Bientôt les élections européennes: chouette, on va de nouveau entendre parler d'Europe sociale. Des candidats de gauche, et peut-être même de droite, ne vont pas manquer une occasion de nous répéter que l'UE, ce grand marché, doit aussi se doter d'un projet social. Ca ne mange pas de pain, l'Europe sociale: on en parle depuis trente ans, tout le monde aime l'idée, et pourtant personne ne sait très bien ce que c'est. Petit retour sur le sujet et sur quelques déceptions récentes, passées plutôt inaperçues.
Il n'est pas inutile de rappeler que l'Union européenne dispose de compétences sociales très limitées: elles sont en effet gardées jalousement par les Etats. La Commission est surtout chargée de coordonner les régimes de sécurité sociale pour assurer la libre circulation des travailleurs. Au fil du temps, elle a pris d'autres initiatives qui ont permis, par exemple, de rendre illégales toutes les discriminations sur le lieu de travail à travers l'Europe. Mais le bilan n'est pas à la hauteur des attentes.
Récemment, l'échec d'un projet-phare sur le temps de travail a illustré les difficultés concrètes de l'Europe sociale. L'UE cherche depuis des années à rendre plus contraignant son plafond de 48 heures par semaine. Ce maximum est en effet fréquemment dépassé au Royaume-Uni et dans d'autres pays est-européens, qui ont obtenu une dérogation. Résultat: sans doute une industrie plus compétitive en Angleterre, mais surtout des travailleurs sous pression. Les entreprises britanniques et est-européennes sont aussi avantagées par rapport aux autres, puisqu'elles doivent engager moins de personnel. Malgré des années de pressions pour mettre un terme à la dérogation, les négociations ont échoué en avril dernier, faute d'accord entre le Parlement européen et les Etats membres, les deux co-législateurs de l'UE.
Même topo quelques semaines plus tard quand aucun accord n'a été trouvé sur les conditions de travail des transporteurs routiers: le Parlement voulait que les nouvelles règles plus strictes s'appliquent à tous les routiers, tandis que les Etats membres voulaient exempter les indépendants. Faute de compromis, le projet a sauté. La Confédération européenne des Syndicats (CES) a jugé que le rejet était "une bonne nouvelle pour l'Europe sociale".
Mais si l'abandon de mauvaises propositions est la seule raison de se réjouir, il y a du souci à se faire. Les socialistes européens avancent bien quelques pistes, comme la mise en place d'un salaire minimum pour toute l'Union. Mais leur appel à une "Europe véritablement sociale" ne semble pas séduire les électeurs. Les sondages indiquent en effet que ce sont les eurosceptiques de tout poil qui récupéreront les voix des insatisfaits de la crise économique.
Colonel Moutarde
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6 commentaires:
L'ère est à l'individualisme. Le socialisme est très affaibli, le seul courant émergeant en son sein est la social-démocratie strausskahnienne dont l'objectif est de coller des rustines sur le modèle capitaliste en déliquescence (ou plutôt, je crois, en effervescence). Le socialisme ne s'est jamais relevé de la chute du mur qui avait pour objectif qu'un plus grand nombre de citoyens accède à la liberté (au final, je ne suis pas sûr que cela ait réussi, ce qui ne veut pas dire que je prône le retour au totalitarisme).
Quant à l'Europe sociale des libéraux, c'est travailler plus pour gagner plus. On voit ce que l'adage sarkozyen est en train de produire en termes de cohésion sociale.
En Europe, comme ailleurs dans le monde d'ailleurs, il faut harmoniser, d'accord, mais par le haut. L'harmonisation pour l'harmonisation est un concept creux. On mesure aujourd'hui les conséquences sociales de la dérégulation. Ce qu'il faut c'est redistribuer les richesses. Mais manifestement, le temps n'est pas venu pour évoluer en ce sens.
Selon le Colonel Moutarde, les sondages indiquent que "les eurosceptiques de tout poil récupéreront les voix des insatisfaits de la crise économique."
1) Que le Colonel Moutarde me rassure : il ne considère quand même pas tous les eurosceptiques comme des poujadistes ?
2) Si les eurosceptiques récupéraient les voix de tous les insatisfaits de la crise économique, la construction européenne risquerait de s'effondrer rapidement... ;-)
@ That joke...
La blague risque effectivement de ne plus être drôle du tout quand on aura un grand groupe eurosceptique au Parlement européen. Eurosceptique de droite, faut-il le préciser. Ce courant qui prend les conservateurs anglais pour modèle et prône le maintien du vote à l'unanimité dans les affaires sociales et fiscales, bloquant de facto toute harmonisation.
Si l'Europe est aujourd'hui insuffisante, ce n'est que partiellement en raison de l'idéologie libérale sur laquelle elle est basée. C'est aussi en raison d'un nationalisme qui a la vie dure, d'un refus de gérer les choses en commun.
A côté, l'euroscepticisme de gauche me semble être une contradiction dans les termes.
@ Durum
Quel fatalisme... Je pense au contraire que le temps est venu d'évoluer vers plus de redistribution.
L'histoire est un mouvement de balancier et tout indique que le pendule va maintenant aller dans l'autre sens. L'exemple des Etats-Unis et de l'Amérique latine est frappant.
c'est plus du réalisme que du fatalisme. fais gaffe au retour de balancier, colonel, il pourrait froisser ton képi. je pense que la gauche réformiste va à sa perte. en revanche, d'autres mouvements de gauche peuvent s'allier pour construire un projet altermondialiste, en adaptant le discours marxiste au XXIème siècle.
Mais mon cher, quand je cite l'exemple de l'Amérique Latine, on ne peut pas vraiment dire que le mouvement de balancier a amené la gauche réformiste au pouvoir. Plutôt la gauche populiste à la Chavez, quelqu'un qui, tiens, a essayé de moderniser le marxisme. Pas certain que ce soit un modèle à imiter. En Europe, il faudrait d'abord que les micro-partis d'extrême-gauche cessent leurs querelles de clocher avant de prétendre au pouvoir.
en amérique latine, la gauche avait un boulevard après le désert laissé par des décennies de dictatures militaires d'extrême droite. et cette gauche est plus hétérogène qu'il y paraît. celle, plurielle, de Mme Bachelet, qui s'inscrit plus dans la social-démocratie, est aux antipodes d'hugo chavez, qui tout populiste qui l'est, réussit à mettre l'économie au service de ses administrés.
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