vendredi 25 avril 2008

Affaire dEUS: Les journaux se tirent dans les pattes

Un micro-scandale agite depuis peu le (tout) petit monde de la critique musicale belge: la semaine dernière, Le Soir a publié en avant-première une interview du groupe de rock dEUS. Le quotidien de la rue Royale a délibérément violé l'embargo que voulait imposer la firme de disque Universal sous peine d'une amende de milliers d'euros. Le Soir en a même fait ses choux gras en publiant plusieurs pages sur le présumé chantage de la major.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les confrères n'apprécient pas. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter la rediffusion, sur le site interMédias, d'une émission où Hugues Dayez et Sylvestre Defontaine (RTBF) tirent à boulets rouges sur Thierry Coljon (Le Soir). Ou encore de prendre connaissance d'une lettre adressée par La Libre Belgique et La Dernière Heure aux firmes de disque pour se plaindre du comportement du Soir. Car plutôt que de jouer la carte de la solidarité entre médias, les deux journaux du groupe IPM préfèrent se poser en concurrents vachards. Dans cette lettre, qui circule pour l'instant sous le manteau, ils demandent en gros que Le Soir soit puni pour sa pratique, récurrente selon eux, de violer les embargos.
On pensera ce qu'on veut de l'attitude des uns et des autres. Ce que cette triste affaire révèle en tout cas, c'est que l'industrie du disque, comme celle de presse, sont aux abois.
Universal et consorts vendent de moins en moins de CD et licencient du personnel. Comme dit Mano Solo, dans une interview récente à ... La Libre Belgique: “quand vous téléchargez, vous mettez des prolos sur le trottoir”. Cela explique, davantage que le souci d'une concurrence équitable entre les médias, que les majors se soucient des embargos: si tous les journaux publient l'interview le même jour, cela crée un buzz médiatique propice aux ventes.
Quant aux journaux, eux aussi, ils doivent vendre du papier. Ils ont besoin de dEUS et des autres people, au moins autant que dEUS a besoin d'eux.
Nous sommes tous interdépendants, des rouages de la société de consommation culturelle, c'est ce que semble nous dire cette affaire, finalement. Et, finalement, le coup de gueule du Soir contre cette grande machine commerciale, aussi vain soit-il, est plutôt sympathique. Il est juste un peu surprenant de retrouver Thierry Coljon, dont on a épinglé ici la complaisance, se retrouve dans le rôle du Don Quichotte de la critique musicale...

Colonel Moutarde

mercredi 23 avril 2008

La Commission européenne patine sur le biofuel

Après avoir été présentés comme la solution au problème climatique, les biocarburants sont aujourd'hui critiqués sur tous les fronts. Parce qu'ils poussent à la hausse les prix alimentaires et parce que leur bilan énergétique n'est pas forcément optimal.
La polémique enfle et embarrasse la Commission européenne, qui est à l'origine de l'ojectif ambitieux que s'est assigné l'UE: 10% de biofuels dans les transports à l'horizon 2020, contre environ 2% actuellement. Il faudra un paquet de jus de betterave et d'huile de colza pour y parvenir et il faudra aussi sans doute importer des quantités faramineuses d'huile de palme asiatique et de bioethanol à base de canne à sucre en provenance du Brésil – au prix d'une déforestation dénoncée par Greenpeace.
Face aux critiques, la Commission tente de maintenir le cap, vaille que vaille, mais elle pourrait trébucher. En son sein même, des voix relayent les critiques des ONG. Le commissaire Louis Michel a mis en garde la semaine dernière contre la “mode des biofuels” qui pourrait aboutir à une “catastrophe” alimentaire. Avant d'être rapidement rappelé à l'ordre. Pas question en effet pour la Commission d'expliquer la flambée des prix alimentaires par les biocarurants. A en croire la thèse officielle, la croissance démographique, la modification des habitudes alimentaires en Asie, les mauvaises conditions climatiques et la spéculation sont les principaux facteurs de la hausse des prix. Les biocarburants ne seraient qu'une cause minime, tellement minime qu'il est fortement déconseillé aux commissaires de les mentionner. C'est pourquoi Louis Michel, qui a participé mardi à un débat au Parlement européen sur la crise alimentaire, n'en a plus pipé mot.
Et pourtant, la Commission a pris conscience du problème. Selon une note interne, “les biocarburants peuvent présenter une menace pour la sécurité alimentaire des pays qui s'approvisionnent sur le marché mondial, dans la mesure où ils aspirent l'offre céréalière et que cette dernière n'est plus aussi abondante qu'auparavant”. Et, plus loin, “si la production de biocarburants devient plus rentable que la production de produits alimentaires se profile le risque d'une production accrue des premiers aux dépens des seconds. Avec le risque que des investissements étrangers soient source d'une flambée des prix du foncier”.
Alors pourquoi cette omerta ? Parce qu'un changement de stratégie serait hautement embarrassant pour la Commission. Vis-à-vis de l'opinion publique, mais aussi vis-à-vis des investisseurs et industriels qui ont investi des dizaines de millions d'euros dans le secteur sur base de la stratégie européenne. Il n'est en effet pas courant que l'Europe revienne sur ses objectifs un an à peine après les avoir adoptés...
La Commission pourrait toutefois être contrainte cette fois de faire volte-face. Son président José Manuel Barroso a-t-il amorcé le mouvement en annonçant la réalisation d'une étude complète sur le sujet ? Une étude qu'il aurait sans doute valu effectuer un peu plus tôt, sans doute...

