mercredi 25 février 2009

Didier Reynders, le Prince-Evêque qui se voulait Roi-Soleil

Le 10 juin 2007. Didier Reynders pavoise. Il a réussi, à la surprise de beaucoup, le rêve qu'il ambitionnait, placer sa formation sur la plus haute marche du podium en Wallonie. Le PS est défait. Le MR devient le premier parti francophone. Il récupère son bastillon bruxellois, perdu aux régionales de 2004, et, pour la première fois, gagne en Wallonie. Le jour est historique. Il marque aussi le début du déclin.
Moins de deux ans plus tard, Didier Reynders s'effondre sur tous les fronts. S'il ne confirme pas sa victoire le 7 juin 2009, il sera balayé, brûlé, enterré, y compris par ceux qui jusqu'ici l'ont soutenu.

Aux Finances, le laisser-aller

Le 10 juin 2007, Didier Reynders était déjà fort décrié, singulièrement au nord du pays, pour sa gestion jugée erratique de l'administration des Finances. A la tête du département depuis dix ans (3ème place au hit-parade des records de longévité depuis 1830), le ministre des Finances y a introduit l'informatique qui a notamment permis le développement de certaines applications qui bien que décriées à leur début (la mise en place précipitée aura coûté la bagatelle de 883 millions d'euros disparus dans une erreur d'enrôlement) constituent sans conteste une avancée (tax-on-web, scanning...)
Mais au-delà de ces progrès techniques d'encodage, la politique imprimée par Didier Reynders n'aura fait qu'accentuer, année après année, avec l'aval de ses partenaires, une stratégie ne profitant qu'aux plus riches. Réforme fiscale saupoudrée sur toutes les tranches barémiques mais surtout bénéfique aux particuliers les plus nantis, aux banques, aux multinationales, au monopole énergétique (supression du taux le plus élevé, deux amnisties fiscales, intérêts notionnels débridés -qui pose question à la Commission européenne), lutte contre la fraude fiscale essentiellement limitée à des opérations style phone shops flattant l'électorat du Mouvement Riche (MR), copinage visant à replacer ses hommes dans les hauts lieus de la finance (banques, Euronext, BNB, CBFA), vente d'un tiers du patrimoine de l'Etat au profit du secteur immobilier, évaporation des recettes fiscales (en partie due au retour de conjoncture), etc.

Banco! Et patatras

Pourtant, le monde de la finance et des banques lui a mal rendu ces quelques coups de pouce. A la manoeuvre dans la gestion ("Yves Leterme et moi-même") de la crise bancaire générée par ses amis du management, DJ Bling Bling a soudain dû lutter contre les vents contraires des actionnaires minoritaires avides de vengeance à l'égard de l'establishment financier qu'ils rendent coupables de les avoir plumés. Son plan pour les banques est foulé au pied après une décision de justice dont une Commission d'enquête parlementaire devra (?) juger s'il a, avec Yves Leterme, tenté d'en influencer le cours.

Perseverare Diabolicum

Arrogant à l'extrême, M. tout-va-bien n'en a pas moins persévéré dans sa stratégie de la terre brûlée visant à faire bouger le centre de gravité en Wallonie, avec pour conséquence l'isolement, puisque même Ecolo, dont l'appareil fut dans un premier temps séduit par la perspective de pouvoir bouter dehors les socialistes, a aujourd'hui pris ses distances et serait favorable, si le résultat des élections le permet, à participer à des oliviers.
DJR n'a pas tiré les leçons de la période orange bleue durant laquelle, à force d'humilier Joëlle Milquet, il aura contribué, aux côtés de Laurel Leterme, à faire échouer l'émergence d'une coalition de centre-droit.
Entre-temps, la gestion erratique du ministre des Finances explose sur la place publique. Mais elle ne date pas d'hier.
Le fidèle Jean-Claude Laes, ancien chef de cabinet, a été recalé pour insuffisance à la tête de l'administration. Depuis deux ans, personne n'en a repris officiellement les rênes.
Pire, il y a une semaine, le Conseil d'Etat a annulé toute la composition du Comité de direction des Finances au risque de voir jetées aux orties les décisions prises par ledit Comité à l'endroit des contribuables. Le Conseil d'Etat a rendu un arrêt sévère, estimant que Didier Reynders s'est montré incapable de mener à bien la réforme de son administration. Il était prévu il y a près de dix ans, dans la foulée de la réforme Copernic, que l'administration des Finances accouche de sa propre réforme dite Coperfin. Celle-ci est à peu de choses près restée lettre morte.
Enfin, le ministère des Finances devait installer un service de médiation. Nulle trace au SPF.

