mardi 29 septembre 2009

Bernard Clerfayt, cinq minutes de courage politique

Scinder BHV, affirment certains flamingants, ne nécessiterait que cinq minutes de courage politique. Ce petit cacul démagogique peut facilement être transposé à n'importe quelle décision impopulaire. Par exemple: taxer plus les comportements polluants. Bernard Clerfayt, secrétaire d'Etat attaché au ministre des Finances, dont nous avions salué l'apparent bon sens en la matière, a bien eu cinq minutes de courage politique. Sur les ondes de la Première, lundi matin, il a annoncé et défendu une hausse des accises sur le diesel d'une vingtaine de centimes. Le problème, c'est que M. Clerfayt n'a eu que cinq minutes de courage politique. Quelques heures plus tard à peine, sans doute après un coup de téléphone de son patron, il s'est désolidarisé de la mesure. Celle-ci ne serait plus qu'une mauvaise idée du ministre du budget, Guy Vanhengel. “On prend en otage les ménages qui ont fait le choix du diesel”, ose-t-il désormais. “On prend du pognon là, chez ceux qui roulent au diesel. Cela manque de sens environnemental et donc de sens social”. M. Clerfayt, lui, manque totalement de sens des responsabilités. Dans son cas, il conviendra désormais de parler de secrétaire d'Etat scotché au ministre des Finances.

Colonel Moutarde

mercredi 23 septembre 2009

Justine et Giscard, liaisons dangereuses

Cette semaine, deux phénomènes ont révélé une nouvelle tendance médiatique qui consiste à confisquer l'information au service de plans marketing bien ficelés: d'une part, le phantasme romanesque de Valéry Giscard d'Estaing s'inventant une histoire passée avec la princesse Lady Di, à laquelle pratiquement personne n'a cru mais qui aura fait couler beaucoup d'encre, et qui, probablement, aidera beaucoup VGDE à vendre son dernier écrit, d'autre part, le scénario écrit par Justine Henin et son staf de com, qui, en repoussant au maximum l'annonce de son retour sur les circuits, aura suscité une ampleur rarement égalée, tout bénéfice pour faire remonter sa cote auprès des candidats sponsors.
Il y a eu buzz et rebuzz. Beurk et rebeurk.

Durum

Le MR lève un coin du voile

Le MR a frappé le premier et a ainsi le mérite de lancer le débat sur le voile, ou plus largement sur le port de signes ostentatoires, notamment à l'école, dans l'administration et dans les gouvernements. Les réformateurs proposent l'interdiction, s'agissant à l'école de limiter l'interdit à l'enseignement officiel, pacte scolaire oblige. On pourrait regretter cette limitation. Le moment n'est-il pas venu, en Belgique, de redéfinir un modèle de société, qui passerait par la fusion des réseaux d'enseignement, aux vertus plus égalitaire? Au nom de quoi l'enseignement catholique est-il doublement subventionné tout en pouvant s'affranchir, au nom de l'autonomie, d'un encadrement par trop cadenassant? Mais ne nous perdons pas. Si l'officiel fait un pas, sans doute pressera-t-il le libre de prendre ses responsabilités.
L'argument le plus régulièrement avancé pour contrer l'interdiction du port du voile est celui de la liberté de choix. On ne se départira pas de l'idée que certaines jeunes filles non émancipées portent le voile par conviction mais combien d'autres se voient sacrifiées, contraintes de l'afficher sous la pression sociale de leur communauté et ne pouvant compter sur le soutien des pouvoirs publics.
Qui peut le plus peut le moins. Le voile peut être porté en tout lieu privé, en rue, à domicile, où est le mal de l'ôter à l'école, lieu d'apprentissage de valeurs communes. La liberté de culte ne s'en trouverait pas bafouée.
L'école, espace d'émancipation, ne pourrait plus longtemps admettre que la liberté de jeunes filles soit outragée au nom du soit disant choix qui serait laissé à toutes. La liberté des un(e)s s'arrête là où commence celle d'autrui. L'adage est à double sens et le débat, compliqué, ne peut gommer les nécessaires nuances. Mais à un moment donné, il faut oser trancher, au nom de la cohésion sociale. Le MR prend ses responsabilités. Les béni-oui-oui ou autres champions de l'électoralisme vont devoir sortir du bois.

Durum

Des pouvoirs spéciaux pour GSK?