Colonel Moutarde

mardi 22 avril 2008

Budgets en équilibre: Pas de quoi Bombay le torse

Bombay est l'une des villes où la location d'immeubles de bureau est la plus chère au monde. C'est le Consul général de Belgique, Jean-Joël Schittecatte, qui l'a précisé ce lundi matin au micro de Jean-Pierre Hautier, sur la Première, au cours d'une émission spéciale consacrée à l'Inde.
On s'en tamponne le coquillard, m'objecterez-vous. Vous auriez tort, car le même Consul général a révélé, dans la même émission, ce fait intéressant: l'homme a passé les sept premiers mois de son mandat à se chercher une résidence, puisque le gouvernement avait décidé de revendre le bâtiment occupé jusqu'alors. La tâche n'a pas été aisée, a avoué M. Schittecatte.
Faut-il comprendre que le gouvernement a empoché le revenu de la vente d'un immeuble, histoire d'équilibrer les comptes publics, mais que le contribuable devra se farcir des loyers faramineux à partir de maintenant ? Ce ne serait pas la première fois. Plusieurs administrations à Bruxelles, dont celle du ministre des finances lui-même, sont dans le même cas de figure.
Il est autorisé de se demander à quoi aura servi l'équilibre budgétaire de l'ère Verhofstadt-Reynders, si les finances publiques devront supporter à long-terme des charges fixes de plus en plus lourdes – et on ne parle pas des fonds de pension que l'état a englouti dans les dernières années. A la propre popularité des principaux intéressés, peut-être ? C'est vrai qu'un budget en équilibre, ça fait bien...

Colonel Moutarde
(avec toutes mes excuses pour le titre foireux)

lundi 21 avril 2008

Marie la Forest, une star qui dérange

Le débarquement de la ministre fédérale Marie Arena à Forest ne suscite pas d'élan d'enthousiasme chez les socialistes locaux dont certains jeunes visent la succession de la bourgmestre Magda De Galan qui prendra sa retraite en 2012.
Voulant manifestement éviter à ce stade les divisions, cette dernière reste prudente mais on sent bien que l'arrivée de l'ex-ministre-présidente sur ses terres ne l'excite pas plus que cela.
La bourgmestre a évoqué la situation dans un Edito du journal de la section locale socialiste. "Marie, elle, a choisi de se domicilier à Forest pour des raisons qui sont les siennes et que je respecte". Bien. "Quand Marie demandera son transfert chez nous, nous organiserons une rencontre avec elle pour envisager un avenir ensemble". Bon. Mais Magda n'est pas pressée. "Chaque chose en son temps..." Plus loin dans l'Edito, la bourgmestre souligne qu'il reste encore 54 mois avant les élections communales, "trop pour se déchirer sur de stériles querelles de personnes". C'est que, venant à Forest, Marie Arena n'y fait pas que des heureux. Les pousses locales aux dents longues attendent patiemment de pouvoir devenir calife à la place de la calife. Parmi elles, le très ambitieux (arriviste?) Grégor Chapelle, actuellement échevin.

Durum

dimanche 20 avril 2008

Logement social: l'ONU va-t-elle enquêter à Namur?

Le scandale de la gestion des logements sociaux à Namur qui bloque l'arrivée de candidats extra-européens en vue d'assurer la coexistence des communautés n'est pas sans rappeler celui fait autour du Wooncode flamand tant dénoncé au sud du pays, singulièrement par le ministre wallon du Logement, le cdH André Antoine. Ce dernier condamne la situation namuroise tout en dénonçant l'hypocrisie des libéraux qui refusant de faire du logement social sur leur territoire communal suscitent la création de ghettos ailleurs que chez eux. Il a raison. Mais n'est-il pas lui hypocrite de dénoncer haut et fort le Wooncode flamand (à tout le moins l'obligation faite aux candidats de s'engager à apprendre le néerlandais sous peine de se voir refuser un logement) alors qu'apparaît au grand jour la manière de faire dans la capitale wallonne.
Pour le Wooncode comme pour le Foyer Namurois, l'objectif annoncé est louable: lutter contre la ghettoïsation. Mais les moyens pour y arriver posent question: que fait-on de ces citoyens fragilisés qui ne correspondent pas aux conditions énoncées pour pouvoir bénéficier du droit fondamental à se loger dignement? Comme il l'a fait en Flandre, le Comité des Nations-Unies pour l’élimination de la discrimination raciale viendra-t-il enquêter à Namur?

Durum

jeudi 17 avril 2008

Julie Néerlandez Néerlandez

La nouvelle secrétaire d'Etat liégeoise Julie Fernandez Fernandez n'est pas encore vraiment rompue aux subtilités de la syntaxe néerlandaise. C'est une litote. S'exprimant dans la langue de Vondel au parlement, elle baraguine un charabia digne de la pauvre Gisèle Mandaila qui a sévi avant elle. A l'écoute de ses réponses, les parlementaires néerlandophones ne sont pas certains d'avoir compris toute la subtilité de son propos et se voient incapables d'exercer leur contrôle parlementaire.
La chose est parfois vraie en sens inverse et reflète la réalité d'une démocratie en voie de délitement. La Belgique est aujourd'hui la somme de deux opinions publiques représentées par deux mondes politiques qui ne se comprennent plus.

Durum

mercredi 16 avril 2008

L'ambassadrice de Chine à Bruxelles met les autorités belges en garde

L'ambassadrice de Chine à Bruxelles, Madame Qiyue Zhang, met en garde la Belgique contre les répercussions économiques que pourrait prendre la République populaire si Bruxelles venait à se montrer trop critique sur la situation des droits de l'Homme. A l'instar d'autres Etats, la Belgique menace de boycotter la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques. La majorité parlementaire entend demander au gouvernement belge "d'envisager une position européenne commune manifestant le rejet et la critique de la politique chinoise en matière des droits humains, sociaux et environnementaux, sans exclure, en fonction de l'évolution de la situation, un boycott politique de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de 2008 à Beijing". Une résolution a été déposée en ce sens à la Chambre des représentants.
La Chine considère cela comme de "l'ingérence", a indiqué mercredi l'ambassadrice à Bruxelles, auditionnée mercredi en Commission des Relations extérieures de la Chambre et du Sénat. Elle a précisé, dans un langage très diplomatique, que le vote des députés était une chose mais qu'il fallait "tenir compte des relations bilatérales dans leur ensemble". Une menace à peine voilée. Le vote de la résolution a été reporté.

