lundi 31 août 2009

Bilan de l'été et considérations de rentrée, où il sera notamment question du Real Madrid et d'harmonisation fiscale

Les jours raccourcissent, la brise fraîchit, les barbecues se font rares... Les responsables politiques se rappellent au souvenir de leurs sujets et montrent à la télé leurs bonnes vieilles têtes où survit un reste de bronzage... Aucun doute, c'est la rentrée. Même ce blog s'ébroue après des semaines de torpeur estivale.
L'été 2009 aura finalement été calme en comparaison de l'édition précédente, où la guerre russo-géorgienne et la crise financière naissante avaient assuré un max d'ambiance. N'eût-ce été grâce à quelques détenus audacieux et une juge trop endettée, on se serait presque ennuyés.
L'auteur de ces lignes retiendra quand même deux faits majeurs: l'accord Suisse/Etats-Unis sur les clients fradeurs de la banque UBS et le transfert de joueurs “galactiques” au Real de Madrid pour des centaines de millions d'euros. Oserait-on tenter un parallèle entre les deux sujets ?
L'accord Suisse-USA a ouvert une vraie brèche dans le secret bancaire helvète, qui permet depuis des décennies aux trafiquants, dictateurs et fraudeurs fiscaux de la planète de mettre leur argent à l'abri. Certes, il ne s'agit que d'une brèche: la banque UBS ne livrera au fisc américain que 4.450 noms sur ses dizaines de milliers de clients US. Certes, les Etats-Unis ont une force de persuasion que n'ont pas les autres pays. Difficile d'imaginer que la Belgique puisse obtenir le même résultat. Certes, la Suisse va traîner des pieds et utilser des ruses procédurales pour retarder la transmission des données des fraudeurs. Mais il y a une ouverture dans une enceinte qu'on croyait en béton armé. La communauté internationale ne doit pas relâcher la pression: le climat est mûr pour faire passer l'addition aux dirigeants de tous les trous noirs de la finance internationale. Le constat vaut pour la Belgique, ce paradis fiscal à la manque. Le pays a accepté de collaborer avec 12 pays tiers pour sortir de la liste honnie des paradis fiscaux. Il faut maintenant s'assurer que ce réseau d'accords continuera de s'étoffer. Il faut même aller plus loin et supprimer, comme l'a suggéré la FGTB, ce secret bancaire dont on feint dans ce pays d'ignorer l'existence mais qui prive le budget de l'Etat de millions, voire milliards d'euros.
Dans cette affaire, il serait meilleur que les efforts de tous les pays soient concertés. Car la concurrence fiscale, c'est le dilemme du prisonnier: tant qu'il restera des pays récalcitrants, d'autres seront tentés de jouer la surenchère et les fraudeurs pourront faire leur shopping fiscal. Pour briser la spirale du moins-disant, il faut un level-playing field – comme on dit en bon jargon.
Un level-playing field, littéralement un terrain où tout le monde joue avec les mêmes règles, c'est exactement ce dont a besoin aussi le monde du football européen. Michel Platini, désormais patron de l'UEFA, ne dit pas autre chose. Au sujet du Real: "L'enchaînement presque quotidien des transferts mirobolants au moment où le football européen fait face à de dangereux défis financiers m'interpelle. Cet engrenage pose de façon aigüe la question du fair-play financier et de l'équilibre de nos compétitions", a-t-il déclaré. On ne saurait mieux dire.
Une manière d'assurer des conditions plus égales serait d'harmoniser la fiscalité des salaires des joueurs. En Angleterre, les footeux sont très énervés par l'attractivité fiscale de l'Espagne, qui leur aurait fait perdre Cristiano Ronaldo. En vertu d'une nouvelle taxe anglaise, Manchester United aurait en effet dû débourser 6,8 millions de livres pour verser un salaire net de 3 millions au joueur. En Espagne, où une fiscalité plus favorable est appliquée aux résidents étrangers, le Real de Madrid ne devra payer que 4 millions pour le même salaire net.
Bien sûr, il est difficile d'hamononiser la seule fiscalité des joueurs de football. Mais cette histoire peut servir de pédagogie pour expliquer les méfaits de la concurrence fiscale et les bienfaits d'une harmonisation. Avec un peu de chances, elle fera réfléchir les Britanniques, tellement soucieux de leur souveraineté qu'ils refusent toute harmonisation au niveau européen.
Les temps sont mûrs pour le changement. A l'heure où la crise financière menace de n'être plus qu'un lointain souvenir, il faut s'assurer que cette rentrée sera celle de réformes qui mettront un peu plus de justice dans la finance internationale, qu'il s'agisse de football, de paradis fiscaux ou de rémunérations indécentes...

Colonel Moutarde