme une crise institutionelle est en train de s'estomper pour mieux laisser entrevoir le véritable problème, idéologique, qui mine la Belgique.
Les observateurs politiques l'ont écrit et réécrit, avant le scrutin de 2007, chrétiens-humanistes et socialistes avaient prévu de se retrouver après huit années d'une alliance laïque qui, avec les libéraux, avait, dans un premier temps, permis de donner du souffle sur le plan éthique (dépénalisation de l'euthanasie, mariage homosexuel, légalisation de la recherche sur les embryons) mais a par ailleurs vu les caisses de l'Etat commencer à s'assécher.
Durant huit ans, les baisses de charges sociales répétées accordées aux entreprises ont entraîné un financement alternatif sans cesse plus important de la Sécurité sociale. D'importantes réformes fiscales ont par ailleurs été réalisées, essentiellement au profit de la classe moyenne supérieure et des revenus les plus riches ainsi qu'au bénéfice des entreprises. Or, les libéraux du nord et du sud, faisant cause commune, ont promis à l'électeur une nouvelle vague de réformes. Mais il y a un os. Aujourd'hui, les caisses de l'Etat sont vides.
Pendant ce temps, le CD&V a lui regoûté aux joies du pouvoir. Les cabinets ont été installés. Yves leterme est très vite rentré dans ses dossiers et semble endosser avec délectation sa fonction de premier ministre, faisant savoir urbi et orbi qu'il est le nouveau chef du gouvernement belge.
Après la crise de 2007 qui a accouché d'un gouvernement intérimaire, on annonçait le report du grand soir institutionnel à la fin mars. Fin mars, un gouvernement dit définitif a été mis en place, d'aucuns annonçant cette fois que le 15 juillet accouchera de la grande réforme voulue par le nord faute de quoi ce sera le clash.
Il apparaît aujourd'hui que le CD&V est en train d'opérer une rotation de 180°. Pour Yves Leterme, le 15 juillet n'est plus une date-butoir et l'institutionnel n'est plus la seule priorité des priorités. Un accord sur une régionalisation serait, selon lui, le signal que la Belgique avance vers cet état moderne auquel aspire la Flandre. M. Leterme a même indiqué que si le 15 juillet la N-VA venait à refuser, de mauvaise foi, de franchir une étape concrète qu'elle jugerait insuffisante, il lui faudrait en tirer les conséquences. Et Yves Leterme semble être suivi par son parti dont l'appareil a su imposer comme unique candidate à la présidence, Marianne Thyssen, une députée européenne qui, si elle est une partisane du cartel CD&V/N-VA, n'est pas une habituée du poto poto communautaire.
On sent bien pourtant que si l'enjeu est moins institutionnel qu'il n'apparaissait il y a quelques mois, le 15 juillet sera malgré tout l'occasion de vives tensions qui mèneront dans le pire des cas à un clash.
Depuis quatre mois, les libéraux doivent avaler des couleuvres. Le 10 juin 2007, le MR a réussi une formidable opération en devenant le premier parti en Wallonie et à Bruxelles et en repoussant le parti socialiste. Pourtant, il y a cinq mois, il a du accepter, la mort dans l'âme, le retour aux affaires du PS. Qui plus est, les caisses de l'Etat étant vides, les libéraux ne pourront mener cette nouvelle réforme fiscale d'envergure qu'ils avaient promise à leurs électeurs. Après les déboires des négociations orange bleue, cette situation ternit l'image libérale dans l'opinion publique et même si le MR reste premier parti francophone dans les sondages, il est pointé en recul.
L'annonce d'un contrôle budgétaire en juillet dans un contexte économique morose ne va faire qu'accroître la pression sur les libéraux qui craignent de se faire débarquer du gouvernement en juin 2009 (en cas d'élections anticipées couplées aux régionales). Le MR pourrait dès lors provoquer une crise dès juillet, sachant qu'il reste encore à ce stade le premier parti francophone et que le PS ne s'est pas remis, que du contraîre, de sa pantalonade de juin 2007. Plusieurs signes sont déjà annonciateurs de l'état d'esprit qui pourrait prévaloir. Le MR est le premier parti à être entré en campagne électorale. Officiellement pour les élections de juin 2009. Par ailleurs, pourtant très allié à l'Open Vld, le MR est celui qui insiste le plus sur sa non disposition à poursuivre des négociations institutionnelles faute de nomination des bourgmestre francophones de la périphérie. Le ministre de tutelle sur les communes flamandes, l'Open Vld Marino Keulen, reste lui tout aussi intransigeant sur sa volonté de ne pas nommer lesdits bourgmestres. Comme s'il y avait une alliance objective entre libéraux pour provoquer un cataclysme. A suivre car manifestement, l'heure n'est pas encore venue de se cacher sous son clavier.

Durum

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