mardi 19 janvier 2010

James Bond contre Dr Flu?

Le professeur néerlandais Albert Osterhaus qui dirige un laboratoire de virologie au sein du Centre médical Erasmus à Rotterdam pourrait, aux côtés d'autres, avoir joué un rôle crucial lors du déclenchement de la pandémie de grippe A/H1N1 en janvier 2009. Ce professeur est l'un des experts clé de l'Organisation mondiale pour la Santé (OMS) et conseiller des gouvernements néerlandais et britannique. Son nom apparaissait déjà dans la littérature lors de l'émergence des virus H5N1 et SRAS.
Surnommé "Dr Flu", il s'est retrouvé au centre d'une enquête de la chambre basse du Parlement néerlandais en octobre dernier après des révélations de la revue de référence américaine Science Magazine selon laquelle il aurait joué sur les peurs pour favoriser ses propres intérêts commerciaux dans la mise au point du vaccin. Selon l'agence néerlandaise de presse ANP, plusieurs formations parmi les partis traditionnels se sont alors "demandées si le ministre néerlandais de la Santé Albert Klink ne prêtait pas une oreille trop favorable aux conseils d'Osterhaus, qui a noué des liens avec l'industrie pharmaceutique". Le parti chrétien du Premier ministre Jan-Peter Balkenende s'est interrogé quant à la crédibilité dudit Osterhaus étant donné "qu'il détient des actions dans une société qui fait de la recherche pour des vaccins" tandis que d'après la députée libérale néerlandaise Fleur Agema, M. Osterhaus "détient directement des parts dans une société pharmaceutique".
Par ailleurs, selon une dépêche de l'ANP qui date de septembre 2009, M. Osterhaus travaille un jour par semaine pour ViroClinics, une entreprise du centre médical Erasmus de Rotterdam, qui effectue de la recherche sur les vaccins, pour le compte des autorités néerlandaises et de l'industrie pharamaceutique. L'ensemble des firmes pharmaceutiques impliquées dans ce projet ont pu bénéficier des avis de ViroClinics relatifs à la grippe H1N1. Albert Osterhaus détient 9,9% des parts de ViroClincs.
D'après le quotidien néerlandais NRC du 3 janvier 2009, M. Osterhaus entretient de bonnes relations avec GSK, le producteur du vaccin Pandemrix.
Aux Pays-Bas, il avait rapidement plaidé la vaccinaton à deux doses qui s'est révélée dans plusieurs pays à l'origine de surcommandes de vaccins. Du coup, le pays s'est retrouvé avec un stock important de 34 millions de doses (GSK et Novartis). La situation a été la même en France qui en a commandé 94 millions.
Finalement, l'enquête du parlement néerlandais n'ira pas plus loin. Certains ont écrit que les liens trop étroits entre le ministre de la Santé et M. Osterhaus y ont contribué.
La question du conflit d'intérêts a pourtant le mérite d'être posée et à l'échelon international d'autres experts sont pointés du doigt. La directrice de l'OMS Margaret Chan a pris la décision en 2009 d'enclencher l'alerte pandémique H1N1 en vertu des conseils du Strategy Advisory Group of Experts dont Albert Osterhaus est un homme clé. Ce dernier est par ailleurs président du European Scientific Working Group on Influenza financé par l'industrie des vaccins. Tout cela apporte de l'eau au moulin de la suspicion.
L'OMS vient d'annoncer une enquête interne dont on ne devrait pas attendre grand chose vu que l'organisation est inter-étatique. Le Conseil de l'Europe mènera également une enquête.
Plusieurs pays dont la Belgique viennent de résilier une partie de leur commande à GSK. Officiellement sans contrepartie mais on connaît l'intérêt de l'industrie à maintenir ses bonnes relations avec les gouvernements, tantôt pour s'allier sur de futures politiques de vaccination tantôt pour s'assurer d'une réduction de charges sur la recherche. Par ailleurs, GSK est particulièrement intéressée par la résiliation qui, d'une part, lui permet de faire tourner son stock, en vendant du Pandemrix à l'Europe de l'est, d'autre part lui offre surtout de l'espace pour la mise en culture de futurs vaccins. C'est particulièrement le cas en Belgique où GSK est implantée.
Selon la banque JP Morgan, la pandémie H1N1 pourrait avoir apporté à l'industrie pharmaceutique des bénéfices de l'ordre de 7,5 à 10 milliards de dollars. GSK a annoncé cette semaine avoir engrangé près d'1,4 milliard de dollars grâce à son vaccin, au quatrième trimestre 2009. A quand la prochaine pandémie?

Durum
Cette piquante enquête, qui ne manque pas de sel, est également publiée sur http://www.boulettemoutarde.be/ en phase de test

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