vendredi 1 janvier 2010

Le bio et le halal, c'est un peu la même chose

Le lien entre nourriture et sacré s'était réduit à peu de choses sous nos latitudes. Il y avait bien une vague survivance du Carême et du vendredi, jour du poisson, mais chacun conviendra qu'ils appartiennent au folklore d'une Eglise catholique peu sourcilleuse en la matière. L'irruption de l'islam a ramené la question au premier plan: le ramadan, qui semble globalement bien suivi par la communauté musulmane, le hallal (licite), vaste appellation qui fleurit sur les enseignes des snacks bruxellois, voire le sacrifice du mouton. La culture séculière n'est pas en reste et, sous le couvert d'un souci environnemental, elle réinvente un nouveau lien entre le sacré et la nourriture qui prend des formes diverses et plus ou moins radicales. Le “bio” en est une des plus belles illustrations. D'abord apanage de boutiques ou d'échopes de marché qui avaient des allures de sanctuaire, il s'est répandu dans les étals des grands magasins. Un produit dans l'air du temps, bien sûr. Une façon de retrouver un âge d'or, fait de tarte de grand-mère, qui n'a jamais existé. Il a aussi ses affidés, rabbins hassidiques qui en observent scrupuleusement les commandements, aussi impératifs que la loi juive, pour se préserver des vicissitudes du monde moderne et assurer leur salut. Chez eux, le bilan carbone a remplacé la pesée des âmes au Jugement dernier; l'enfer n'est plus dans l'au-delà mais dans un futur relativement proche, quand les eaux auront recouvert la Terre. L'OGM est péché mortel, symbole par excellence de cette malbouffe contre laquelle il faut partir en croisade. La question mériterait de longs développements mais comment ne pas s'étonner de la hargne irrationnelle qui entoure l'un des fruits du progrès scientifique, sans laquelle nos conceptions dites progressistes n'auraient jamais vu le jour.. En soi, une culture transgénique, ce n'est ni bon, ni mauvais. Personne ne mourra foudroyé d'avoir avalé du maïs immunisé contre la maladie du pyrale. Non, le problème est ailleurs et renvoie à une question fondamentale: il n'est pas question de toucher à la Nature; elle est l'oeuvre de Dieu, dans le meilleur des cas, elle est notre Mère nourricière, dans le pire des cas, et nous sommes ses enfants au même titre que les animaux et les végétaux, pas davantage. Là, le bio, la souveraineté alimentaire, le végétarisme, etc. valent commandement, comme le halal ou le kasher. Aussi obscurs, imprégnés d'une théologie méticuleuse propice aux controverses entre les grands prêtres et aux faux-pas, aussi exigeants s'ils sont pris au pied de la lettre. Mais au contraire des deux premiers, ils remettent en cause la place de l'homme au centre du monde en renversant la perspective. C'est à la nature, dépourvue de parole au contraire de Dieu, qu'il faut se soumettre. Une rupture fondamentale avec l'hunamisme, initié par Abraham sacrifiant un mouton plutôt que son fils, et qui atteindra son apogée avec les Lumières.
En bref, Bio et halal, c'est un peu la même chose. En quelques années, la nourriture a retrouvé sa valeur sacrée mais de façon diffuse et dans une société opulente, oublieuse des disettes d'antan. L'impur est devenu malsain et malbouffe, symboles d'un mal-être aux contours flous, objet de peurs irrationnelles.

Mexicano

6 commentaires:

Colonel Moutarde a dit…

Il faudra un jour enquêter sur les mécanismes psychologiques qui rendent, pour de nombreuses personnes, tellement bon de taper sur le bobo. Le bobo, celui qu'il fait bon détester ou du moins, dont il convient de se moquer. Le bobo, c'est le nouveau Belge.
Bio et Halal, cela n'a rien à voir. L'un est fondé sur des prescrits religieux, l'autre sur la science. Une petite partie des bio-intégristes versent dans le mystique, certes, mais de plus en plus de personnes normalement constituées doutent des vertus de la bouffe industrielle. Il ne s'agit pas que des OGM, loin s'en faut. Pesticides, conservateurs, et autres substances chimiques comme le bisphénol. Leurs effets néfastes ne sont pas prouvés intégralement, mais des éléments probants existent. Allergies, dysfonctionnements hormonaux, cancers... Ce n'est pas parce que ces effets mettent du temps à se manifester qu'ils n'existent pas.
Et c'est peut-être pour ça, finalement, qu'il est tellement bon de taper sur le bobo. Mieux vaut se moquer de lui que 'envisager la perspective désagréable qu'il ait un peu raison.