La Chambre des représentants s'apprête à octroyer au gouvernement des "pouvoirs spéciaux" l'habilitant à agir en dehors de tout cadre législatif strict en cas de pandémie de grippe H1N1 dans notre pays. Déjà voté à l'unisson en Commission, ce projet d'habilitation permettra à la ministre de la Santé Laurette Onkelinx d'agir dans le cas d'hypothèses difficilement prévisibles nécessitant une réponse urgente, sous peine de péril grave en matière de santé publique.
Tout le monde s'accorde à dire dans les milieux scientifiques publics ou politiques qu'il y a lieu de relativiser à l'égard de cette pandémie aux effets bien moins mortels que la grippe classique ou que d'autres pathologies comme le Sida ou le paludisme.
Manifestement pourtant, force est de constater que le lobby pharmaceutique continue de jouer à plein. Il serait intéressant de vérifier le cours de l'action de GSK lors du vote au parlement de cette habilitation accordée au gouvernement à disposer de pouvoirs spéciaux.

Durum

Le MR et l'hypocrisie laitière (bis)

Le lait fait tourner le MR qui tentant de s'extirper de la mauvaise stratégie de communication de sa très soupe au lait ministre de l'Agriculture Sabine Laruelle a plaidé lundi en Bureau de parti en faveur d'une plus grande régulation. Pourtant, le 17 septembre dernier, les députés européens Louis Michel et Frédérique Ries ont refusé de s'alligner sur la proposition du socialiste Marc Tarabella qui suggère de geler l'actuelle augmentation des quotas décidée par la Commission. En voulant le beurre et l'argent du beurre, on en viendrait à l'avenue de la Toison d'Or à faire sourire la crèmière.

Durum

mardi 22 septembre 2009

Charles Michel franchit un nouveau palier dans l'hypocrisie laitière

On vient de franchir un nouveau palier dans l'hypocrisie laitière, gâce à notre brillant ministre de la coopération au développement. Charles Michel a bien compris le dégoût de l'opinion pour ces millions de litres de lait jetés à l'égout. Quel scandale, ma petite dame!, a-t-il furieusement envie de s'exclamer. Véritablement au diapason du sentiment populaire, il vient d'émettre (de commettre ?) une proposition qui ravira dans les chaumières MR. Pourquoi ne pas transformer en poudre tout ce lait gaspillé et l'envoyer dans les pays africains frappés par la famine ? En lâchant cette idée dans les journaux, Mini Loulou pensait sans doute frapper double: jeter un voile pudique sur l'attitude ambigue de son parti face aux revendications des producteurs laitiers et marquer des points dans son propre domaine de compétence (d'incompétence ?).
Cette sortie est en réalité démagogique et très mal avisée: non seulement elle semble donner du crédit aux détracteurs d'une grève laitière parfaitement légitime, mais elle méconnait totalement la problématique. L'une des conséquences de la politique agricole européenne est en effet le déversement de lait à bas prix sur les marchés mondiaux, y compris en Afrique, avec le soutien des restitutions à l'exportation. Prétendre que l'envoi de lait en poudre améliorera la situation est une ânerie complète. Une ânerie en outre exclusivement destinée à son édification personnelle auprès d'un électorat peu informé. Charles Michel affirme vouloir prendre contact avec les organisations de producteurs, la présidence suédoise de l'UE et même les Nations Unies pour promouvoir son idée. Gageons que la démarche ne débouchera sur rien de concret. Et que Charles aura manqué une occasion de se taire.

Colonel Moutarde

Justine Henin renonce définitivement au tennis pour se lancer dans le hockey sur glace

Justine Henin a annoncé mardi en exclusivité pour la Boulette qu'elle compte s'installer outre-Atlantique où l'attend une prometteuse carrière de joueuse de hockey sur glace dans la mythique équipe masculine des "Canadiens de Montréal". Justine Henin a de la sorte démenti une série de rumeurs, qui n'avaient fait qu'amplifier durant l'été, faisant état d'un retour à la compétition tennistique. "Les quatorze raquettes que j'ai achetées il y a quelques semaines et qui ont pu susciter ces rumeurs sont destinées à une expédition à laquelle m'associe le WWF dans le cadre de la lutte contre les tueries de bébés phoques", a indiqué la future championne du stick.
Tout ceci est évidemment faux. Justine annoncera mardi soir sur RTL et la RTBF qu'elle remontera sur les courts. Un plan de com gerbatif qui sied bien à l'image de cette sportive pleine de talent mais à la morale proportionnelle à la taille de ses poumons. Ainsi va le sport professionnel. Et le monde médiatique.

