dimanche 18 octobre 2009

Ceci (n') est (pas) un Flandrien

Alors qu'en cette année d'inauguration du Musée Magritte le gouvernement s'apprête, après des mois de sursis, à remettre les mains dans le cambouis BHV en guise de prélude à d'autres concupiscences communautaires, la VRT et le quotidien Het Nieuwsblad, les références de l'information sportive vélocipédique, ont décerné au coureur remoucastrien Philippe Gilbert le titre de "Flandrien van het Jaar", traditionnellemnt attribué au cycliste qui s'est, durant l'année écoulée, le plus illustré à "stoempen op Vlaamse kasseien", littéralement (et littérairement) écraser la pédale sur les pavés flamands, en d'autres mots, le meilleur coureur d'une saison disséquée par les médias du nord.
Proposé par un jury, choisi par ses pairs, Philippe Gilbert devance celui qui depuis la retraite de Johan Museeuw est devenu le nouveau Leeuw van Vlaanderen d'un peuple bâtisseur de mythes, Tomeke Tomeke Boonen.
Apparaissant comme un paradoxe à l'heure où les algarades communautaires disputaient jusque récemment encore aux accrochages institutionnels un rang prioritaire dans la hiérarchie des préoccupations des élus nordistes, d'aucuns pourraient soulever que ce choix ne tardera pas à réveiller outre Zenne quelqu'esprit chagrin frustré q'un 'coureur' (rouler les r) non ethniquement propre eut raflé le tant convoité titre de "Flandrien van het Jaar" au nez (poudré) et à la barbe (mal rasée) de Tom Ier.
Rien de tout cela pourtant. Pas une voix discordante ne viendra troubler le sacre du Wallon Filip Gilbert, le nouvel 'enfant terrible' (roulez toujours les r), même pas, oserait-on parier, une interpellation de la N-VA au Vlaams Parlement.
L'entendement étaye la logique qui a prévalu à faire de Gilbert le 'Stoemper' 2009. Au-delà de son palmarès, elle est plus culturelle que technique, le Wallon ayant finalement fait pleinement étalage de sa classe dans les courses de fin de saison plus que sur les pavés nordistes pourtant également taillés pour lui et qu'il pourrait ne pas devoir tarder à apprivoiser. Elle prend sa source dans les racines d'une Flandre reconnaissante à l'endroit de ceux qui s'attachent à s''inburgerer' en vertu de valeurs qui contre vents et marées roulent des Polders au Pajottenland. Ces valeurs qui s'inspirent du travail, du mérite, de la faculté à se surpasser, à souffrir dans la boue, à éviter les coups de bordure, sous la pluie ruisselant sur les pavés glissants qui longent les parvis des églises et de guinguettes où dégoulinent la bière d'abbaye des Vlaamse Ardennen. Ces valeurs qui ont, parfois avec de terribles dérives, permis au prolétariat et à la paysannerie flamand de relever avec fièreté la tête dans une Belgique oppressante, celles qui d'Hendrik Conscience à la légende de Thyl Uylenspiegel ont façonné une Région que d'aucuns au Nord rêvent de devenir hégémonique. Ces valeurs rêvées tête dans le guidon par des Yves Leterme suceurs de roue d'une Flandre nationaliste qui les a amenés droit dans le vent. Volontier raciste, anti-wallonne, repliée sur elle-même, une certaine Flandre peut reconnaître ses dissemblables finalement fort semblables.
A l'image d'un feu (follet) Frank Vandenbroucke parti rejoindre Pater Damiaan dans un ciel si gris qu'un canal s'est pendu, et aux côtés d'un Tom Boonen ayant quelque peu perdu de sa superbe, Philippe Gilbert a tout pour devenir le nouvel héros d'une Flandre encline à l'adoration, un bekende Vlaming d'adoption.
Cette Flandre conservatrice dont le cyclisme et le cyclo-cross sont dignes d'être matérialisés au rang de patrimoine mondial de l'Unesco sait reconnaître ses héros, tantôt adulés tantôt brûlés. Elle met en selle ses gladiateurs offerts en spectacle. Du pain et des jeux. Pistolets en spelletjes. N'en servez plus.
Polyglotte averti, Philippe Gilbert séduit partout où il gagne. Il court et est accueilli en demi-dieu sur toutes ces terres immuables de Lombardie, de Vendée et de Flandre qui avec les Alpes et les Pyrénées basques restent attachées à leurs traditions parfois mystifiées et parfois génératrices d'élans populaires et populistes pour ne pas dire nationalistes et réactionnaires, voire pire encore.
La Flandre fait de Philippe Gilbert un héros en même tant qu'elle canonise Frank Vandenbroucke. Philippe Gilbert a du talent et est intelligent. Il ne lui manque plus qu'à devenir un citoyen. Que la Flandre accepte que ses "Flandriens", fussent-ils d'adoption, puissent également convoiter le titre de Monégasque de l'année ne sert pas l'image d'un sport tellement populaire et généreux en émotions mais qui, à l'instar d'autres se perd années après années dans les méandres de l'argent et de tout ce qui s'y attache. Après Axel Merckx et Tom Boonen, Philippe Gilbert a lui aussi succombé au charme du rocher, véritable attraction pour les cyclistes en quête d'entraînements pentus. Goûtant aux fruits du fiscal paradis défendu, Justine Henin fut plus largement égratignée par la presse. Probablement parce que, déjà pas gâtée par un physique rebûtant, elle s'est rapidement muée en une rébarbative cheffe d'entreprise sans foi ni loi. Mais aussi certainement par la volonté de ne pas porter encore plus atteinte au cyclisme, probablement un des sports les plus difficiles et certainement l'un des plus décriés pour ses affaires de dopage. Mais Philippe Gilbert ne peut en faire une excuse. Ceci n'est pas un Monégasque.

Durum

3 commentaires:

Landbouwer a dit…

Durum est le Hugo Claus de la chronique cycliste ! Blijf maar stoempen !

Landbouwer a dit…

Ces encouragements valent bien évidemment également pour le Colonel Moutarde et Mexicano. Bien qu'il n'y connaissent strictement rien au cyclisme.

Durum a dit…

j'espère repousser mon euthanasie le plus loin possible