dimanche 25 avril 2010

BHV: de Joseph II à Leterme et Maingain en passant par Napoléon, des dizaines de millions de minutes (manquées) de courage politique

Depuis la politique centralisatrice de l'Empereur Joseph II qui suscita la révolution brabançonne et la création éphémère d'Etats belgiques Unis au sein des Pays Bas autrichiens en 1790, depuis la création voulue par l'Angleterre du Royaume-Uni des Pays-Bas, en 1815 et de la Belgique en 1830, pour contrer les velléités conquérantes de la France sur l'Europe, depuis l'échec de la politique de l'aristocratie francophile bruxelloise qui ne percevant pas l'inéluctabilité de l'émancipation flamande lui a refusé le bilinguisme, depuis que la Flandre a décidé de prendre en main son destin en imposant une frontière linguistique censée protéger son identité, on peut s'interroger sur les responsabilités politiques dans la crise BHV dont la dramatisation va crescendo, un bel exemple étant la prise de possession, durant la vacance du pouvoir, par le Vlaams Belang de l'hémicycle de la Chambre pour y entonner le Vlaamse Leeuw et y "proclamer" l'indépendance de la Flandre.
En amont de cette dramatisation, les partis politiques passent l'essentiel de leur temps à calculer leur intérêt propre, ce qui ne témoigne pas d'une très grande hauteur en termes de gestion de l'Etat mais qui est compréhensible vu que pour arriver à ses fins un parti se doit quand même de gagner des élections. Le VLD a décidé de rompre avec sa ligne libertaire et prône un libéralisme flamand, BHV méritant qu'on y mette le feu. Soit il gagne un accord et on se souviendra de lui comme l'élément déclencheur de cet accord, soit on vote et il sera vu comme le parti qui a dénoncé l'attentisme francophone. Dans le meilleur des cas, il se défend bien aux élections, sinon il se refait une santé dans l'opposition. De l'autre côté, le FDF n'acceptera jamais un accord qui sacrifiera son électorat de la périphérie. Du coup, le MR suit, son président Didier Reynders jouant sa place à la tête de sa formation. Après avoir provoqué la crise de 2007 dont il assume la responsabilité politique, le CD&V du premier ministre Yves Leterme qui avait estimé qu'il fallait 5 minutes de courage politique pour scinder BHV, est revenu à un rôle de gestionnaire de l'Etat qui le rapproche du PS. Ce dernier parti n'est pas foncièrement opposé à la scission de BHV qui égratignerait son concurrent réformateur. Le PS est cependant tout aussi responsable de la crise actuelle car il n'ose pas défendre son point de vue, ne sachant pas comment il sera perçu en francophonie. Scotché au PS, le cdH joue la girouette car il possède, dans une moindre mesure que le MR, un électorat en périphérie. Sur la ligne flamande, le sp.a est au balcon. Quant aux Verts, n'ayant pas de vécu historique dans l'évolution politique de la Belgique, ils sont moins concernés. Ils tentent de jouer la carte de la cordialité mais Ecolo et Groen! sont également divisés sur les questions communautaires.
En attendant, chaque parti se refile le valet puant. Nommé médiateur par le roi, Didier Reynders vient d'en hériter, au grand plaisir des partis flamands, du PS, du cdH, voire des Verts. La seule chance pour le président du MR de s'en sortir est de dompter le FDF. Il sera alors considéré comme un homme d'Etat et son étoile brillera à nouveau. Mais il ne prendra pas ce risque sans avoir l'assurance d'embarquer dans la prochaine majorité.
L'histoire dira ce que deviendront BHV et la Belgique. Qu'elle évolue vers une confédération, qu'elle se scinde, que la Wallonie et Bruxelles se rattachent à la France, ou que d'autres scénarios l'emportent, finalement peu importe. Ce qui compte c'est que triomphe le sens de l'Etat. Or, au-delà de notre nombril, c'est la démocratie qui est en crise, mondialisation oblige. La Belgique est un laboratoire. C'est la raison pour laquelle elle attise la curiosité des observateurs internationaux.

Durum

jeudi 1 avril 2010

L'initiative citoyenne européenne, une fausse bonne idée

En rédigeant un projet de Constitution pour l'Europe, les membres de la Convention de Valéry Giscard ont eu cette illumination: on permettrait à un million de citoyens européens de forcer la Commission à se saisir d'une question et, éventuellement, de présenter une proposition législative. Cette "initiative citoyenne européenne" (déjà affublée de son acronyme ICE) a été reprise dans le traité de Lisbonne, qu'elle a même permis de vendre plus facilement aux opinions publiques réticentes. Pensez: un soupçon de démocratie directe dans une Europe en déficit démocratique chronique, l'idée avait de quoi séduire. A l'heure du web 2.0, où les discussions de comptoir, les avis du moindre gogo raciste, semblent légitimés par leur publication dans les forums en ligne des journaux, habiliter les citoyens à participer au processus législatif européen, c'était dans l'air du temps.
La Commission européenne a présenté cette semaine le règlement qui encadrera l'ICE. C'est qu'au Berlaymont, on a vite compris que cette initiative citoyenne pourrait rapidement poser des soucis. Il se trouvera bien, en effet un million de personnes pour signer une pétition contre les politiques de libéralisation; on trouvera sans aucun problème un million de personnes opposées à l'entrée de la Turquie; à la sortie des Eglises, on fera signer un million de personnes contre le droit à l'avortement.
Pour gérer la situation préventivement, un mécanisme de validation a été mis en place. Dès que les organisateurs auront récolté 300.000 signatures, ils devront faire vérifier que le sujet de leur initiative tombe bien dans les compétences communautaires. Ce procédé devrait permettre de réduire considérablement le champ des demandes, étant donné que l'Europe n'a rien à dire en matière de politique étrangère, de défense et de fiscalité et qu'elle a peu à dire sur la santé publique et la sécurité sociale. Mais il risque de produire l'effet exactement opposé à l'impression de démocratie recherchée, puisque certaines pétitions seront rejetées à un stade précoce. Quant aux demandes acceptées, il est à craindre qu'elles ne déboucheront sur rien de concret dès qu'elles auront un caractère polémique. Car même si un million de signatures ne sont pas une quantité négligeable, elles sont loin ds'approcher de la majorité - sur un continent qui compte un demi-milliard d'habitants. Elles ne suffiront en aucun cas pour pour modifier les grandes orientations de la Commission. Gageons que, comme d'autres gadgets référendaires, l'ICE prouvera à nouveau les limites de la démocratie directe.

Colonel Moutarde