Durum

lundi 21 septembre 2009

Lait : le scandale d’une politique européenne qui ne dit pas son nom

La crise du lait, c’est un concours d’hypocrisie. Il y a d’abord ces gouvernements trop peureux pour assumer leurs propres décisions. C’est tellement facile de laisser porter la chapeau à la Commission européenne, en l’occurrence la commissaire Mariann Fischer Boel. Pourtant, l’abandon progressif des quotas laitiers – cible principale des agriculteurs en colère – n’est pas le seul fait de la Commission. Il a été reconfirmé en juin dernier, au sommet, par les chefs d’Etat et de gouvernement. Pas à haute voix, certes. C’eut été risquer une confrontation trop directe avec les fermiers courroucés, qui, déjà, campaient au pied du quartier européen. C’est donc dans un jargon insupportable que les 27 ont répété, en juin, que la libéralisation laitière se poursuivrait. Texto : le sommet a "invité la Commission à présenter une analyse de marché approfondie (...), tout en respectant le résultat du bilan de santé de la PAC". Une formulation moins administrative aurait donné : "Retournez traire vos vaches, y a rien à voir".
Mais la véritable hypocrisie de cette crise, c’est cette stratégie qui ne dit pas son nom. Cette stratégie dont l’objectif même est de pousser les agriculteurs jugés trop petits à abandonner leur ferme, cette stratégie qui veut émuler les grandes exploitations américaines, cette stratégie qui privilégie l’exportation sur la souvenaineté alimentaire, cette stratégie industrielle qui ne laisse aucune place pour l’agriculture familiale. Mme Fischer Boel l’a dit depuis longtemps, elle qui détient une propriété porcine intensive au Danemark : "Si vous avez juste une chèvre dans votre jardin, vous n'êtes pas un vrai fermier". Sa toute dernière mesure, basée sur le "rachat de quotas", est le comble de la lâcheté. Ici aussi, le jargon est censé faire croire à l’opinion publique que l’Europe vient en aide aux agriculteurs en détresse. Alors qu’il ne s’agit de les pousser à abandonner leur activité. L’Europe a non seulement besoin de dirigeants mieux avisés, elle a besoin de dirigeants plus courageux.

Colonel Moutarde

vendredi 18 septembre 2009

Grippe A: la pilule budgétaire est amère

En France, la polémique fait rage. Le gouvernement en fait-il trop pour combattre la grippe A/H1N1 ? Le virus n'est pas plus dangereux qu'une grippe saisonnière, répètent inlassablement les experts. Pourquoi dès lors la ministre de la santé, Roselyne Bachelot a-t-elle passé commande de 94 millions de doses de vaccins à quatre laboratoires (GlaxoSmithKline, Sanofi-Pasteur, Novartis et Baxter), de quoi couvrir 75% de la population française ? Ce taux de couverture est nettement supérieur à ceux de la plupart des autres pays, selon les calculs du site Rue89. La décision, justifiée par le principe de précaution, coûtera aux contribuables la bagatelle d'un milliard d'euros. Une pilule plutôt amère en période de crise économique. En Belgique, ce sont 12,6 millions de doses qui ont été commandées à GSK pour vacciner (gratuitement) plus de la moitié de la population belge – un budget d'environ 100 millions d'euros. Les montants exacts versés à GSK n'ont pas été dévoilés. Le contrat avec GSK comporte en effet une clause de confidentialité. La ministre de la santé, Laurette Onkelinx, n'a pas voulu non plus révéler les clauses relatives à un éventuel échec du vaccin à obtenir une autorisation européenne de mise sur le marché. Car bien le vaccin soit développé en masse, ses effets n'ont pas encore véritablement été étudiés...
On peut comprendre que les responsables européens aient choisi la voie de la vaccination massive. Qu'auraient dit les électeurs en cas de contamination massive ? Mais les milliards dépensés pour nous protéger d'une grippe bénigne en disent long sur nos priorités collectives de petits Européens. Avec les mêmes montants, on pourrait sans doute financer des programmes dans des pays où les problèmes de santé sont autrement plus criants – comme le soulignait avec malice Stéphane Guillon sur France inter récemment.



Colonel Moutarde

Rudy Bilboquet

A l'heure de la morosité qui déchante, le ministre-président wallon Rudy Demotte, adepte de la méthode kwé, a osé une audacieuse comparaison pour situer la Wallonie d'aujourd'hui, celle qui, Marshall faisant, après des siècles d'esclavage, est sortie du tombeau. La Wallonie, a-t-il dit, c'est un peu Rocky Balboa, ce boxeur qui a pris des coups, qui reprend pied avant de repartir à l'attaque. En tout cas, on suppose que Ruchti Demotte voulait en référer au héros du commandant Sylvestre car sur les ondes, il a en réalité hoqueté le nom de "Rocky Bilboa". Peut-être Rudy Bilbao a-t-il tenté de ranimer la mémoire d'un légendaire boxeur basque qu'au-delà des Pyrénées seule la Picardie vénère encore en ce début du XXIème siècle. Ou bien Fêtes de Wallonie oblige, la langue du sacristain de l'Elysette a-t-elle simplement fourché, noyée dans le Peket distillé par Dame Geneviève. Nos'premier wallon peut bien braver de temps à autre l'abstinence alcoolique qu'il s'inflige depuis plus de quarante ans. Ca donne du courage! Allez Rocky Obama!