Durum

mardi 15 avril 2008

Affaire Laloux: la guerre des clans a commencé

Avertissement : ce ne sont que des conjectures !

Depuis 2000 et la reprise en main d’un PS mal en point par Elio Di Rupo, la guerre des clans s’était mise en veilleuse chez les socialistes francophones. La défaite de 2007 pourrait bien la raviver et l’affaire Laloux en être la première manifestation. Rien, ou peu de choses, ne destinaient Frédéric Laloux à siéger dans le gouvernement fédéral : c’est un inconnu hors de la scène namuroise, il ne brille pas par ses compétences, il n’a guère le style des jeunes loups Di Rupiens et en plus, il était le dauphin désigné de Bernard Anselme, emporté dans les tourments de l’affaire Sotegec. Rien... sauf peut-être un élément : éjecté avec le PS de la majorité à Namur, il est repris au cabinet de l’omnipotent Michel Daerden où il surveille les dossiers de la capitale wallonne qui relèvent des nombreuses compétences de Papa, notamment les travaux publics et les infrastructures sportives.
A l’heure de composer le gouvernement définitif, il s’agit de tenir compte du score de Michel Daerden aux élections du 10 juin. Le PS a essuyé un tsunami un peu partout sauf à Liège où, sous la conduite de Daerden, il a brillamment tenu tête à un MR emmené par Didier Reynders. Elio Di Rupo impose ses ministres, doit composer avec Laurette Onkelinx. Il ne reste donc pas grand chose à offrir à Papa. Certes, l’intéressé a déjà reçu de nouvelles compétences à la Communauté française mais, plutôt que d’imposer son fils Frédéric il doit accepter un choix de compromis : l’insignifiante Julie Fernandez Fernandez pour éviter Alain Mathot. L’autre secrétaire d’Etat lui permet de se rattrapper. Il faut un Namurois pour permettre au PS de se refaire une santé dans une ville qui lui semblait acquise. Place donc à Frédéric Laloux.
Sans doute pas le casting dont rêvait Elio mais le président du PS devra s’en accomoder. Les âneries du nouveau secrétaire d’Etat vont pourtant lui compliquer la vie. Il passe l’éponge une première fois et convainc Yves Leterme de fermer les yeux. Le chrétien-démocrate flamand se montre compréhensif mais c’était oublier Philippe Moureaux qui monte au créneau. Pourquoi une telle sortie dans « Le Soir » ? Bien sûr, le PS continue à perdre des plumes dans les sondages et en particulier à Bruxelles. Mais il y a aussi un Michel Daerden qui reprend du terrain après son éviction du fédéral (ça remonte à 99) et de la présidence de la fédération liégeoise du PS. Flupke a-t-il craint une influence grandissante de Papa au sein du parti? Difficile à dire aujourd’hui mais ses appréhensions permettraient d’expliquer le caractère disproportionné de sa sortie médiatique... Elles confirment en tout cas une chose : Elio a perdu le contôle du parti et la question de sa succession risque de se poser bien avant le terme de son mandat.

lundi 14 avril 2008

L'Europe est-elle néo-libérale ?

Pour poursuivre un débat amorcé sur une autre page de ce blog, je voudrais prendre la peine de détailler mon point de vue sur ce beau sujet de dissertation: l'Europe est-elle néolibérale comme on l'affirme souvent en France et en Belgique (mais moins dans les autres pays européens) ? Pour vous motiver à lire ma prose jusqu'au bout, j'expliquerai aussi pourquoi je pense que les Belges feraient mieux de balayer devant leur porte...

1. L'Europe, comprise comme raccourci pour les institutions européennes, n'est pas de gauche ou de droite. Ce n'est qu'une coquille vide. Cela fait un certain nombre d'années que la droite est dominante dans ses deux bras législatifs: au Parlement européen (élu directement), mais aussi au Conseil des ministres (vu qu'il y a une majorité de gouvernements de droite). C'est le simple jeu démocratique qui débouche sur des politiques de droite.

