mercredi 9 septembre 2009

L'étrange malédiction d'Yves Leterme

Quand, en 1968, Andy Warhol prédisait à chacun 15 minutes de gloire, il ne pensait sans doute pas que sa prophétie s'appliquerait, de façon étrange, à un politicien belge répondant au nom d'Yves Leterme. L'homme s'est retrouvé sous les feux des projecteurs le soir du 10 juin 2007, après avoir recueilli 800.000 voix aux élections législatives, une victoire quasiment sans précédent qui laissait augurer le meilleur pour sa carrière politique.


Mais une fois passé cet instant au sommet sa vie politique s'est apparentée à une longue descente aux enfers. On ne reviendra pas sur les nombreux couacs qui ont émaillé son parcours de Premier ministre - déjà largement commentés. Plutôt sur cette poisse qui semble le poursuivre dans ses nouvelles fonctions. En devenant ministre des Affaires étrangères, Yves Leterme pensait sans doute mettre derrière lui les pages les plus sombres de sa carrière. Il nourrissait peut-être même l'ambition de reprendre à Herman Van Rompuy cette fonction de Premier ministre qui lui avait été si injustement ravie. C'était sans compter sur des relations pour le moins houleuses avec les médias, qui menacent de ternir son image pour de bon. Ce n'est pas un secret: l'homme n'est pas en bons termes avec la presse. Depuis qu'elle l'a rendu ridicule en lui faisant chanter la Marseillaise en la place de la Brabançonne, il voue à la RTBF un mépris profond, osant même une comparaison controversée avec Radio Mille Collines. Plus généralement, il méprise ces journalistes qui lui ont façonné une image d'autiste incapable de mener un gouvernement.
En arrivant à la rue des Petits Carmes, Yves Leterme était bien décidé à reprendre le contrôle de son image, histoire de se tailler un costume d'homme d'Etat. Mais à l'image des efforts de Nicolas Sarkozy, sa stratégie est en passe de dérailler. Il prépare méticuleusement un premier déplacement au Vietnam ? Het Laatste Nieuws raille le chapeau que ses hôtes l'invitent à porter pour l'occasion.


Surtout, en snobant un journaliste du Knack, pas invité à participer au voyage, il se prend une réponse cinglante de l'hebdomadaire. "A-t-on jamais vu cela ? Ces voyages ministériels sont payés avec de l’argent du contribuable et ce n’est donc pas à un ministre fortuit de déterminer que seuls les journalistes qui lui sont bien intentionnés peuvent en profiter! Ça ne se passe même pas comme ça en Lybie, mais bien en Belgique…". Sans compter que Knack révèle que le ministre aurait envoyé "une flopée de sms pour le moins chauds qui ont été envoyés à une journaliste de la RTBF".

Pour la rentrée, Yves convoque, tout au long d'une semaine, quasiment tous les journalistes politiques du Royaume pour une série d'entretiens sur sa politique. Le Morgen en profite pour briser le caractère off-the-record des entrevues et balance un article embarrassant sur le dossier sensible de l'approfondissement de l'Escaut.
Le week-end dernier, l'homme est en déplacement à Stockholm pour une réunion européenne. C'est au tour du Soir de se payer sa tête dans un article plutôt moqueur, qui épingle sa "prudence quasiment maladive" et ses "lacunes" dans la connaissance des affaires étrangères.
Ce matin encore, le Morgen égratigne sa décision de décrocher des murs de son cabinet 28 photos de Stephan Vanfleteren acquise par son précécesseur.
Pas de quoi faire tomber un ministre, certes. Mais il ne se passe pas un jour sans une anicroche entre Leterme et les médias. Au cabinet et à l'administration des Affaires étrangères, on affiche un certain dépit face à ces journalistes tellement irrespectueux. On commence aussi à se demander quelle est l'étrange malédiction qui frappe "Monsieur 800.000 voix" - dont il est fort à douter qu'il puisse un jour accéder à nouveau aux sommets atteints le 10 juin 2007.

Colonel Moutarde

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