mercredi 11 novembre 2009

Courants d'air chauds et froids dans les corridors européens

Le passe-temps favori dans les corridors européens, ces jours-ci, c'est de miser sur le futur président du Conseil. Pas seulement dans les couloirs du Berlaymont, d'ailleurs, puisque certains bookmakers proposent à chacun de tenter sa chance. Le dernier favori en date, Herman Van Rompuy, a vu sa cote monter en flèche la semaine dernière. Malgré le caractère peu judicieux de sa candidature, qu'on a souligné sur ce blog, la machine diplomatique belge s'est mise en branle pour soutenir le Premier ministre. Et pour cause: d'un strict point de vue national, sa désignation apporterait à la Belgique une influence déterminante. Non seulement sur les grandes décisions européennes futures, mais aussi sur la fonction elle-même, dont tout le monde s'accorde à dire que le premier titulaire définira les contours. Le président du Conseil sera-t-il le boss de l'Europe ? Ce serait sans doute le cas avec un Tony Blair... Herman Van Rompuy serait davantage un "chairman", un président de séance, tout à fait dans l'optique défendue par la Belgique. Car Belges et autres "petits" craignent comme la peste un président européen fort qui règlerait toutes les questions en trois coups de fil à Paris, Berlin et Londres.
Le choix d'HRV pourrait aussi servir indirectement de courte-échelle à Karel De Gucht au sein de la Commission. Les portefeuilles des commissaires doivent en effet encore être répartis et le libéral flamand se verrait bien jouer un grand rôle économique. La concurrence, pourquoi pas ? La désignation du démocrate-chrétien Van Rompuy à la tête de l'UE lui fournirait un argument de poids, puisque les libéraux pourraient demander une compensation. Or, il est l'un des rares libéraux à la Commission... La stratégie belge semble donc cousue de fil blanc.
Mais malgré l'emballement médiatique de la semaine écoulée en Belgique, où chacun cherchait déjà un successeur à Herman, la cause est loin, très loin, d'être entendue. Le Premier ministre suédois, Fredrik Reinfelt, chargé de trouver des candidats consensuels, l'a dit clairement ce mercredi: il n'y a pas encore d'accord. Sur les pistes d'athlétisme, le lièvre finit presque toujours pas se faire rattraper. Favori précoce, Herman pourrait bien être rejoint par les autres candidats. Ses deux confrères du Bénélux, Jan-Peter Balkenende et Jean-Claude Juncker, sont toujours en course. Les Britanniques ne démordent pas de Tony Blair. Certains diplomates anglais commencent discrètement à dire du mal de Van Rompuy. Les Britons n'ont eu aucun scrupule, il faut le rappeler, à dégommer Jean-Luc Dehaene et Guy Verhofstadt, tous deux candidats à la présidence de la Commission européenne en 1999 et 2004.
Bref, rien n'est joué. La décision finale devra sans doute davantage aux circonstances et aux facteurs irrationnels qu'à un choix raisonné pour l'Europe.

Colonel Moutarde

5 commentaires:

sybarite a dit…

Pourquoi n'évoque-t-on plus la candidature de Guy Verhofstadt, qui a tout de même plus un profil de boss que ce brave Herman ?

Colonel Moutarde a dit…

Parce que les Anglais n'accepteront jamais un type qui rêve d'États-Unis d'Europe.

sybarite a dit…

Mais le Traité de Lisbonne, outre ses dangers, n'était-il pas notamment destiné à éviter le véto d'un seul Etat ? C'est pourtant comme ça qu'on nous l'a vendu...

himself a dit…

@Colonel Moutarde

"les Anglais n'accepteront jamais un type qui rêve d'États-Unis d'Europe"

Pour le moment, et encore ...

Colonel Moutarde a dit…

Remarque très judicieuse, cher Sybarite. Le traité de Lisbonne prévoit d'ailleurs un vote à la majorité qualifiée sur la désignation du président du Conseil... Cela n'empêche pas qu'on consensus soit jugé préférable sur ce genre de questions. Personne n'imagine qu'un type détesté à Londres soit choisi. En plus, il se pourrait que deux, voire plusieurs candidats recueillent une majorité qualifiée. Dans ce cas, ce serait le premier candidat soumis au vote qui passerait... Une manoeuvre fort peu démocratique qui laisserait un peu trop de pouvoir à la présidence suédoise. Celle-ci a donc choisi de chercher le consensus le plus inclusif possible - même si elle n'exclut pas un vote en dernier recours.
Ceci dit, le traité de Lisbonne prévoit la majorité qualifiée dans un grand nombre de domaines concrets, où il sera très certainement appliqué avec moins d'états d'âme.