2. A propos des libéralisations
L'Europe, c'est la réconciliation de l'Allemagne et de la France. Dernièrement, c'est aussi la fin d'une division artificielle créée par la guerre froide. Grands enjeux historiques, qu'on a du mal à appréhender parce qu'on a la mémoire courte.
Au coeur du projet: l'intégration économique. Faire tomber les barrières à la circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. Cet objectif se heurte naturellement à des résistance, surtout pour les deux dernières libertés. Pourtant, c'est la même logique, celle d'unifier le continent. D'affirmer qu'il n'y a pas de raison qu'un plombier polonais ne puisse pas venir travailler en France. Pas de raison que je ne puisse pas placer mon argent dans une banque allemande. Pas de raison qu'un retraité ne puisse pas toucher sa retraite en Espagne. “Putain, putain, nous sommes tous des Européens”, chantait Arno. C'est une logique noble, profondément anti-discriminatoire, même si son application doit être bien encadrée (et c'est ici que le jeu démocratique intervient).
Quelques exemples:
la directive Bolkestein: l'exemple même du grand satan capitaliste dénoncé par les europhobes. La logique initiale était viciée parce qu'elle prévoyait d'imposer la loi du pays d'origine d'un travailleur dans un autre pays où il preste son service. La directive a été profondément réformée (preuve de la vivacité démocratique de l'UE) pour devenir un cadre qui, en gros, facilitera la vie de tous les plombiers polonais, plafonneurs lettons, publicitaires britanniques et consorts. Tous devront respecter les lois sociales du pays d'accueil. Conséquence: il sera sans doute plus avantageux, dans la prochaine décennie, de faire appel à un électricien slovaque qu'à un spécialiste local pour des travaux à domicile. Cela permettra au premier d'élever son niveau de vie. Le second ne pourra pas fixer des tarifs aussi élevés qu'il le souhaiterait. Honnêtement, cela ne me semble pas être une menace pour la justice sociale.
la libéralisation postale
Bientôt, on verra peut-être apparaître des boîtes postales jaunes gérées par la poste allemande, en vertu de la libéralisation du courrier qui vient d'être finalisée. La Belgique s'est vigoureusement opposée à cette directive, mais n'a obtenu que de la retarder de quelques années. Que s'est-il passé ? En gros, les pays qui avaient des postes performantes ont poussé pour que les marchés soient ouverts au niveau européen, au grand dam des Etats moins compétitifs dans ce domaine.
Il existe une vraie menace pour la qualité du service universel (courrier tous les jours même dans les zones reculées) et les conditions de travail dans les entreprises postales. Faut-il en conclure, ici encore, qu'Europe = grand capital ? Pas forcément: il est en effet possible de veiller, nationalement ,à l'application du service universel et d'assurer que les postiers ne seront pas bientôt tous engagés avec des CDD précaires. Certes, le commissaire européen en charge du dossier, l'Irlandais Charlie McCreevy, est très, très libéral. Mais la Belgique a les leviers nécessaires pour faire prévaloir sa conception. Il faudra, ensuite, voir l'impact réel de cette libéralisation. Dans le secteur de la téléphonie mobile, le résultat n'a pas été mauvais.

3. Le cas sensible du dumping social
Dans plusieurs dossiers sensibles sur des cas de dumping social, la Cour européenne de Justice a rendu des arrêts peu favorables à l'action syndicale. C'est notamment le cas dans l'affaire Laval, du nom de cette entreprise letonne chassée de Suède par les syndicats après qu'elle a refusé de suivre une convention collective.
Ces décisions, qu'on peut lire in extenso sur le site de la Cour, restent pour l'instant nuancées et ne constituent pas une menace directe pour le droit de grève. Le droit d'action collective est par ailleurs gravé dans le marbre de la charte européenne des droits fondamentaux, que le traité de Lisbonne rendra contraignante (c'est ce qui a amené le Royaume-Uni à négocier une dérogation).
Le dumping social en tant que tel, c'est-à-dire le risque d'une mise concurrence des normes salariales et autres, est quant à lui bien réel. En l'absence de législation précise, le problème est pour l'instant traité essentiellement par la Cour de Justice. Or, dans la hiérarchie des valeurs de la CEJ, la lutte contre la discrimination est supérieure au maintien d'un niveau élevé de protection sociale. Sa jurisprudence est extrêmement constante: elle ne tolère aucune différence de traitement entre les Européens, fut-ce au prix de l'abandon d'un avantage social - à moins de dérogations prévues explicitement dans les traités. Le traité de Lisbonne fait figurer dans les objectifs de l'UE "un niveau élevé de protection", mais il ne change pas fondamentalement l'équilibre des priorités de l'UE.
La question du dumping est par conséquent l'un des défis principaux de la gauche européenne pour les prochaines années: trouver des formules qui permettront d'élever les normes sociales et la qualité de vie dans l'ensemble de l'Union, plutôt qu'individuellement, par pays. Cela requerra sans doute un énorme travail de persuasion auprès des Etats qui préfèrent miser sur leur propre compétitivité pour s'enrichir. Le succès de l'entreprise est à ce prix. Je reviendrai sur ce sujet dans un autre post.

4. A propos de la rigueur budgétaire
Les ennuis de l'Europe ont peut-être commencé avec le traité de Maastricht, qui a défini les critères d'adhésion à l'euro. Maîtrise du déficit, de la dette, inflation sous contrôle... les fameux critères ont souvent été dénoncés parce qu'ils ont obligé les Etats à se serrer la ceinture.
La rigueur budgétaire est perçue comme une valeur de droite, mais, au risque de me faire traiter de col blanc, je pense qu'il est bon que les gouvernements, de gauche comme de droite, gèrent les finances publiques en bons pères de famille. Dans les années 1980, la Belgique a laissé filer sa dette à des niveaux absolument impossibles. C'est en partie grâce à la pression européenne qu'elle l'a ramenée à des proportions moins calamiteuses. Qui pourra nier que c'est mieux pour les générations futures ? Elles devront déjà se coltiner le coût du vieillissement de la population. Au moins pourront-elles éviter de payer les intérêts d'une dette contractée par leurs ancêtres.

5. Pourquoi la Belgique ferait bien de balayer devant sa porte
Il est de bon ton de penser, chez les socialistes belges, que le pays est à la pointe du progrès social. En période électorale, les politiciens ne manquent pas de rappeler que ce modèle est menacé par la méchante Europe capitaliste, histoire d'engranger des voix faciles.
Mais s'il est vrai que l'assurance maladie ou chômage est très performante, un examen de la politique fiscale de la Belgique vient tempérer cet enthousiasme.
Le pays est traditionnellement l'un des Etats membres où la fiscalité sur le travail est la plus élevée, tandis que le capital est beaucoup moins taxé. L'imposition du capital a progressé au cours des dernières années, mais on peut penser que les intérêts notionnels vont largement tempérer cette tendance.
Avec les intérêts notionnels, mais aussi les centres de coordination ou d'autres mécanismes, la Belgique a mis en place un système destiné à attirer les placements étrangers. Elle permet ainsi aux citoyens de pays tiers d'éluder les impôts. La Commission européenne s'efforce de supprimer ces régimes, mais Didier Reynders résiste.
Dans le dossier de la fiscalité de l'épargne, la Belgique a ainsi obtenu, au même titre que le Luxembourg et l'Autriche, d'être exemptée d'un système généralisé d'échange d'information entre les administrations fiscales. Ce système était promu par la prétendument ultralibérale Commission.