Au MR, cela sent la poudre (d'escampette)

Dans son propre parti, cela commence à gronder. L'arrivée du populiste Rudy Aernoudt sur les listes MR a failli faire exploser son Mouvement, le FDF étant à deux doigts de larguer les amarres. Plus progressiste et laïc, le FDF ne se reconnaît plus dans un MR aux accents sarkozy-berlusconiens. Né sur le terreau social-chrétien, le petit MCC ne cache pas non plus son malaise. Pour la première fois peut-être, Didier Reynders a dû faire volte-face, frisant l'humiliation. Risquant une chute précipitée, il a préféré renoncer à accueillir Rudy Aernoudt 48 heures après l'avoir embaûché. Et la famille Michel se tient en embuscade.

De l'éthique étique

Pourfendeur du manque d'éthique socialiste, le MR n'est pas, lui non plus, porteur d'exemple. Après Daniel Ducarme, alors ministre-président bruxellois, c'est, il y a quelques semaines, l'échevin chevalier blanc de Charleroi Philippe Sonnet qui a été pris en défaut de ne pas avoir rentré pendant plusieurs années ses déclarations fiscales... sans jamais inquiéter l'administration. On se souvient d'Olivier Chastel oubliant de déclarer au fisc son état marital. Présumé innocent, le sénateur Richard Fournaux est inculpé de corruption passive dans une affaire de casino. Son immunité parlementaire a été levée.
Le MR est également habile à dénoncer le cumul des mandats, oubliant que le champion toutes catégories oeuvre en ses rangs. Avec ses quelque 40 strapontins, un certain député permanent liégois prénommé Georges n'hésite pas à user de son patronyme comme slogan "Votez Pire, c'est mieux!".
Le 7 mars, Didier Reynders entre en campagne avec un bilan catastrophique. Son unique programme consiste à mettre le PS dans l'opposition.
N'écoutant que son orgueil, il a fini par se brûler les ailes, au risque, le 7 juin, de couler à pic dans la Meuse. Bruegel l'Ancien n'aurait rêvé plus beau modèle. Le PS non plus.

Durum

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout est dit, mais je me permets néanmoins d'ajouter que Reynders himself n'a pas une éthique irréprochable : vous rappelez-vous de sa pub pour des montres de luxe ? Si ce n'est déjà fait, il devrait d'ailleurs songer à s'en séparer sous peine de couler encore plus vite…

Anonyme a dit…

Tic Tac Tic Tac! Merci à notre plus fervent lecteur de remettre les pendules à l'heure.

Anonyme a dit…

RO-DA-NI-A, tuuuuut tuuuut tuuuuut tuuuuut, RO-DA-NI-A !!!!

Anonyme a dit…

Sans oublier en complément d'information les excellentes analyses de Marco Van Hees dans ses ouvrages: "L'homme qui parlait à l'oreille des riches" et "Le Frankenstein du docteur Reynders" publiés chez Aden.

Anonyme a dit…

Lors de l'émission Mise au point (RTBF) du 21 septembre 2008, D(J)Reynders comparait le risque de faillite d'une banque belge à « celui que le ciel nous tombe sur la tête »… Rappellons aussi que DJR a été lui-même directeur de banque.

2 études centrées sur DJR par Marco Van Hees aux éditions Aden:
- Le Frankenstein fiscal du Dr Reynders
- Didier Reynders, L'homme qui parle à l'oreille des riches (lien avec bonus vidéo noël godin "vs" reynders)

1 blog dont DJR est souvent la cible: la crise pour les nuls

Anonyme a dit…

"L'homme qui parlait à l'oreille des riches", Prix Gros Sel du Public 2008!

Anonyme a dit…

quelques petites précisions... les 883 millions n'ont jamais réellement disparu. Il s'agissait d'un montant erronément demandé par l'administration à quelques contribuables. Par contre, il y a eu une erreur budgétaire.
JC Laes a été cassé par le conseil d'état pour un problème linguistique, avant d'être recalé comme tous les autres candidats.
Le service de médiation n'était pas prévu dans coperfin et a été inventé pour placer quelques personnes... pas sûr que le contribuable y perde s'il n'était finalement pas créé!

Anonyme a dit…

@anonyme

1) ils ont disparu du budget, bien entendu! à cause d'une erreur d'enrôlement.

2) le patron de l'administration recalé pour incompétence c'est quand même rarement vu, en dépit des considérations qu'on peut avoir sur la politisation au Selor

3) j'en prends bonne note

teasi a dit…

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