samedi 31 janvier 2009

Lizin out. Et maintenant?

Le PS a finalement choisi de sacrifier Anne-Marie Lizin, emportée dans une tempête politico-médiatique qu'elle avait préféré ignorer au profit d'une stratégie égocentrique, là où, venant de sa part, plus de pragmatisme et de collégialité l'auraient probablement sauvée. Mais la bouillante sénatrice bourgmestre de Huy, on ne la refait pas.
Anne-Marie Lizin a manqué d'éthique mais ce n'est pas cela qui la poursuit aujourd'hui.
Au fil des années, la bourgmestre de Huy a réussi à construire un système Lizin. Pas un système étudié à des fins d'enrichissement personnel. Lizin est un personnage doté d'un idéal politique fait de féminisme, de défense des minorités, des étrangers, des justiciables, des travailleurs, des fonctionnaires, qu'elle poursuit... à sa façon. Tous les moyens sont bons. Rien ne peut l'arrêter, dans certains cas, même la loi est contournable.
Ce qui a perdu Lizin, c'est à la fois sa tête de mule et la conjoncture qui, nous faisant voguer d'élections en élections, a rendu la bombe Lizin, secouée dans tous les sens par la presse, hautement explosive pour le parti socialiste à 4 mois du prochain scrutin.
On reproche à Anne-Marie Lizin 30.000 euros de dépenses non justifiées lorsqu'elle était il y a quelque dix ans à la tête du centre hospitalier régional de Huy. Des paiements répétés, à intervalles réguliers, en carburant en France, des factures chez le coiffeur, certaines notes de restaurant posent question.
Plus globalement, c'est le système démocratique, voire la société toute entière qui est malade. Le politique est en crise. Le balancier de l'histoire a rouvert le fossé qui sépare l'establishment politico-économique du citoyen. Ces citoyens, qui se font d'ailleurs eux-mêmes de plus en plus rares à pouvoir se revendiquer comme tels, car, dans les courriers des lecteurs qui appellent au lynchage d'une classe politique qui ne compte pas ses heures passées à la gestion de la chose publique, combien sont-ils à porter le costume de la probité, à payer l'impôt dû, à ne pas faire appel à la main d'oeuvre non déclarée, à ne pas brûler de feu rouge et n'avoir pas consommé plus d'un verre de rouge avant de conduire, à ne pas hurler des cris de singe le dimanche au stade.
Une enquête chez l'ensemble des gestionnaires d'hôpitaux du royaume permettrait à suffisance de mesurer à quel point le système Lizin n'est malheureusement qu'une goutte d'eau dans l'océan de la gabegie à l'oeuvre dans le management public et, on l'oublie souvent, privé.
Lizin est arrivée à un tel niveau de pouvoir qu'elle a cru que tout était possible pour servir ses causes, forcément nobles dans son esprit, l'électeur étant le plus à même de juger.
Il arrivait que ses journées de travail se concluaient par des repas avec ses interlocuteurs, le vin n'étant commandé n'étant pas spécialement le demi-litre du patron mais pas non plus une bouteille à 1.500 euros que n'hésitent pas à commander d'autres édiles avides de divines bouteilles.
Le système Lizin n'est pas le système Van Cau qui, avec la presse, a fermé les yeux des années durant sur l'enrichissement personnel de ses affidés, alors qu'il contrôlait son empire carolorégien. Il n'est pas non plus le système Daerden, qui, par ses activités de révisorat, s'est organisé un monopole sur le contrôle des entités publiques wallonnes et francophones, faisant entrer des sommes colossales dans son escarcelle, en usant de l'ingénierie fiscale. Jusqu'ici, rien d'illégal. Mais on prendra acte de ce qu'aux yeux du Boulevard de l'Empereur, tout cela est bien conforme aux valeurs du socialisme.
Le système Lizin n'est pas non plus le système Reynders qui des années durant a vendu les bâtiments de l'Etat pour les louer ensuite, notamment au profit de la Compagnie Immobilière de Belgique (Immobel), creuset de l'establishment belge, où l'on retrouve des noms de promoteurs comme le PS Jean Thomas (démissionné pour se défendre en justice) ou le MR Yves Bacquelaine, mais aussi Valère Croes (ex-Sabena, Fortis) ou Didier Bellens, le patron de Belgacom, lui aussi étiqueté PS. Il est permis de s'interroger quant à la légitimité du transfert de ces fonds publics. Mais là non plus, jusqu'ici rien d'illégal.
A Lizin, on reproche aussi son comportement clientéliste comme si ailleurs les permanances des élus locaux n'existaient plus. Preuves et témoignages à l'appui, il est permis d'écrire que les plus hauts personnages de l'Etat n'hésitent pas à recommander les demandeurs d'emploi du Forem, exercer un droit de préemption aux habitants du cru qui veulent acheter un logement, y compris ceux qui en appellent à une tornade éthique (cdH). Même ceux (Ecolo) qui mobilisent pour une meilleure gouvernance alors qu'en interne ils multiplient les dérogations aux idéaux qu'ils ont pourtant érigés en règlement sont confondants d'abnégation.
On ne rappellera pas les noms des élus, au PS, au MR et au cdH, ou en Flandre qui ont, au choix, oublié de remplir leur déclaration fiscale ou oublié d'y préciser qu'ils étaient mariés, de ceux qui ont contourné la législation sur le financement des campagnes électorales, qui sont inculpés de corruption, qui ont détourné les fonds publics, les hauts fonctionnaires étiquetés qui se sont rendus coupables de présumées supercheries à la Régie des bâtiments, ces ministres qui envoient leur chauffeur, mis sous pression (au point que l'un d'entre eux s'est suicidé), conduire leur épouse chez le coiffeur, au supermarché ou chercher les enfants à l'école, ou cet ancien premier ministre dont l'épouse conduisait la voiture de fonction. Tous n'ont pas droit au même étalage médiatique.
Dans le milieu hospitalier aussi, on rapporte des témoignages de directeurs financiers qui emmènent leur famille au restaurant avec la carte de crédit de l'institution. Et le privé n'est certainement pas l'exemple à suivre (il ne s'agit pas là de l'argent du contribuable? sauf que souvent il est question d'ingénierie fiscale voire plus).
En terme de stratégie, le PS était obligé de se défaire d'Anne-Marie Lizin, devenue tête-de-turc-pas-nécessairement-contre-son-gré-car-hautement-médiatisée. Le parti socialiste a donc choisi la sanction. Pour les raisons évoquées plus haut, c'est hypocrite mais la politique est ainsi faite.
Alors, tous pourris? Certainement pas. La démocratie représentative est malade partout dans le monde occidental, et singulièrement dans notre Belgique particratique souffrant d'institutionnalisarthrite aigüe, mais à ce jour, elle reste le meilleur moyen de vivre en paix dans notre société. Il est temps qu'elle se ressaisisse et qu'elle s'invente de nouveaux mécanismes pour résister à la toute puissance de l'argent et à la folie du pouvoir. Cette réflexion pourrait être alimentée par la presse. Ce serait peut-être aussi pour elle un moyen de s'interroger sur ses pratiques. Une certaine presse ne dit pas qu'elle figure aussi sur les lignes de crédit d'Anne-Marie Lizin. Car pour voyager, la pauvre presse se fait payer par ces gentils organisateurs politiques. Il est tellement facile de faire des pages entières, jour après jour, sur Lizin. Il est plus difficile d'amorcer une réflexion globale sur le devenir de notre démocratie. Et sur le rôle, à cet égard, du quatrième pouvoir.

Durum

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