On voit bien à travers ces exemples qu'il est beaucoup trop facile d'accuser l'Europe d'être néolibrale sans autre forme de procès. L'Europe c'est un espace démocratique beaucoup plus grand que la Belgique, beaucoup plus difficile à maîtriser. Plutôt que de manier des slogans, il vaudrait mieux s'attacher à la comprendre de l'intérieur pour mieux l'orienter.

dimanche 13 avril 2008

La réforme est morte. Vive la chienlit!

Quarante ans après mai 68 qui a permis un formidable mouvement de libération des consciences prisonnières d'un Etat liberticide, force est de constater que les citoyens voient aujourd'hui plus que jamais leurs droits confisqués. Après avoir permis d'assouplir les structures politiques, Mai 68 a contribué au transfert du pouvoir aux mains de l'entreprise. Celle-ci a profité de la déstructuration des pouvoirs publics pour s'engouffrer dans la brèche et nier à son tour la liberté de l'individu.
Ainsi, Mai 68 avait notamment pour ambition de susciter une révolution culturelle face à la chape de plomb du politique qui n'hésitait pas à user de la censure.
Quarante ans plus tard, les multinationales ont pris le relai, transformant la culture en business, le pouvoir de l'argent dictant les règles de ce nouvel impérialisme. Universal menace les journalistes d'une astreinte de 25.000 euros s'ils ne respectent pas l'embargo portant sur une interview du groupe dEUS. Clear Channel et dans sa foulée Live Nation se sont arrogés un quasi-monopole sur l'organisation des concerts, menaçant les artistes sous contrat qui se produiraient pour autrui en osant demander un tarif plus démocratique. Un nouveau formatage culturel au service d'une idéologie, Clear Channel ayant soutenu l'administration Bush en Irak et menacé les artistes réfractaires à cet engagement (New-York Times, 25/3/2003).
Après les pavés de Paris-Roubaix (Tommeke Tommeke wat doe je nu?), Mai 2008 redonne envie de plage.
De plus en plus limités dans leur pouvoir d'achat, les citoyens voient leurs libertés au quotidien et leurs droits fondamentaux de plus en plus menacés. Selon la CSC, il en coûtera 676 euros en plus en 2008 pour un ménage avec 2 enfants pour se nourrir et se chauffer. Dans le même temps, le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet demande à la Belgique de se serrer la ceinture un peu plus en renonçant à son système d'indexation des salaires. "2008, année de vérité pour l'index", a surenchéri le gouverneur de la BNB Guy Quaden. Un ancien soixante-huitard. Avouez qu'il y a de quoi tomber de sa barricade.
Il est vrai que l'indexation connaît un boom sans précédent: +15 à 20%... pour Serge Fautré ou Jean-Paul Votron, les patrons de Cofinimmo ou de Fortis qui aux côtés des malheureux Albert Frère (GBL), Carlo Brito (Inbev), Roch Doliveux (UCB), Bernard Moschéni (ex-Mobistar), Thomas Leysen (Umicore) ont perçu en 2007 des émoluments oscillant entre 600.000 euros et 4,25 millions d'euros. Bien sûr, les bien-pensants rétorqueront que ces quidam prennent des risques au service de l'économie et... qu'il est interdit d'interdire. Et bien, soyons réalistes. Demandons l'impossible!

Durum

samedi 12 avril 2008

La flamme olympique, souvenir de l'Allemagne nazie

On parle beaucoup de la flamme olympique ces derniers jours dont le parcours connaît quelques tribulations sur fond de demande de respect des droits de l'Homme à la Chine, hôte des Jeux. Anachronisme curieux, la flamme olympique présentée par d'aucuns comme un symbole des Droits de l'Homme a été pour la première fois arborée... en 1936 lors des Jeux Olympiques de Berlin organisés par l'Allemagne nazie. Il est étonnant que ce symbole se soit perpétué au fil du temps pour revenir avec force au devant de l'actualité en 2008. Il est consternant et terrifiant que le Comité olympique international continue à s'inscrire dans ce qui fut un élément de propagande hitlérienne.

