lundi 4 février 2008

Un premier cas de dumping climatique ?

Il est parfois utile de lire la presse étrangère pour mieux observer nos travers nationaux. Il en est ainsi, singulièrement, dans le dossier des quotas de CO2 d'ArcelorMittal.
Du côté des journaux belges, depuis samedi, ce sont les grandes réjouissances, peu ou prou. La Libre ose même titrer, au dessus d'une photo de l'usine de Seraing, “L'acier wallon respire à nouveau”. Il faut admettre, comme le fait Le Soir, qu'il est “bien hardi (celui) qui oserait ici s'opposer à la relance du Haut-Fourneau 6. Dans une ville qui compte 31% de chômeurs et 46% de minimexés, chaque emploi est bon à prendre”.
Soit. Mais sur le déroulement de cette affaire, on est quand même en droit de se poser quelques questions.
1/ S'agirait-il du premier cas de dumping climatique ? C'est en effet sous la menace d'une délocalisation dans un pays ne respectant pas les normes de Kyoto que les autorités belges ont accepté de prendre à leur charge une partie des quotas de CO2 de Mittal. Après l'arrogance de Bernie Ecclestone à Francorchamps, les menaces de Ryanair à Charleroi, la Wallonie commence à ressembler un peu trop à une bonne poire pour les entreprises peu scrupuleuses.
2/ Combien cette prise en charge a-t-elle coûté aux contribuables ? L'Etat doit-il vraiment payer pour le sauvetage, peut-être très provisoire, de postes dans un secteur pas vraiment considéré comme porteur d'emplois pour l'avenir ?
3/ Est-on vraiment certain que la mesure aura l'aval des autorités européennes ? C'est la première fois depuis le lancement du système européen de quotas qu'un Etat acquiert des droits d'émission pour une entreprise. La Commission ne pourrait-elle trouver qu'il s'agit d'une aide d'Etat déguisée et exiger le "remboursement" des quotas ?
Ces interrogations ne sont pas vraiment reflétées dans la presse nationale. A la Commission européenne, par contre, nombre de journalistes s'inquiètent de ce cas de chantage climatique (voir la retransmission du briefing ici). Sur le blog du journaliste de Libération Jean Quatremer aussi, le débat fait rage. Et sur la Boulette, on s'y met ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce cas vient évidemment fort à propos pour s'inscrire dans l'un des grands débats qui anime notre société actuellement et qui met aux prises l'innovation économique, la sauvegarde de l'emploi et l'écologie. Je pense que la décision qui a été prise concernant les allocations CO2 est la moins mauvaise. Le grand tort de la Wallonie est de n'avoir jamais préparé la reconversion de son économie. Elle en paye aujourd'hui les conséquences. Les pouvoirs publics doivent aujourd'hui mettre le paquet, financièrement s'entend, pour sauver (probablement à court terme) quelques milliers d'emplois dans la sidérurgie liégeoise. Le grand gagnant dans l'affaire est certes Mittal qui se voit largement subsidié et qui finira un jour par produire ailleurs. Mais je ne pense pas pour autant qu'il fallait sacrifier les (rares) travailleurs de la région. Il est maintenant plus que temps de préparer la reconversion afin de ne plus devoir faire face à ce type de chantage.
Cela dit, je crois avant tout que le calcul des politiques a surtout été cynique. Dans un an, il y a des élections régionales.

La Boulette a dit…

Le problème, c'est précisément que les emplois sont sauvés à court terme. Le court terme, c'est ce que la Wallonie s'emploie à faire depuis des décennies en s'acharnant à sauver des secteurs condamnés. On voit le résultat. Je ne minimise pas le désarroi des gens qui ne trouvent pas de travail, ni le savoir-faire des métallos wallons. Mais il faut avoir le courage de voir que des milliers de postes restent à pourvoir dans les entreprises. L'argent public serait sans doute mieux investi en finançant la formation des personnes pour ces métiers.

François a dit…

Je connais personnellement une personne qui travaille sur ce dossier. C'est un tel nid à merde que plus personne n'y retrouve ses petits. Mittal aurait joué une fine stratégie en faisant tourner casaque aux décideurs wallons. Selon cette source, le dossier ne devrait pas aboutir, principalement pour cause de blocage européen - la Commission souhaite ne pas créer un fâcheux précédent...