Durum

jeudi 17 septembre 2009

Jean-Luc Dehaene est-il le pire cumulard de Belgique ?

A près de 70 ans, l’ancien Premier ministre Jean-Luc Dehaene reste un homme actif. Très actif. L’homme n’est pas du genre à se satisfaire d’un simple mandat d’eurodéputé – aussi grassement rémunéré fut-il. Il siège dans les conseils d’administration de plusieurs poids lourds de l’économie belge (Lotus, Inbev, Umicore) et préside même celui de Dexia, depuis que la banque belgo-française a été mise sous la tutelle de l’Etat. Ca doit commencer à chiffrer. Il n’en a pas moins accepté cette semaine de nouvelles responsabilités à l’UEFA. Sollicité par Michel Platini, le patron de la ligue européenne de foot, il a accepté de présider un comité sur le fair-play financier, dont le rôle sera d’encadrer les dérives des clubs. Ce comité pourra imposer des sanctions à partir de 2013. D’ici là, il pourra envoyer des avertissements aux clubs.
Ne boudons pas notre plaisir de voir se constituer une telle instance qui va peut-être enfin limiter le pouvoir de l’argent dans le foot. En outre, Jean-Luc Dehaene est certainement un bon choix : ancien chef de gouvernement, il aura l’autorité nécessaire ; supporter du petit club de Bruges, il comprend l’importance de mieux balancer les finances du foot européen.
Mais il n’est pas interdit de se dire que, d’un mandat à l’autre, Jean-Luc n’a peut-être pas le temps de se donner autant qu’il le pourrait à toutes ses activités. Quant à sa rémunération, elle ne regarde, certes, que lui. Mais est-il poujadiste de se demander si, d’un mandat à l’autre, elle ne culmine pas aux niveaux de ces traders dont il est à la mode aujourd’hui de dénoncer les travers ?

Colonel Moutarde

mardi 15 septembre 2009

Election de Barroso: Comment Verhofstadt a retourné sa veste

Entre Guy Verhofstdat et José Manuel Barroso, ce fut d'abord l'affrontement de deux conceptions du monde. Le premier est aussi pro-européen que le second est atlantiste. Le Belge est un idéaliste forcené de l'intégration alors que le Portugais un pragmatique. Ce fut ensuite une question personnelle: sur le point d'être nommé président de la Commission européenne en 2004, Verhofstdat, se voit coiffer sur le poteau par Barroso, plus consensuel et plus acceptable pour les Britanniques.
Durant cinq ans, l'ex-premier ministre belge ne cache pas son mépris pour l'ex-premier portugais, dénonçant sa frilosité. Il cultive sa propre image de shadow-président de la Commission, notamment lors d'un discours très applaudi au Parlement européen. Il publie "Les Etats-Unis d'Europe", puis "Sortir de la crise: Comment l'Europe peut sauver le monde", deux plaidoyers pour des actionss communautaires très ambitieuses, aux antipodes des politiques prudentes de Barroso. En juin dernier, il se fait élire au Parlement européen sur ces thèmes, avant de devenir le chef du groupe libéral.
Dès le départ, il est conscient que son opposition frontale à Barroso n'est pas tenable: les libéraux de Verhofstadt et les conservateurs de Barroso sont en effet deux alliés naturels, au centre-droit de l'échiquier politique européen. Il amorce alors un virage en douceur, histoire de sauver l'honneur. Avant l'été, il tente encore de faire croire à son intransigeance. Il exige le report du vote d'investiture de Barroso, normalement prévu en juillet, et pose ses conditions. Parmi celles-ci, la création d'un poste de commissaire aux droits de l'homme, la régulation de la finance et, surtout, un nouveau plan de relance pour l'économie européenne.
L'idée est la sienne, pas celle de son groupe, par nature opposé à un rôle trop important de l'Etat. Pendant la campagne, Verhofstadt avait plaidé pour un euro-endettement à concurrence de 1.000 milliards d'euros (rien que ça!), afin d'investir les montants dans la transformation de l'économie. Il y a quelques mois à peine, de tels investissements avaient encore le vent en poupe - défendus notamment par le prix Nobel d'économie, Paul Krugman. Mais le vent tourne rapidement. Au moment de formuler ses conditions à Barroso, fin juin, Verhofstadt sait déjà que la rentrée sera toute à la rigueur budgétaire. Il sait aussi qu'on oublie beaucoup durant l'été. En septembre, personne ne se souviendrait de ses idées des relance.
Et c'est ce qui se produit. Les Européens cherchent désormais à remettre leurs finances publiques en ordre. Pour permettre à Verhofstadt de sauver la face et aux libéraux de l'approuver, Barroso accepte l'idée d'un commissaire aux droits de l'homme - une cacahuète. La régulation des marchés financiers était acquise en tout état de cause. Le plan de relance passe aux oubliettes.
Demain, Barroso obtiendra la confiance du Parlement européen, avec le soutien des libéraux. Les socialistes, qui voteront contre, n'ont pas manqué d'épingler cette volte-face. "Les libéraux ont changé leur fusil d'épaule. Ils se voulaient tigres, les voilà carpettes!", a ironisé leur chef, Martin Schulz.