Durum

Documentaire de la RTBF sur Lizin: un arrêt sur image

Annoncée de longue date et avec fracas, l'émission de Patrick Remacle, de la RTBF, relative à Anne-Marie Lizin, a permis de découvrir une facette de la sulfureuse maïeure de Huy dans sa gestion locale au quotidien. Ce documentaire d'une bonne heure retrace 25 années de politique hutoise sous la férule de l'édile locale avec comme angle d'attaque, celui du pouvoir au service de ses administrés devenus parfois affidés et au service... d'elle-même. Vu sous cet angle, ce reportage de longue haleine donne l'impression d'un arrêt sur image au demeurant intéressant. On y évoque à la fois le don de soi de la première dame de Huy, le clientélisme, la générosité, l'hypocrisie, la séduction et l'autoritarisme de la bouillante bourgmestre qui a su faire de Huy une ville moyenne médiatisée par une gestion dynamique (permise grâce aux plantureuses rentrées de ses centrales nucléaires) mais également pointée du doigt pour ses excès aux conséquences budgétaires parfois douloureuses.
Au final, le sujet aurait parfaitement pu s'intégrer dans "Tout ça (ne nous rendra pas le Congo". Il a trait à une femme souriante, autoritaire, boulimique de pouvoir au service des autres mais également d'elle-même. Une femme politique ordinaire finalement qui à l'instar d'autres (ou d'hommes politiques) fait un boulot qui a ceci de particulier qu'il entraîne souvent autant de don de soi que de démesure. Mise sur la sellette, Mme Lizin ne se voit pas reprocher de ne viser le pouvoir qu'au service de son seul pouvoir.
A l'instar d'autres édiles locaux, elle use parfois de pratiques (clientélistes) qui sur le plan de l'éthique posent question. Son franc parler et son dynamisme font probablement qu'elle interpelle plus que d'autres. Et notamment son voisin Patrick Remacle, qui, après des années de filature, lui a consacré un documentaire à charge. La manière dont certains mandataires font de la politique peut susciter la réflexion. Prenons garde toutefois aux réponses simplistes que pourraient apporter certains chevaliers blancs, sachant que la meilleure sanction reste celle énoncée par l'électeur.

Durum

Une crise plus idéologique qu'institutionnelle

La crise politique que vit la Belgique depuis le 10 juin 2007 est plus idéologique que communautaire. Certes, il y a les résolutions du parlement flamand demandant une régionalisation importante de matières fédérales (emploi, santé, fiscalité). Certes, celles-ci s'inscrivent dans le cadre émancipatoire du mouvement flamand. Certes, lesdites résolutions ont été relayées en 2004 dans l'accord de gouvernement flamand puis au fédéral par les partis flamands, durant la campagne électorale de 2007 et durant l'après-élection.
Depuis, même si les revendications flamandes visant à obtenir des leviers pour encadrer l'économie nordiste restent fortes, les exigences se focalisent essentiellement sur l'emploi.
Les demandes régionalistes ont essentiellement été poussées au cours des derniers mois par le cartel CD&V/N-VA. Les chrétiens flamands ont trouvé ce filon durant leurs années d'opposition fédérale en vue de s'attaquer aux libéraux flamands à qui ils n'ont jamais pardonné de les avoir évincer du pouvoir en 1999 après un demi-siècle d'état CVP. Entre-temps a émergé au CD&V une nouvelle génération, plus "flamande" et non aguerrie à la gestion du pouvoir et au sens du compromis.
Depuis quelques semaines cependant, on a l'impression que ce qui a pu apparaître comme une crise institutionelle est en train de s'estomper pour mieux laisser entrevoir le véritable problème, idéologique, qui mine la Belgique.
Les observateurs politiques l'ont écrit et réécrit, avant le scrutin de 2007, chrétiens-humanistes et socialistes avaient prévu de se retrouver après huit années d'une alliance laïque qui, avec les libéraux, avait, dans un premier temps, permis de donner du souffle sur le plan éthique (dépénalisation de l'euthanasie, mariage homosexuel, légalisation de la recherche sur les embryons) mais a par ailleurs vu les caisses de l'Etat commencer à s'assécher.
Durant huit ans, les baisses de charges sociales répétées accordées aux entreprises ont entraîné un financement alternatif sans cesse plus important de la Sécurité sociale. D'importantes réformes fiscales ont par ailleurs été réalisées, essentiellement au profit de la classe moyenne supérieure et des revenus les plus riches ainsi qu'au bénéfice des entreprises. Or, les libéraux du nord et du sud, faisant cause commune, ont promis à l'électeur une nouvelle vague de réformes. Mais il y a un os. Aujourd'hui, les caisses de l'Etat sont vides.
Pendant ce temps, le CD&V a lui regoûté aux joies du pouvoir. Les cabinets ont été installés. Yves leterme est très vite rentré dans ses dossiers et semble endosser avec délectation sa fonction de premier ministre, faisant savoir urbi et orbi qu'il est le nouveau chef du gouvernement belge.
Après la crise de 2007 qui a accouché d'un gouvernement intérimaire, on annonçait le report du grand soir institutionnel à la fin mars. Fin mars, un gouvernement dit définitif a été mis en place, d'aucuns annonçant cette fois que le 15 juillet accouchera de la grande réforme voulue par le nord faute de quoi ce sera le clash.
Il apparaît aujourd'hui que le CD&V est en train d'opérer une rotation de 180°. Pour Yves Leterme, le 15 juillet n'est plus une date-butoir et l'institutionnel n'est plus la seule priorité des priorités. Un accord sur une régionalisation serait, selon lui, le signal que la Belgique avance vers cet état moderne auquel aspire la Flandre. M. Leterme a même indiqué que si le 15 juillet la N-VA venait à refuser, de mauvaise foi, de franchir une étape concrète qu'elle jugerait insuffisante, il lui faudrait en tirer les conséquences. Et Yves Leterme semble être suivi par son parti dont l'appareil a su imposer comme unique candidate à la présidence, Marianne Thyssen, une députée européenne qui, si elle est une partisane du cartel CD&V/N-VA, n'est pas une habituée du poto poto communautaire.
On sent bien pourtant que si l'enjeu est moins institutionnel qu'il n'apparaissait il y a quelques mois, le 15 juillet sera malgré tout l'occasion de vives tensions qui mèneront dans le pire des cas à un clash.
Depuis quatre mois, les libéraux doivent avaler des couleuvres. Le 10 juin 2007, le MR a réussi une formidable opération en devenant le premier parti en Wallonie et à Bruxelles et en repoussant le parti socialiste. Pourtant, il y a cinq mois, il a du accepter, la mort dans l'âme, le retour aux affaires du PS. Qui plus est, les caisses de l'Etat étant vides, les libéraux ne pourront mener cette nouvelle réforme fiscale d'envergure qu'ils avaient promise à leurs électeurs. Après les déboires des négociations orange bleue, cette situation ternit l'image libérale dans l'opinion publique et même si le MR reste premier parti francophone dans les sondages, il est pointé en recul.
L'annonce d'un contrôle budgétaire en juillet dans un contexte économique morose ne va faire qu'accroître la pression sur les libéraux qui craignent de se faire débarquer du gouvernement en juin 2009 (en cas d'élections anticipées couplées aux régionales). Le MR pourrait dès lors provoquer une crise dès juillet, sachant qu'il reste encore à ce stade le premier parti francophone et que le PS ne s'est pas remis, que du contraîre, de sa pantalonade de juin 2007. Plusieurs signes sont déjà annonciateurs de l'état d'esprit qui pourrait prévaloir. Le MR est le premier parti à être entré en campagne électorale. Officiellement pour les élections de juin 2009. Par ailleurs, pourtant très allié à l'Open Vld, le MR est celui qui insiste le plus sur sa non disposition à poursuivre des négociations institutionnelles faute de nomination des bourgmestre francophones de la périphérie. Le ministre de tutelle sur les communes flamandes, l'Open Vld Marino Keulen, reste lui tout aussi intransigeant sur sa volonté de ne pas nommer lesdits bourgmestres. Comme s'il y avait une alliance objective entre libéraux pour provoquer un cataclysme. A suivre car manifestement, l'heure n'est pas encore venue de se cacher sous son clavier.

