lundi 1 février 2010

La gauche n'est pas à la hauteur du débat sur l'intégration / immigration

Les élections se jouent souvent autour des questions d'immigration. Est-ce l'une des raisons pour laquelle les partis de droite remportent plus souvent les scrutins en Europe ? Le débat français sur l'identité nationale ou les sorties intempestives d'Alain Destexhe en Belgique francophone montrent bien que les politiciens de droite ont compris le potentiel électoral de ces questions, quitter à entretenir des amalgames dangereux. Mais s'il est courant de dénoncer l'électoralisme de droite, on parle moins souvent de la dangereuse passivité de la gauche, qui, à force de rester à l'écart du débat, ouvre un boulevard aux extrémistes.
Revenons sur la dernière mésaventure du sénateur Destexhe. Se basant sur une information publiée dans la feuille satirico-raciste Père Ubu, il s'est fendu vendredi d'un communiqué de presse dénonçant les subsides versés à une chanson dont l'auteur, un certain Redouane La Déglingue, clame qu'il "épousera le Maroc après avoir baisé la Belgique".



Ce lundi, sur son blog, M. Destexhe déplore que "la plupart des journaux de ce samedi critique ma sortie d'hier sur les rappeurs qui "baisent la Belgique". Les télé nationales n'ont pas parlé du sujet". Pourtant, poursuit-il, "sur le Net, l'article en question est le plus consulté depuis 24 heures sur le site de La Libre, le 2ème le plus consulté depuis une semaine et a fait l'objet de plus de 348 commentaires, loin devant tous les autres thèmes".
Ce n'est pas la première fois que le sénateur s'estime ostracisé par les médias. Il y a quelques semaines, il a rapporté qu'une carte blanche, intitulée "Pitié pour les Suisses", avait été refusée par tous les journaux francophones. Il y exprimait sa compréhension pour le vote exprimé dans la confédération helvétique sur la question des minarets. "Davantage que contre les minarets, les Suisses ont exprimé un refus bien plus général, non pas de la religion musulmane, mais d’un certain islam politique, en tant qu’idéologie totalitaire, de plus en plus à l’offensive, y compris dans notre pays".
Fallait-il censurer cette opinion, que rien ou presque ne distingue plus désormais de la rhétorique anti-Islam proférée par le Vlaams Belang ? La question mérite d'être posée. Comme méritent d'être posées d'autres questions sur l'échec des politiques d'intégration, sur le chômage massif et l'exclusion qui frappent les jeunes maghrébins, sur la violence et l'incivisme dans certains quartiers de Bruxelles, sur la pêche aux voix éhontée des partis dans les communautés immigrées, qui alimente le communautarisme.
Refuser ces questions sous prétexte qu'elles ouvriraient la porte aux dérives racistes est une erreur. C'est pourtant dans un tel refus que se mure la plus grande partie de la gauche, gauche caviar est-on tenté de persifler, désormais en décalage avec la classe populaire.
N'est-il pas le moment, après la multiplication de faits divers violents et alors qu'aucune élection ne viendra polluer le débat dans les prochains mois, d'avoir une discussion sans tabou sur le sujet ? En s'abstenant de mener ce débat, les partis de gauche - au gouvernement à tous les niveaux de pouvoir en Belgique - porteront eux aussi la responsabilité d'une radicalisation de l'électorat.
Est-il normal qu'après les derniers événements à Anderlecht (la "délocalisation" d'une école, victime chronique de rackets), le seul parti à réagir soit le Vlaams Belang ?
Fuir ces questions, comme l'a fait littéralement en France le socialiste Vincent Peillon (voir ici), comme le font les partis de gauche en Belgique, c'est laisser à la droite (de plus en plus souvent extrême) le monopole du discours sur ces questions.
C'est ainsi qu'on voit, en France, un faux débat sur l'identité nationale, organisé par un gouvernement qui par ailleurs fixe des quotas d'expulsions, qui vide la jungle de Calais à grand renfort de caméras, qui caricature à tour de bras avec le projet de loi sur la burqa. C'est ainsi qu'en Belgique se crée un Parti populaire, en fait populiste et prompt aux stéréotypes. Même les considérations légitimes d'un Alain Destexhe sont teintées d'une xénophobie inquiétante.
En reprenant la main sur ces questions, la gauche ferait preuve d'un courage salutaire, dont gageons qu'il qui pourrait même payer électoralement.

Colonel Moutarde

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Lire le blog en entier, pretty good