Entre Guy Verhofstdat et José Manuel Barroso, ce fut d'abord l'affrontement de deux conceptions du monde. Le premier est aussi pro-européen que le second est atlantiste. Le Belge est un idéaliste forcené de l'intégration alors que le Portugais un pragmatique. Ce fut ensuite une question personnelle: sur le point d'être nommé président de la Commission européenne en 2004, Verhofstdat, se voit coiffer sur le poteau par Barroso, plus consensuel et plus acceptable pour les Britanniques.
Durant cinq ans, l'ex-premier ministre belge ne cache pas son mépris pour l'ex-premier portugais, dénonçant sa frilosité. Il cultive sa propre image de shadow-président de la Commission, notamment lors d'un discours très applaudi au Parlement européen. Il publie "Les Etats-Unis d'Europe", puis "Sortir de la crise: Comment l'Europe peut sauver le monde", deux plaidoyers pour des actionss communautaires très ambitieuses, aux antipodes des politiques prudentes de Barroso. En juin dernier, il se fait élire au Parlement européen sur ces thèmes, avant de devenir le chef du groupe libéral.
Dès le départ, il est conscient que son opposition frontale à Barroso n'est pas tenable: les libéraux de Verhofstadt et les conservateurs de Barroso sont en effet deux alliés naturels, au centre-droit de l'échiquier politique européen. Il amorce alors un virage en douceur, histoire de sauver l'honneur. Avant l'été, il tente encore de faire croire à son intransigeance. Il exige le report du vote d'investiture de Barroso, normalement prévu en juillet, et pose ses conditions. Parmi celles-ci, la création d'un poste de commissaire aux droits de l'homme, la régulation de la finance et, surtout, un nouveau plan de relance pour l'économie européenne.
L'idée est la sienne, pas celle de son groupe, par nature opposé à un rôle trop important de l'Etat. Pendant la campagne, Verhofstadt avait plaidé pour un euro-endettement à concurrence de 1.000 milliards d'euros (rien que ça!), afin d'investir les montants dans la transformation de l'économie. Il y a quelques mois à peine, de tels investissements avaient encore le vent en poupe - défendus notamment par le prix Nobel d'économie, Paul Krugman. Mais le vent tourne rapidement. Au moment de formuler ses conditions à Barroso, fin juin, Verhofstadt sait déjà que la rentrée sera toute à la rigueur budgétaire. Il sait aussi qu'on oublie beaucoup durant l'été. En septembre, personne ne se souviendrait de ses idées des relance.
Et c'est ce qui se produit. Les Européens cherchent désormais à remettre leurs finances publiques en ordre. Pour permettre à Verhofstadt de sauver la face et aux libéraux de l'approuver, Barroso accepte l'idée d'un commissaire aux droits de l'homme - une cacahuète. La régulation des marchés financiers était acquise en tout état de cause. Le plan de relance passe aux oubliettes.
Demain, Barroso obtiendra la confiance du Parlement européen, avec le soutien des libéraux. Les socialistes, qui voteront contre, n'ont pas manqué d'épingler cette volte-face. "Les libéraux ont changé leur fusil d'épaule. Ils se voulaient tigres, les voilà carpettes!", a ironisé leur chef, Martin Schulz.
Colonel Moutarde
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