lundi 27 octobre 2008

Belgium, Rainin' In Paradize



Crise financière et crise de l'éthique des financiers oblige, l'actualité de ces derniers jours a refait surgir les débats relatifs aux paradis fiscaux et au secret bancaire. Un reportage caricatural diffusé dans le JT de France2 a permis au premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker d'éluder, non pas l'impôt, mais le problème en dénonçant une vision franco-française de la réalité luxembourgeoise quelque peu tronquée par les journalistes maison.
Pourtant le secret bancaire ou la discrétion bancaire ne sont pas des fantasmes sortis tout droit de l'imaginaire de certains. La Belgique, le Luxembourg et l'Autriche continuent de l'appliquer en Europe. Le lever n'arrangera pas tout mais rendra la situation moins opaque et facilitera notamment la lutte contre le blanchiment et le financement du crime en général. Selon le rapport annuel 2007 de la Cellule publique belge de Traitement des Informations Financières (CTIF), spécialisée dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, une partie des dossiers étudiés "confirme le fait que les fonds provenant d’activités criminelles se nichent dans certaines places financières". D'après la CTIF, "cet attrait tient au fait que ces places sont caractérisées par des pratiques de sous-règlementation et que les règles de confidentialité y sont
particulièrement développées".
Quant au fond, cette exonération au système retenu dans l'Union euroéenne pour l'échange d'informations sur l'épargne n'érige pas en principe une exception fiscale pour ces trois pays. Il n'en demeure pas moins que le secret bancaire, justifié historiquement par ses partisans par la nécessité d'observer une discrétion garantissant le respect de la vie privée à l'instar du secret médical, permet aux institutions financières d'agir en l'absence de transparence en proposant des montages locaux ingénieux dans un contexte fiscal européen qui malgré la directive épargne, au champ d'application limité, reste peu harmonisé. Les non-résidents continuent d'échapper à la globalisation de l'impôt et donc à la progressivité, ce qui est favorable aux plus riches.
Ainsi, contrairement à ses voisins (dont le Luxembourg), la Belgique ne connaît pas d’impôt sur la fortune et cela se sait à l'étranger, particulièrement en France et aux Pays-Bas. La discrète Belgique suscite donc une concurrence fiscale déloyale, les patrimoines étrangers y étant à l'abri, faute de cadastre.
L'inéquité fiscale vaut également en interne. Avantageux pour les détenteurs de patrimoine, le système fiscal belge peut l'être aussi pour les entreprises, d'autant plus si elles savent se montrer habiles en matière d'optimalisation. En remplacement des centres de coordination qui permettaient aux multinationales d'opter pour un régime fiscal favorable (tellement favorable qu'il a été interdit par l'Union européenne au nom de la libre concurrence), le gouvernement a créé les intérêts notionnels. De grandes multinationales comme Suez s'en frottent les mains. Le secteur des banques a également pu profiter des largesses publiques, l'Etat l'ayant qui plus est recapitalisé, crise oblige.
Enfin, à l'instar de nombreux Etat étrangers, la Belgique ne taxe pas non plus les plus-values boursières. On rétorquera que l'ère est plutôt aux moins-values. Il n'en demeure pas moins qu'une taxe sur la spéculation serait déjà un garde-fou contre les dérives du système financier qui aujourd'hui coupe les crédits au monde de l'économie réelle.
L'honnête travailleur doté d'un sens de l'éthique, lui, est vu à tous les échelons du système. Il est le dindon de la farce fiscale, singulièrement s'il apartient à la classe moyenne, les taux d'imposition supérieurs ayant été rabotés voire supprimés. La Belgique figure parmi les champions du monde de la taxation du monde du travail. Une envolée à relativiser, notre pays restant parmi le top mondial de la protection sociale et du bien-être. Cependant, la pente est glissante. Les plus précarisés, bas salaires, allocataires, pensionnés, s'ils ne sont pas nécessairement victimes directes du système fiscal inéquitable, le sont socialement, leurs revenus ayant décroché relativement au bien-être depuis près de vingt ans.
La Belgique serait-elle dès lors un paradis fiscal capitaliste? Il n'existe pas de définition mondiale du paradis fiscal, concept complexe qui rend difficile les comparaisons. L'OCDE ne retient que Monaco, Andorre et le Liechtenstein comme entités non coopérantes proposant un système fiscal anormalement bas, joli euphémisme.
Récemment à Paris, l'Allemagne a créé un incident diplomatique en proposant d'y ajouter la Suisse.
Selon deux économistes du Réseau mondial pour la justice fiscale né de l'organisation du Forum social mondial de Porto Alegre, John Christensen (ancien conseiller de Jersey) et Mark Hampton, on comptait, en 2005, 73 paradis fiscaux à travers le monde (pays, villes, entités)... dont la Belgique. (http://www.taxjustice.net/cms/upload/pdf/tax_break_EN.pdf). A méditer.

Durum

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