I'm not always so stupid a dit…

Rien de tel qu'une bonne grosse soupe pour commencer l'année ! Merci Mexicano.

Mexicano a dit…

Je ne vois pas très bien à quel endroit je m'en prends aux bobos mais si j'ai pu les froisser, je m'en excuse. Mon propos visait à mettre en évidence le retour du pur et de l'impur et, plus globalement, la façon dont l'écologie veut régler notre quotidien comme l'ont fait ou le font encore les religions. L'écologie politique gagnerait à s'y intéresser. Que je sache, elle trouve en partie son origine chez ces intégristes mystiques, aussi enclins à une forme nouvelle de totalitarisme qu'a pu l'être en son temps toute une intelligentsia acquise à la doxa marxiste. Je ne vois pas trop quels sont les "mécanismes pyschologiques" à l'oeuvre, à moins de considérer toute critique adressée à la pensée écologiste comme une pathologie.

Colonel Moutarde a dit…

Comparer les écolos aux marxistes, franchement, ça me rappelle d'autres qui ont l'appellation de rexiste facile. Que je sache, il n'y a pas encore de goulag écolo, où l'on serait forcé de cultiver du bio et de bouffer du tofou. Je ne vois pas le début d'une trace d'une forme nouvelle de totalitarisme.
Il y a des convaincus, comme il y a des convaincus du socialisme ou des convaincus du libéralisme. On peut facilement transposer la métaphore religieuse.

Mexicano a dit…

Qu'il n'y ait pas de méprise: je ne veux pas faire d'amalgame entre ceux qui se sont battus pour l'émancipation sociale au nom d'un engagement communiste sincère et profondément humaniste et les assoifés de pouvoir qui ont fait du communisme un monstre totalitaire. Mais il y avait dans la philosophie marxiste des problèmes qu'il ne fallait pas occulter: la conception des droits de l'homme, l'absence d'une vision de l'Etat et une obsession collectiviste. Une sens critique plus poussé aurait au moins évité à certains de cautionner des barbaries. De même, le souci de préserver la planète et les ressources naturelles est une nécessité. Mais la fondation d'une doctrine politique sur ce souci mérite que l'on s'interroge sur son origine, ses présupposés et ses risques de dérive. Et je le maintiens: le discours écologiste radical est effrayant et repose sur une vision de l'homme et de la nature qui n'a rien de scientifique! Cela n'entraîne pas, bien sûr, la condamnation de tout un mouvement.

Unknown a dit…

C'est vrai que ne pas penser à son bilan carbone, c'est humaniste.
Autant que les riches consomment toutes les matières combustibles de la terre. Le reste du monde peut aller crever, et les générations futures avec !!!
De même pour le végétarisme, ou au moins pour la consommation raisonnable de viande. Connait tu réellement les arguments des personnes qui ont cette démarche ?
C'est connu, les écolos (que je ne compare pas aux bobo pas forcement écolo...) ne sont pas des humanistes, il font cela que pour ne pas tuer des bêtes...
Connait tu ce que sait que l'emprunte écologique ?
Je ne pense même pas que tu as étudiée le domaine avant d'écrire des absurditée comme celle là.
Enfin pour moi ce n'est pas une lutte entre le bien et le mal, mais entre le raisonnable et l'irresponsabilité de la recherche de profit maximum dans tout les sens du terme sans jamais se poser la question des conséquences réel de nos actes.
Libre à toi de ne pas respecter la vie en général, mais ne me fais pas croire qu'une personne qui ne respecte pas la vie dans son ensemble peut se dire humaniste. L'Homme vit sur cette terre et je ne pense pas que l'humanité peut vivre en tuant la nature.
Toutes les grandes civilisation ce sont effondrée à cause de problème lié à l'agriculture, et je pense que la lutte contre la nature des firmes de l'agro-industrie pourait nous brûler les ailes...
Nous sommes en train de désertifier la planète à une vitesse folle et l'agriculture intensive en est la première responsable, juste avant le réchauffement climatique liée à notre belle emprunte carbone...
Enfin j'espère que tu te renseigneras sur ce domaine.
Bonne réflexion