mardi 7 octobre 2008

C'est l'histoire d'un homme qui tombe...




"C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages. A chaque étage il se répète : 'Jusqu’ici tout va bien'. 'Jusqu’ici tout va bien'. 'Jusqu’ici tout va bien'... mais l’important c’est pas la chute : c’est l’atterissage".
Cette réplique du film "La Haine" colle parfaitement à la situation actuelle de crise financière. Jamais les discours politiques n'ont-ils semblé aussi éloignés de a réalité. "Jusqu'ici tout va bien", répètent à l'envi les dirigeants, tandis que les cours de bourse poursuivent leur chute vertigineuse. Les poujadistes enclins à penser que les politiciens sont des menteurs pourront surfer sur cette apparente confirmation de leurs théories. Est-ce une coïncidence si les derniers sondages belges annoncent une envolée des leaders populistes ?
Pourtant, sur le coup, les dirigeants méritent un peu de crédit - sans mauvais jeu de mot. Entre vérité et propos rassurants, le choix est cornélien. En sémiologie, on parlerait d'un dilemme entre langage constatif et performatif. Quand le ministre néerlandais des Finances Wouter Bos a déclaré que la Belgique avaité écopé des mauvais morceaux de Fortis, il n'a pas seulement constaté une réalité, il l'a lui-même créée/renforcée et ainsi précipité la vente à BNP Paribas avant que l'ouverture des Bourses ne vienne entériner ses déclarations par une nouvelle chute du titre. Il y a là une sorte de self-fulfilling prophecy, comme disent les British, quelque chose de très oedipien, diraient les amateurs de théâtre.
Dans ces circonstances très exceptionnelles, on peut admettre que la communication politique s'écarte un instant de la vérité. Par exemple quand les gouvernements européens proclament à l'unisson qu'ils protègeront les épargnants, on peut fermer les yeux sur cette entorse à la réalité. Injecter ainsi un peu de confiance dans un système qui en a besoin autant que des milliards des banques centrales. Tout en sachant qu'en vérité il est impossible pour les pouvoirs publics de garantir l'intégralité des dépôts, dont le montant excède de loin les capacités des budgets nationaux. Bien sûr, il serait possible de lancer des emprunts publics. Avec une dette publique de près de 90% de son PIB, la Belgique n'est pas le pays le mieux placé à cet égard. Pire, les autorités monétaires devront peut-être lancer la planche à billets, avec en vue le spectre d'un scénario à l'argentine. Dans son éditorial de lundi, le Financial Times estimait que mois prochain serait le plus dangereux de la crise. Le risque est grand que la confiance s'évapore complètement du système, avec un coût faramineux pour la société. Mais peut-être aussi l'opportunité d'une grande réforme du capitalisme financier, dont personne, même à l'extrême-gauche, n'osait plus rêver.

Colonel Moutarde

PS l'illustration de ce billet est tirée d'un autre film "Hudsucker Proxy" des frères Coen (1994), qui croquait précisément avec pas mal d'ironie les déboires des grands capitalistes.

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