Durum

mercredi 9 avril 2008

La démocratie est morte. Vive la démocratie

La Belgique est en train, à l'instar des autres Etats-membres de l'Union européenne, de donner assentiment au Traité de Lisbonne dans l'indifférence la plus complète de la population et de ses représentants. Ce texte important pour le devenir des institutions européennes et à travers elles pour les politiques qui en découleront suscite l'indifférence la plus totale.
Il y a un mois, le Sénat a organisé un après-midi de pseudo-débat dans un semblant d'enthousiasme, les parlementaires ayant eu une journée en Commission pour avaler 370 pages de documents, Traité et annexes incluses, y compris l'avis (critique du Conseil d'Etat). Autrement dit, ils n'ont pas lu tous ces documents. Rebelotte mercredi à la Chambre.
Le Traité de Lisbonne vise à insufler plus de démocratie dans les rouages européens. Pourtant, à ce stade, on peut se demander si la démocratie n'est pas en train de foutre le camp.

Durum

lundi 7 avril 2008

Euthanasie: le fossé est grand entre la loi et la pratique

L'histoire tragique d'un ami, euthanasié cette semaine après une tentative de suicide et un séjour de trois mois dans un semi-coma, m'a fait prendre conscience du fossé qui existe entre la loi et la pratique.
La loi pose des conditions très strictes au suicide médicalement assisté: 1. le patient est majeur capable et conscient au moment de sa demande; 2. celle-ci est formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée et ne résulte pas d'une pression extérieure; 3. le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance physique ou psychique constante.
Le médecin doit respecter des conditions très strictes, en informant le patient et en lui faisant remplir une déclaration très détaillée. En cas d'inconscience, celle-ci peut avoir été rédigée anticipativement. Le médecin qui a pratiqué une euthanasie doit enfin informer dans un délai de 4 jours une commission de contrôle.
Dans le cas de mon ami, pour autant que je sache, aucune des conditions n'a été remplie. Il n'était pas conscient et n'avait pas formulé le souhait de mourir de façon répétée. Sa situation médicale, bien que grave, n'était pas sans issue. La décision a été prise dans la précipitation par la famille proche, en n'informant que très sommairement ses autres connaissances.
L'objet de ce post n'est pas de condamner qui que ce soit, ni de faire de la morale à bon marché. Mais cette histoire jette pour moi une autre lumière sur les discussions relatives à l'assouplissement de la loi, alors que certains partis veulent autoriser l'euthanasie pour les enfants et les vieux en état de démence. Elle me fait douter un peu plus de l'impact réel des gesticulations politiques sur la vie réelle.

Colonel Moutarde

dimanche 6 avril 2008

Le manifeste du Front National belge fait froid dans le dos

Le Front National repris en main par le sénateur Michel Delacroix vient de publier son manifeste. Il fait froid dans le dos. Le parti d'extrême droite, qui se définit lui-même comme national-populiste, y énonce les lignes de force de son action centrée sur la famille traditionnelle, le rejet des homosexuels et l'encouragement des femmes au foyer, l'exclusion de l'étranger, et une politique autoritaire qui entend soumettre la question de la réinstauration de la peine de mort.
En ce qui concerne la famille, "il est contre-indiqué que les pouvoirs publics fassent l’éloge, la promotion et la publicité" d’autres états de vie que la famille classique composée d'un père, d'une mère et des enfants, "introduisant, par là, dans l’esprit du citoyen, le doute sur le caractère naturel et civique de l’union hétérosexuelle, de l’œuvre de procréation et d’éducation".
Le FN est, par ailleurs, d'avis que "nous assistons à la généralisation d’une première maternité de plus en plus retardée. Ce comportement, qui est le plus souvent justifié par le désir de perturber le moins possible la carrière professionnelle de la femme, est détestable sur le plan démographique, en même temps qu’il n’est pas recommandable sur le plan médical". Il prône un programme "d’aide très importante à la reconversion" de ces femmes.
En matière d'immigration, le Front National entend limiter au maximum l'accès à la nationalité, l'asile, le regroupement familial, s'oppose fermement aux régularisations et ne cache pas son ambition de revenir sur l'octroi du droit de vote accordé aux étrangers pour les élections communales. Il souhaite supprimer la loi contre le racisme, estimant qu'elle met à mal la liberté d'expression.
En ce qui concerne la sécurité, le FN plaide le renforcement de l'appareil policier et la capacité carcérale (de 50%). Dans l’exercice de leur fonction, les policiers impliqués dans des échanges violents bénéficieront d’une présomption de légitime défense, énonce le manifeste. Les autorités publiques n’hésiteront pas à encourager la création et le fonctionnement de «réseaux d’information de quartier» (groupements d’habitants qui s’organisent pour surveiller leur quartier en liaison avec la police), annoncent encore les Frontistes. L'âge de la majorité pénale serait abaissé à 15 ans.
Enfin, la question de la peine de mort doit être remise sur la table, estime le FN. Selon le manifeste, "cette question a toujours été traitée loin du peuple; nous proposons qu’elle soit réexaminée et soumise à referendum".
Heureusement, à ce stade, le FN reste l'héritier de groupuscules fascistes qui, contrairement à ce qui s'est passé en Flandre, n'ont jamais réussi à bénéficier d'une légitimité démocratique. Puisse ce panier de crabes en rester là.

