mardi 14 octobre 2008

Les Européens aussi adeptes de la realpolitik

Les Européens aiment à se considérer comme les parangons de la vertu en matière de politique étrangère, fervents défenseurs des droits humains, pourvoyeurs de missions de maintien de la paix, adeptes du soft power, à mille lieues de la politique unilatérale des Etats-Unis, de l'expansionnisme russe dans le Caucase ou du péril jaune en Afrique. Une décision récente des chefs de la diplomatie européenne, passée inaperçue en ces temps de crise, vient pourtant nous rappeler combien l'Europe elle aussi pratique une realpolitik à géométrie variable en fonction de ses intérêts.
Les 27 viennent de décider de lever les sanctions diplomatiques contre le régime d'Alexandre Loukachenko, surnommé le dernier dictateur d'Europe. Qu'est-ce qui a changé au Bélarus ? Rien. En fait, les Européens avaient tablé sur une bonne tenue des dernières élections pour relancer les relations avec ce pays de transit énergétique, situé dans la zone grise où se croisent les influences russes et européennes. Mais le verdict de l'OCDE a été clair: M. Loukachenko n'a aucunement abandonné des mauvaises habitudes de résultats truqués et de persécution des opposants. Aucun candidat de l'opposition n'a d'ailleurs été élu.
Qu'à cela ne tienne. A l'heure où s'amorce un grand combat géostratégique pour l'énergie, pas question de de s'émouvoir davantage du sort de quelques malheureux opposants emprisonnés. L'UE a donc amorcé un revirement complet de sa stratégie d'isolement des dernières années. M. Loukachenko pourra voyager en Europe, où les dirigeants tenteront de l'arracher à la sphère d'influence de Moscou. Même topo en Ouzbékistan, sous la coupe du régime très dur du président Islom Karimov, qui bénéficiera d'un assouplissement, alors que rien ou presque n'a changé depuis le massacre d'Andijan en 2005.
Non vraiment, l'Europe n'est pas cette force douce et juste qu'on aimerait bien voir en elle...

Colonel Moutarde

4 commentaires:

Ø a dit…

Parfaitement d'accord avec vous.
Pourquoi acheter notre pétrole à ce triste sire.
Dans la même veine, il serait temps de faire comprendre à l'Arabie Saoudite et à l'Iran que leur pétrole ne nous intéressera que lorsque leurs pays se sera enfin aligner sur la Déclaration Universelle des droits de l'Homme (s'ils préfèrent, ils peuvent prendre celle de Polleur comme modèle).
Et Poutine, quand comprendra-t-il que nous n'achèterons son gaz et son pétrole que lorsque le problème tchètchène sera résolu et pas avant. Et que dire de l'Algérie dont le régime monopolise le pouvoir depuis l'indépendance sans avoir pensé une seule seconde à faire profiter les Algériens des fruits de la vente du pétrole.
Le pétrole de l'Irak, nous ne pourrons plus l'acheter que lorsque le dernier Etasuniens en aura quitté le sol. Nous ne pouvons cautionner une occupation qui a été refusée par l'ONU.

Pensez-vous que le droit de glanage existe encore en Belgique et singulièrement à Liège ?
Dans le cas contraire, je crains que nous passions un hiver plutôt froid en accordant nos comportements à nos grands principes

Anonyme a dit…

situé dans la zone grise où se croisent les influences russes et européennes

Ah bon ? Parce qu'il y a des influences européennes, en Biélorussie ?
Et moi qui pensais que ce territoire était non seulement russophile jusqu'au bout des ongles, tournant résolument le dos à l'Europe, mais aussi engagé jusqu'au cou avec son "Grand Frère" de toujours...

Remarquez que je dis Biélorussie et non Belarus, car à l'instar de Beijing qui, pour moi, restera toujours Pékin, Biélorussie est en français le nom qui depuis près de mille ans, désigne cette région.

Pour le reste, je suis assez d'accord avec O : pourquoi s'offusquer soudainement de notre "complaisance" vis-à-vis de la Biélorussie, quand nous sommes déjà tellement compromis... dans des compromis pas très clean avec des dizaines de régimes plus que glauques ?

Anonyme a dit…

@ Holocrate: Je ne suis jamais allé au Belarus, ni en Biélorussie, je connais peu ses habitants et je n'offre - en toute humilité - qu'un point de vue géostratégique sur ce pays, dont on ne peut nier qu'il a fait l'objet de nombreuses approche diplomatiques européennes (de type bâton ou, plus récemment, de type carotte). Certains signes laissent penser que le régime est prêt à se tourner davantage vers l'occident.
@ O: En dressant l'inventaire exhaustif de toutes les compromissions, on risque de ne plus s'émouvoir de rien. Je ne dis pas que l'Arabie Saoudite est un modèle de démocratie. Je mets seulement en lumière un nouveau glissement européen vers davantage de cynisme. Cela dit, à choisir entre la peste et le choléra, on peut estimer que l'Algérie, d'où provient l'essentiel du gaz belge, est un pays moins répressif que le Belarus, pardon, la Biélorussie.

Anonyme a dit…

A force de tout voir l'on finit par tout supporter.
A force de tout supporter l'on finit par tout tolérer.
A force de tout tolérer l'on finit par tout accepter.
A force de tout accepter on finit par tout approuver.
(A. d'Hippone)