Les événements violents trouvent en général peu d’écho dans les pages du Financial Times, où les seules explosions sont celles des cours de bourse, les seuls heurts ceux des joutes policées entre diplomates. Ce matin, pourtant, un fait relaté en pleine rubrique "business life", comme une tache sur le visage, n’aura pas manqué d’attirer l’attention des chief executive officers, senior managers, and the like…
Sir Fred Goodwin, l’ancien patron de la Royal Bank of Scotland – cette banque qui avait eu la bonne idée d’acheter ABN Amro avec Fortis – a subi les assauts d’une horde anti-capitaliste, émue par son parachute doré de 750.000 euros. Les fenêtres de sa maison ont été cassées ont coup de pierres et sa belle Mercedes S600 sérieusement vandalisée… L’attentat a été revendiqué dans un e-mail anonyme adressé au journal local d’Edinbourg. "Nous sommes furieux que des personnes riches comme lui se paient d’énormes sommes d’argent et vivent dans le luxe, tandis que les gens ordinaires perdent leur emploi ou leur maison. C’est un crime. Les patrons devraient être mis en prison". Le message se termine par un comminatoire "Ceci n’est que le commencement".
L’alerte est prise au sérieux par les spécialistes de la sécurité privée. L’un d’entre eux a expliqué au FT que les banquiers étaient des cibles faciles. Ils sont en effet "les visages publics de la crise financière, et ces visages incluent même des cadres inférieurs qui auront à conduire une restructuration".
Est-ce à dire que l’on se dirige vers un durcissement de la crise financière, devenue crise de l’économie réelle, en passe de descendre dans la rue ? Les licenciements sont massifs, les syndicats annoncent des méga-manifs, les rémunérations des dirigeants suscitent un émoi grandissant, comme dans l’affaire AIG. Les patrons doivent-ils craindre pour leur vie, comme ce personnage de Germinal, tué par des femmes en révolte, les couilles arrachées et agitées au bout d'un bâton ?
Ce n’est pas ce que nous leur souhaitons, certes, mais il est bon que ce débat prenne de l’envergure. Car ceux qui voudraient l’étouffer pourraient bien faire passer l’idée que la question des rémunérations n’est qu’un aspect périphérique de la crise. Or, elle en est un élément central. Cette crise est celle de la cupidité, qui accroit depuis des années l’écart entre les riches et les pauvres. Si cet écart continue de s’accroître, il finira par dégénérer en événements violents, par éclater de la même façon qu’a éclaté la bulle immobilière après des années d’aveuglement. Et l’attaque contre M. Goodwin pourrait bien n’être que le commencement.
Colonel Moutarde
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