mercredi 18 février 2009

Les Tchèques rendent à Sarko la monnaie de sa pièce

Tout à sa grandeur, Nicolas Sarkozy n’a pas ménagé, quand il assumait la présidence de l’Union européenne, les égos de ses voisins (on l’avait d’ailleurs souligné sur ce blog). C’est souvent aux dépens des autres qu’il a (re)goûté au plaisir d’être populaire. A force d’écraser des orteils, il fallait s’attendre à un retour de chaussure. Et la République tchèque, aujourd’hui présidente de l’UE, semble bien décidée à lui balancer une double paire.
Car non content d’avoir insinué que Prague n’était pas à la hauteur (un argument certes légitime mais formulé peu diplomatiquement), il a réédité lors de sa dernière intervention télévisée en déclarant : "si on donne de l'argent aux industries automobiles pour se restructurer, ce n'est pas pour apprendre qu'une nouvelle usine va partir en Tchéquie ou ailleurs". Dans les faits, les prêts de l’Etat aux constructeurs automobiles seront conditionnés au maintien de l’activité en France.
L’affaire fait grand bruit dans les cénacles européens. Une telle clause est en effet contraire au droit communautaire. Elle est aussi contre-productive à la lumière de l’échec des solutions protectionnistes après 1929.
Nicolas Sarkozy semble avoir oublié ces deux réalités, légale et historique. Il semble aussi avoir oublié qu’il avait passé les rênes de l’Union. Et à Prague, on est bien décidé à lui rendre la monnaie de sa pièce. L’une des prérogatives d’une présidence est d’organiser des réunions ? La présidence tchèque convoquera un sommet spécial sur le protectionnisme. Le 1er mars, les dirigeants de toute l’Union se retrouveront à Bruxelles pour une réunion où la France sera isolée, montrée en exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Difficile de voir comment Sarko se sortira de ce mauvais pas – médiatiquement et politiquement. Il lui faudra soit renoncer à sa clause protectionniste et assumer cette reculade, soit braver les Européens, en jetant à la poubelle les lauriers de sa présidence. A moins d’une pirouette diplomatique dont l’Europe a le secret…

Plus fondamentalement, l’incident est révélateur sur l’état de la mondialisation et de la construction européenne. Il est surprenant qu’un dirigeant soit mis au pilori parce qu’il veut lutter contre les délocalisations. Est-ce l’idéologie libérale qui a triomphé ? Est-ce l’expérience des années 1930 qui s’exprime ? Est-ce parce que Sarkozy est de droite que la gauche française est muette dans cette affaire ? Ou la gauche française croit-elle désormais aux vertus de liberté de circulation des capitaux dans le marché intérieur ?
La campagne des élections européennes pourrait ne pas être si ennuyeuse que ça, finalement… Rachida ferait bien de préparer ses arguments.

Colonel Moutarde

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je trouvais justement que la sortie de Sarkozy sur les délocalisations était la première déclaration censée et concrète de son quinquennat de Sarkozy.

Et puis, les Allemands (par exemple) ne sont pas protectionnistes lorsqu'ils refusent un plan de relance communautaire et préfèrent la jouer en solo ?

Pourvu que quelqu'un se rende un jour compte que la 'construction européenne' ne nous fait pas progresser socialement...

Anonyme a dit…

Les chantages des entreprises à la déclocalisation, c'est inacceptable. Mais les chantages aux subventions publiques le sont aussi. Les politiques des grands Etats pourraient coûter très cher socialement aux petits pays, comme la République tchèque, mais aussi la Belgique.
C'est clair qu'il faut avoir les mêmes règles pous tout le monde. Et c'est précisément à cela qu'elle sert, la construction européenne. Même si elle est très insuffisante, l'action de la Commission est indispensable pour l'instant.
Et puis, c'est bien de le rappeler, mais l'euro, ça nous protège quand même. Sans l'euro, le franc belge aurait sans doute aussi peu de valeur que le dollar zimbabwéen.

Anonyme a dit…

C'est bien le problème actuel de la Commission : alors qu'elle est effectivement indispensable pour protéger les travailleurs, elle est totalement absente. Tellement absente qu'on se rend compte de sa parfaite inutilité !