La crise financière et économique est une occasion en or pour la gauche européenne de se refaire une santé, comme on l’a souligné ici. Pourtant, les partis socialistes semblent bien en peine de capitaliser sur les déboires du capitalisme. D’après les estimations en cours, leur groupe au Parlement européen ne devrait enregistrer qu’une progression marginale. Il semble par contre que les eurosceptiques de tout poil gagneront du terrain, au point de pouvoir prétendre dépasser les libéraux et devenir la troisième force politique de l’assemblée.
Cette situation est imputable en premier lieu aux dirigeants socialistes eux-mêmes qui (i) continuent de considérer les élections européennes comme secondaires, (ii) cultivent des sentiments anti-européens pour flatter les instincts les plus bas de leurs électeurs et (iii) sacrifient à la realpolitik.
(i) Le Parlement européen est toujours considéré comme un cimetière des éléphants, où il est agréable de terminer sa carrière, avec une coquette rémunération. On y case ses amis politiques en fonction de critères purement nationaux. Au PS français, les listes ont ainsi été constituées presque sans tenir compte des députés qui se sont illustrés au cours de la législature passée (voir cet article de Libération). En Belgique aussi, les élus sortants --dont certains, comme Véronique De Keyser ont joué un rôle actif-- craignent pour leur sort. La nomination de Jean-Claude Marcourt, poids lourd liégeois pour tirer la liste est malgré tout un signe que le scrutin européen gagne en importance. Il est temps. Temps de voir que 70% de la législation découle de l’Europe. Que les grandes réformes du capitalisme auxquelles les socialistes aspirent se joueront à cet échelon là, et pas au niveau national.
(ii) La gauche reste tentée par le discours anti-européen primaire. Ca passe tellement bien d’être tous ensemble contre le traité de Lisbonne, contre les politiques ultra-libérales de la Commission ! C’est tellement plus facile que d’expliquer les enjeux complexes de la politique communautaire. C’est tellement plus mobilisateur d’être contre une Europe fantasmée que pour l’Europe réelle, ce chantier en construction. Cette rhétorique a miné l’image de l’UE qui est pourtant aussi un projet solidaire. Comment s’étonner dès lors que les électeurs se tournent vers des partis populistes ?
(iii) les chefs de gouvernements socialistes dans l’UE, Zapatero en Espagne, Socrates au Portugal, Brown au Royaume-Uni, Gyurcsany en Hongrie ont déjà donné leur soutien à la reconduction de José Manuel Barroso à la tête de la prochaine Commission. L’homme a le sens du compromis, il ne dérange pas. Au sein du PSE, beaucoup s’en accommodent et certains se positionnent déjà pour obtenir des postes dans son équipe. Un pragmatisme et un manque de combattivité déplorable, qui empêchent les socialistes de nommer un candidat pour affronter le président sortant (voir ici) et de rêver d’une majorité alternative.
Colonel Moutarde
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
3 commentaires:
Quand on a connu la joie en entendant l'honorable député PS Yvan Mayeur, on ne peut plus dire "crise financière et économique", mais on se doit de pleurnicher "les affres de la crise libérale".
Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, je me fiche d'Yvan Mayeur, et je me fiche aussi de la politique polticienne. Les arguments ad hominem ne m'intéressent que dans la mesure où certaines personnes incarnent des valeurs que je défends ou que je combats.
Vous ne m'entendrez jamais confondre libéralisme et ultra-libéralisme alors soyez gentil de ne pas me caricaturer.
Cela dit, refuser de voir qu'un certain laisser-faire inhérent à la pensée libérale a conduit à la crise tient de l'aveuglement.
Great bblog
Enregistrer un commentaire