C'est une première dans les relations entre l'Europe et l'Afrique. Une ancienne métropole a réglé son contentieux historique avec son ancienne colonie. L'Italie vient en effet de conclure un accord à ce sujet avec la Libye, qu'elle a occupé entre 1911 et 1942. Il n'est au fond pas étonnant que Silvio Berlsuconi et Mouammar Khadafi, ces deux vieux roublards opportunistes, soient parvenus à s'entendre sur un passé sensible. L'accord prévoit que Rome versera cinq milliards de dollars à titre de dédommagements. "C'est une reconnaissance complète et morale des dommages infligés à la Libye par l'Italie pendant la période coloniale", a déclaré Silvio Berlsuconi. Le même a précisé plus tard qu'il s'agissait en fait surtout d'investissements dans les infrastructures. De la part de cet homme d'affaire redoutable, on peut douter que le deal ne soit fondé que sur la conscience historique. Quand Silvio Berlusconi parle d'investissement, il faut entendre retour sur investissement.
Quoi qu'il en soit, la démarche “ouvre un débat très intéressant”, selon les mots du président rwandais Paul Kagame, qui vient d'accorder une interview à la journaliste du Soir Colette Braeckman. Dans une partie de l'entretien non publiée par le quotidien mais bien sur le blog de Madame Colette (comme on l'appelle au Congo), M. Kagame a estimé que “sur cette base là, beaucoup de pays d’Afrique pourraient ouvrir un débat, le Rwanda, en principe, pourrait se tourner vers la Belgique…”. Et de souligner que les injustices commises par l'Italie en Libye ont été “beaucoup, beaucoup moins graves que celles qui ont été commises par d’autres puissances coloniales, la France ou la Belgique”. Bref, de l'avis de M. Kagame, il n'est pas trop tard pour que les Belges passent au tiroir-caisse.
Ces propos seront sans doute balayés d'un revers de la main en Belgique, pays où le débat public sur le bilan de la colonisation est inexistant. Il y a bien eu un timide effort de mémoire au moment de la commission d'enquête sur l'assassinat de Patrice Lumumba, mais rien sur les méthodes brutales et le pillage des ressources naturelles dont le pays s'est rendu coupable sous le règne de Léopold II. Près d'un demi siècle après son retrait chaotique et précipité, la Belgique ne s'est toujours pas résolue à présenter des excuses, ni à envisager un dédommagement – lequel pourrait être faramineux.
Récemment, à l'occasion du 48ème anniversaire de l’indépendance du Congo, le collectif mémoires Coloniales a appelé la Belgique à faire amende honorable. Le pays “s’est appropriée une terre qui ne lui appartenait pas et y a opprimé les peuples autochtones au nom de la civilisation”. Il a, en outre, “en collusion avec la Banque mondiale, également violé le droit international en transférant la dette contractée par le pouvoir colonial belge à l’égard de la Banque mondiale, à la charge du Congo au moment de son indépendance en 1960”, selon un article publié début juillet.
Dans le contexte actuel de tensions diplomatiques entre Bruxelles et Kinshasa, il est peu vraisemblable que le débat soit à l'ordre du jour. Peut-être les parlementaires pourraient-ils sortir de leur torpeur et en prendre l'initiative. Ca les changera de BHV.
Colonel Moutarde
dimanche 7 septembre 2008
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