Colonel Moutarde

Désert des Tartares au MR

Lundi passé, pas plus que les autres fois, le MR n'a connu le putsch que la presse annonce régulièrement. Bart Somers, assommé par la défaite de son parti aux élections de juin (la deuxième, il faut dire), a tiré sa révérence. Reynders, en revanche, s'accroche. Malgré son rôle dans le Fortisgate, il est resté ministre des Finances. Son échec aux législatives quelques mois plus tard ne l'a pas plus incité à “faire un pas de côté” et quitter la présidence du MR.

En coulisses, dit-on, c'est la guerre de tranchées chez les Réformateurs. Le clan Michel s'active et envoie ses fantassins au casse-pipe, se réservant sans doute pour l'estocade finale. Jean-Paul Wahl et Jacqueline Galant n'y vont pas par quatre chemins pour dire ce qu'il pense de l'attitude de Reynders, de même que Gérard Deprez ou Christine Defraigne et, plus récemment mais en coulisses, Willy Borsus. Pourtant, le président-imperator tient bon. Certes, il a dû brûler des vaisseaux pour éviter la révolution de palais: avant les vacances, il a donné le poste de chef de groupe au parlement wallon à Borsus et celui de chef de groupe au parlement bruxellois à Didier Gosuin, le FDF qui a sérieusement contribué au fiasco de l'opération Aernoudt.

Mais les opposants ne parviennent pas à trouver une majorité face à Reynders et à sa garde rapprochée (Jeholet, Crucke, Cornet, De Decker, Bacquelaine, Maingain, Clerfayt, Monfils, Miller, etc.) plus vigilante et soudée que jamais. Pourquoi? Les raisons sont sans doute multiples: Reynders incarne une ligne libéralo-sarkozyenne qui plaît au sein du parti et dans un certain électorat, les opposants semblent ne pas trop savoir ce qu'ils veulent et comment s'y prendre, les Michel n'osent pas sortir, ...

Le problème, c'est peut-être aussi les Michel. La direction de Louis n'a pas laissé que des bons souvenirs: la ligne politique était erratique, les têtes volaient (Simonet, Séverin, Miller, etc.), la gestion de la ministre-présidence bruxelloise a été un désastre et, à croire certains mandataires, les parlementaires étaient priés de ne rien faire pour ne pas déranger Louis et de se laisser engueuler quand ça lui prenait. Et puis, le népotisme familial n'a pas fait que des heureux, ce dont témoigne l'échec de la candidature de Charles à la présidence du MR en 2004.

Reynders, réélu il y a à peine un an à la tête du MR, n'est pas prêt à quitter la présidence du MR. Il a même indiqué que s'il devait choisir entre le ministère des Finances et le MR, il prendrait... le MR. Jusqu'à une nouvelle défaite électorale ou un renvoi dans l'opposition au fédéral parce qu'il serait toujours fâché avec Di Rupo et Milquet. A moins qu'à l'issue du grand congrès doctrinal du printemps, il annonce une grande décision, histoire de montrer que personne ne lui dictera sa conduite.


