samedi 4 juillet 2009

Le lait, l'argent du lait et le sourire de la commissaire

Depuis des semaines, les "producteurs laitiers" sont partout: en tracteur sur l'autoroute, devant les institutions européennes, dans les journaux. Ce que les médias oublient de dire, c'est que le mouvement de protestation ne concerne qu'une partie des producteurs: en gros, ceux du sud de l'Europe, d'Allemagne et, en Belgique, les Wallons. Tous réclament l'abandon de la politique européenne de libéralisation des quotas, accusée de faire chuter les prix. Les agriculteurs flamands, néerlandais, danois, britanniques sont plus discrets. Et pour cause: ils s'accommodent très bien d'un système qui leur permet de produire plus. La taille plus grande des exploitations leur permet de réaliser des économies d'échelle qui les protègent des variations de prix.
Ls dirigeants de l'UE sont quant à eux bien déterminés à maintenir le cap de la libéralisation. Au dernier sommet européen, ils ont demandé à la Commission d'échafauder des nouvelles propositions pour le secteur, mais en ajoutant à leurs conclusions une phrase sybilline sur "le respect du bilan de santé de la PAC". Comprendre: pas touche à la suppression des quotas. La commissaire à l'agriculture, Mariann Fischer-Boël, dispose donc de toute la latitude nécessaire pour continuer de mettre en oeuvre sa vision d'une agriculture industrielle et compétitive sur les marchés internationaux. Cette Danoise, elle-même propriétaire d'une exploitation porcine très intensive, n'a jamais caché son mépris pour la petite agriculture. "Si vous avez juste une chèvre dans votre jardin, vous n'êtes pas un vrai fermier", avait-elle déclaré en exposant les grandes lignes de ses réformes. Appliquer cette philosophie au secteur laitier revient forcément à ignorer les protestations actuelles: il faut en effet qu'un certain nombre d'exploitants peu compétitifs fassent faillite pour permettre l'émergence de quelques grandes exploitations. Dans l'optique de la commissaire, c'est le coût à payer pour obtenir des prix bas pour les consommateurs et des recettes juteuses à l'exportation. Puisque les estimations laissent penser que la consommation mondiale de lait va exploser dans les prochaines années, il s'agit d'être prêt à concurrencer les autres puissances agricoles (Etats-Unis, Amérique latine, Nouvelle-Zélande...).
Mme Fischer-Boël est moins loquace sur les inconvénients de sa réforme: l'abandon d'un outil de gestion de la production expose les agriculteurs aux variations de prix. Quand ceux-ci baissent, les revenus plongent et les producteurs doivent être secourus avec l'argent public. C'est ce qui se passe déjà actuellement, via le rétablissement des restitutions à l'exportation. Le lait ne trouve pas preneur ? Le budget européen financera sa revente à prix bradés sur les marchés mondiaux! Or, non seulement ces aides sont coûteuses pour les contribuables, mais elles contribuent à déprimer davantage les prix, ce qui expose les agriculteurs des pays ne disposant pas de tels filets de sécurité. Cette situation contribue à son tour au sous-investissement dans l'agriculture au sud, et, en dernier ressort, à la faim dans le monde.
Mariann Fischer-Boël a pour habitude de balayer ces arguments d'un revers de la main et se retranche derrière des chiffres de court-terme étayant sa vision. A 66 ans, elle ambitionnerait de rempiler à son poste. Au Parlement européen, où se prépare une bataille pour l'investiture de la Commission Barroso II, les partisans d'une autre agriculture seraient bien inspirés de lui arracher quelques concessions.

Colonel Moutarde

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très intéressant!

Toutefois, la baisse des quotas n’est qu’un subterfuge pour faire grimper artificiellement le prix du lait, lisez pour comprendre; http://www.unmondelibre.org/Bedard_Lait_060809