Durum

samedi 5 avril 2008

Invest in Olivier Alsteens

Le moniteur belge du 1er avril (sic) publie la nomination d'Olivier Alsteens comme directeur général du service de communication externe au service public fédéral de la chancellerie du premier ministre. La nomination a été scellée par arrêté royal du 11 mars qui prend effet au 1er mars. La confirmation du libéral Olivier Alsteens à ce poste constitue un des derniers actes entrepris par Guy Verhofstadt.
Le moniteur précise qu'il peut être fait appel endéans les soixante jours après cette notification.
On se souvient qu'Olivier Alsteens, ancien porte-parole de Louis Michel aux Affaires étrangères, est sous le coup d'une procédure en annulation de sa nomination à ce même poste en 2002.
Les mandats des premiers managers désignés à l'époque peu après la réforme Copernic de la fonction publique commencent à venir à échéance. Celui de M. Alsteens venait à échéance le 1er mars.
Le Conseil d'Etat a annulé une série de nominations de topmanagers au motif que la procédure n'avait pas été suivie correctement. Ce fut notamment le cas pour Jean-Claude Laes aux Finances (certaines rumeurs font état de son retour prochain au même poste) ou de Georges Monard à la Fonction publique. Olivier Alsteens court également le risque de voir sa nomination annulée.
Les mandats de topmanagers pouvaient être reconduits en cas d'évaluation positive. On imagine que les festivités du 175ème anniversaire de la Belgique et des 25 années de fédéralisme ainsi que les campagnes Invest in Belgium auront suffi à juger positivement M. Alsteens. Ce dernier devra à présent composer avec son nouveau patron, le CD&V Yves Leterme. A quand les festivités pour l'an I du confédéralisme?

Durum

jeudi 3 avril 2008

Donne un poisson d'avril à un homme, il mangera une journée, apprends lui à pêcher, il mangera toute sa vie

C'est l'histoire d'un militant des droits de l'Homme africain venu se réfugier en Belgique, fuyant l'oppression dans son pays. Familiarisé aux subtilités de notre plat pays qu'il a eu l'occasion de connaître au travers de nombreuses missions qui l'ont conduit dans les arcanes du pouvoir, belge et européen, notre hôte y est installé depuis récemment.
Le traitement administratif de sa procédure d'asile l'a conduit au fin fond de la Flandre, dans une sympathique bourgade rurale. Un Noir au pays des Ardennes flamandes, de ses kermesses cyclistes, ses trapistes, son Wooncode, sa zorgverzekering, son inburgeringsdecreet.
Inburgeringswade? La Flandre dispose parmi ses outils oeuvrant à l'organisation d'une société harmonieuse, d'un décret qui vise à intégrer les nouveaux arrivants sur son territoire dans des parcours d'insertion à l'objectif louable. Quoi de plus naturel que d'offrir la possibilité à ces citoyens du monde de se familiariser avec la langue d'Hugo Claus et d'apprendre les subtilités du fonctionnement institutionnel local afin de s'intégrer au mieux dans la communauté accueillante.
On peut toutefois regretter le caractère coercitif de telles démarches qui faute d'être suivies entraînent de sérieuses amendes infligées à des personnes souvent déboussolées et certainement fragilisées. Le non suivi d'autres démarches visant à activer ces citoyens en devenir peut par ailleurs entraîner la suspension d'allocations sociales avec toutes les conséquences qu'on imagine. Notre hôte en a fait l'expérience avant de comprendre ce qu'on lui voulait au pays de Tijl Uylenspiegel. Depuis quelques mois, il commande sa Westvleteren en néerlandais matiné d'accent lingala, dispense les rudiments d'apprentissage aux institutions européennes qu'il pratique de longue date, à la place du titulaire ès insertion et donne des "keukenlessen" à son aréopage intégrateur, rompant le secret de préparation du poulet à la moambe. Tout cela avec le sourire.
L'histoire est belle. Pourtant, au final, on ne manquera pas d'éprouver plus qu'un sentiment de gêne à l'égard de pratiques qui en rappellent d'autres. Cette boulette d'avril n'est pas un poisson d'avril. S'il est de la responsabilité d'autorités publiques d'organiser la vie en société, la méthode de la carotte et du bâton n'est pas digne d'une communauté qui se veut civilisation.
Notre hôte a eu l'intelligence d'équilibrer le processus et de le ramener à ce qui devrait animer toute société qui se voudrait progressiste. Vivre ensemble, c'est partager des valeurs que l'on veut communément admises. Après une Westvleteren, rien de tel qu'une cuiller d'huile de palme. Pour tapisser.

Durum