Mexicano

lundi 14 septembre 2009

Le putsch de Didier Reynders

C'est un véritable coup d'Etat qui vient de se dérouler au Mouvement Réformateur (MR). Sérieusement mis en cause à l'intérieur du parti, le président Didier Reynders a repris la main ce lundi en prenant ses adversaires par suprise, avec la maestria d'un Nasser nationalisant le canal de Suez.
La motion de la petite composante MCC, qui a réclamé ce week-end l’organisation immédiate d’une élection présidentielle, a servi de prétexte. Didier Reynders a frappé vite, il a frappé fort. Profitant de réunions du parti auxquelles ne participaient ni Louis Michel (en déplacement à Strasbourg), ni Charles Michel (au Congo), il s'est promptement fait reconfirmer à la présidence. A l'"unanimité", a-t-il déclaré aux médias. En réalité, la décision a été prise par consensus, sans vote, ont maugréé quelques récalcitrants impuissants. Qu'à cela ne tienne: Didier Reynders est désormais bien arrimé à la tête du MR – et il deviendra très difficile pour le clan Michel, qui n'a même pas encore osé afficher publiquement son opposition, de renverser la tendance. Pas sûr en tout cas que ce mini-putsch suffise pour calmer les tensions...
Une reconfiguration logique du paysage politique belge verrait la scission du MR: les partisans du libéralisme social michelien d'un côté, les tenants du libéralisme pur et dur à la Reynders de l'autre. Dans ce scénario, ces derniers fusionneraient avec le nouveau Parti populaire (PP) de Mischaël Modrikamen. Mais il est peu probable que messieurs Modrikamen et Reynders, ennemis jurés sur le dossier Fortis, envisagent un jour de former une alliance.

Colonel Moutarde

It's Time to Move

"It's Time to Move" est le nom d'un programme exécuté à France Telecom qui conduit une partie des cadres de l'entreprise à devoir changer d'affectation tous les trois ans et qui selon les syndicats, cités par le quotidien Libération du 14 septembre, est vécu comme un programe de "désocialisation humaine" inspiré de l'armée pour éviter qu les managers ne se lient trop à leur équipe, et s'opposent aux réductions d'effectif ou aux fermetures de sites.
Vingt-trois suicides et treize tentatives de suicide à France Telecom depuis février 2008. Exceptionnel mais tellement symptomatique d'une évolution du monde du travail devenu bouilloire sous pression.
It's Time to Move et pourtant rien ne bouge. Un an après avoir éclaté, la crise financière est terminée, chacun s'en est retourné à ses petites pratiques. La crise sociale, elle, ne fait que débuter. Les dégâts sont immenses pour ceux qui ont perdu ou qui s'apprêtent à perdre leur emploi. "On ne se voyait pas comme ça. Peut-être pas comme au cinéma. Mais quand même un peu plus beau et surtout un peu plus fier", chante Miossec sur son dernier album. Avant d'enchaîner, comme dans un terrible écho à ce qui se passe à France Telecom. "Je n'en peux plus de cette vie-là. Je craquerai avant la fin du mois".

Durum

Ces parlementaires défrayés anachroniques

On a beaucoup épilogué ces derniers jours à propos des indemnités de sortie de l'ancien président du Parlement wallon, José Happart (PS), qui, au crépuscule d'une longue carrière de parlementaire, s'en va sans se soucier du lendemain, lui qui, durant les 48 prochains mois pourra compter sur des émoluments qui, en vertu des règles applicables à tous, atteindront d'ici quatre ans la coquette somme de 513.000 euros brut.
Qu'un parlementaire puisse en sortie de charge toucher des indemnités de départ n'a dans l'absolu rien de choquant, sachant, qui plus est, qu'il n'a pas droit au chômage. C'est même plutôt une bonne chose si on veut garantir l'indépendance des élus, en qui les citoyens placent toute leur confiance, attendant de leurs parlementaires qu'ils veillent, entre autres choses, à l'élaboration d'un cadre législatif le plus juste et le plus en adéquation avec la société qu'ils sont censés incarner.
En revanche, ce qui motive le versement d'indemnités complémentaires (et plantureuses et peu transparentes) à ceux qui ont exercé des fonctions spéciales comme président d'assemblée ne saute pas directement aux yeux. L'entrée en politique doit rester un engagement, elle ne peut déboucher sur un espace de privilèges au risque de provoquer une césure avec la population que les élus sont censés représenter.
Ces indemnités spéciales octroyées aux présidents d'assemblée se justifient d'autant moins qu'à la lecture de leurs déclarations de mandats, il est permis de douter de l'indépendance qu'on attend d'eux. Or, appelés à organiser les débats avec réserve, et le cas échéant, arbitrer les différends qui peuvent se faire jour, lors, par exemple, de la mise à l'ordre du jour de textes de loi, les présidents d'assemblée sont quelque part soumis à un devoir de neutralité. Pourtant, à l'exception de l'ancienne présidente de la FEF aujourd'hui assise au perchoir du Parlement wallon Emily Hoyos (Ecolo), qui déclare sur le site du Parlement wallon ne détenir aucun autre mandat, tous les présidents d'assemblées en fonction cumulent, parfois grassement. Si à Bruxelles, Françoise Dupuis (PS) se limite à être conseillère communale à Uccle, mandataire dans sa zone de police et membre d'une asbl de prévention, certains parmi ses homologues font dans le cumul foisonnant. Bourgmestre de Sambreville, le président du Parlement de la Communauté française Jean-Charles Luperto (PS) dispose en outre de quatre mandats rémunérés dans des intercommunales et au TEC Namur-Luxembourg. Au Sénat, le président Armand De Decker (MR), bourgmestre d'Uccle, est en outre administrateur d'UCB (67.500 euros par an hors jetons de présence). Il dispose également d'une série d'autres mandats non rémunérés, notamment chez Touring, lobby de l'automobile. Président du Conseil communal de Tongres, le président de la Chambre Patrick Dewael (Open Vld), fait dans la sobriété avec deux autres mandats non rémunérés. En Flandre, Jan Peumans (N-VA), président du Parlement flamand est échevin à Riemst. Il dispose de sept autres mandats dont un rémunéré.
On sait que l'homme aux 513.000 euros, José H. cumulait sa fonction avec celle de président de l'aéroport de Liège, un mandat qu'il détient toujours.
M. Happart, pourra par ailleurs continuer à bénéficier en sortie de charge de trois personnes mises à sa disposition par le Parlement wallon dont un chauffeur. Motif? M. Happart continuera à être invité à gauche et à droite en tant que président honoraire du Parlement wallon. Est-ce mettre la démocratie en danger que de renoncer à un pousse-pousse-boudin-compote? Sacrifier un tel acquis social ou légal ne fera pas vaciller l'Etat. A moins que les statistiques de la sécurité routière ne vinssent à s'en ressentir.
Au-delà de la problématique des présidents d'assemblée, il est prégnant de constater que le cumul est un sport fort répandu. Si dans l'absolu, la règle de l'indemnité de départ des parlementaires se justifie pleinement, la politique du cumul parfois grassement rémunéré rend cette règle fort peu cohérente aux yeux de l'opinion publique. Loin de moi l'idée de plaider en faveur d'un parlement aseptisé qui lui aussi ne ferait qu'accroître le fossé qui le sépare de la population. Cumuler une fonction de parlementaire avec un poste de bourgmestre d'une commune de petite taille ou de taille moyenne par exemple peut se justifier. Continuer à exercer une profession peut participer à l'enrichissement des débats parlementaires. Ou alors faudrait-il l'interdire et n'autoriser que des mandats courts de parlementaire (4, 5 ou 8 ans?), c'est une autre piste. Quoi qu'il en soit, les citoyens sont en droit d'attendre d'être représentés tels qu'ils sont, dans leur diversité. Les "élus de la nation" ne peuvent privilégier ou donner le sentiment de privilégier l'intérêt particulier, fut-il privé, particratique ou institutionnel. Et cela, seuls des gages d'indépendance pourront le garantir.

Durum

mercredi 9 septembre 2009

L'étrange malédiction d'Yves Leterme

Quand, en 1968, Andy Warhol prédisait à chacun 15 minutes de gloire, il ne pensait sans doute pas que sa prophétie s'appliquerait, de façon étrange, à un politicien belge répondant au nom d'Yves Leterme. L'homme s'est retrouvé sous les feux des projecteurs le soir du 10 juin 2007, après avoir recueilli 800.000 voix aux élections législatives, une victoire quasiment sans précédent qui laissait augurer le meilleur pour sa carrière politique.


Mais une fois passé cet instant au sommet sa vie politique s'est apparentée à une longue descente aux enfers. On ne reviendra pas sur les nombreux couacs qui ont émaillé son parcours de Premier ministre - déjà largement commentés. Plutôt sur cette poisse qui semble le poursuivre dans ses nouvelles fonctions. En devenant ministre des Affaires étrangères, Yves Leterme pensait sans doute mettre derrière lui les pages les plus sombres de sa carrière. Il nourrissait peut-être même l'ambition de reprendre à Herman Van Rompuy cette fonction de Premier ministre qui lui avait été si injustement ravie. C'était sans compter sur des relations pour le moins houleuses avec les médias, qui menacent de ternir son image pour de bon. Ce n'est pas un secret: l'homme n'est pas en bons termes avec la presse. Depuis qu'elle l'a rendu ridicule en lui faisant chanter la Marseillaise en la place de la Brabançonne, il voue à la RTBF un mépris profond, osant même une comparaison controversée avec Radio Mille Collines. Plus généralement, il méprise ces journalistes qui lui ont façonné une image d'autiste incapable de mener un gouvernement.
En arrivant à la rue des Petits Carmes, Yves Leterme était bien décidé à reprendre le contrôle de son image, histoire de se tailler un costume d'homme d'Etat. Mais à l'image des efforts de Nicolas Sarkozy, sa stratégie est en passe de dérailler. Il prépare méticuleusement un premier déplacement au Vietnam ? Het Laatste Nieuws raille le chapeau que ses hôtes l'invitent à porter pour l'occasion.


Surtout, en snobant un journaliste du Knack, pas invité à participer au voyage, il se prend une réponse cinglante de l'hebdomadaire. "A-t-on jamais vu cela ? Ces voyages ministériels sont payés avec de l’argent du contribuable et ce n’est donc pas à un ministre fortuit de déterminer que seuls les journalistes qui lui sont bien intentionnés peuvent en profiter! Ça ne se passe même pas comme ça en Lybie, mais bien en Belgique…". Sans compter que Knack révèle que le ministre aurait envoyé "une flopée de sms pour le moins chauds qui ont été envoyés à une journaliste de la RTBF".

Pour la rentrée, Yves convoque, tout au long d'une semaine, quasiment tous les journalistes politiques du Royaume pour une série d'entretiens sur sa politique. Le Morgen en profite pour briser le caractère off-the-record des entrevues et balance un article embarrassant sur le dossier sensible de l'approfondissement de l'Escaut.
Le week-end dernier, l'homme est en déplacement à Stockholm pour une réunion européenne. C'est au tour du Soir de se payer sa tête dans un article plutôt moqueur, qui épingle sa "prudence quasiment maladive" et ses "lacunes" dans la connaissance des affaires étrangères.
Ce matin encore, le Morgen égratigne sa décision de décrocher des murs de son cabinet 28 photos de Stephan Vanfleteren acquise par son précécesseur.
Pas de quoi faire tomber un ministre, certes. Mais il ne se passe pas un jour sans une anicroche entre Leterme et les médias. Au cabinet et à l'administration des Affaires étrangères, on affiche un certain dépit face à ces journalistes tellement irrespectueux. On commence aussi à se demander quelle est l'étrange malédiction qui frappe "Monsieur 800.000 voix" - dont il est fort à douter qu'il puisse un jour accéder à nouveau aux sommets atteints le 10 juin 2007.

Colonel Moutarde

mardi 8 septembre 2009

Le petit Nicolas et l'auto-censure

Nicolas Sarkozy est-il obsédé par son image ? Ou les médias versent-ils dans une dangereuse auto-censure quand il s'agit de sa personne ? On se souvient de l'histoire des bourrelets, obséquieusement gommés par Paris Match, hebdo détenu par Arnaud Lagardère, un proche du président français. La comparaison entre les deux versions avait fait les délices du web.



Cette semaine, un reportage de la RTBF en a remis une couche. Une ouvrière apparaissant dans un reportage sur la visite d'une usine par M. Sarkozy y révèle, face-caméra, avoir été sélectionnée pour sa petite taille, de manière qu'elle ne dépasse pas l'hyper-président.Le service de presse de l'Elysée a formellement démenti toute manipulation. “Grotesque ! Absurde ! “ s'est indigné le conseiller presse de Nicolas Sarkozy.

Absurde, vraiment ? Les éléments laissant penser que Nicolas a un petit complexe de taille sont pourtant troublants. Quant aux médias, ils donnent effectivement dans le révérencieux. A charge, ajoutons au dossier la photo suivante, qui le montre aux côtés de l'ancien Premier ministre tchèque Mirek Topolanek.

L'homme culmine à près de deux mètres, mais cette photo, la seule publiée dans les journaux français après leur entretien, ne suggère pas vraiment qu'il dépasse le petit Nicolas de la tête et des épaules. Et pour cause, il se tient deux marches plus bas ! La presse tchèque, elle, n'a pas manqué de publier un cadrage plus proche de la réalité...


Colonel Moutarde

mercredi 2 septembre 2009

Le retour étonnant de la taxe Tobin

C’est le retour le plus surprenant de la rentrée. La taxe Tobin sur les opérations boursières, en laquelle ne semblaient plus croire qu’une poignée d’alter-mondialistes idéalistes, est désormais envisagée le plus sérieusement du monde par quelques pontes de la finance.

C’est Adair Turner qui a ouvert le bal. L’homme dirige la FSA, l’autorité britannique des marchés financiers, un poste clé dans un pays où la finance pèse lourdement dans l’économie. Dans un entretien avec le magazine Prospect, il préconise d’augmenter les exigences de capitalisation des banques. Et "si les exigences de capitaux supplémentaires sont insuffisantes, je serais heureux d’envisager des taxes sur les transactions financières, des taxes Tobin". L’homme a reçu un soutien franc d’Attac. En Belgique, le ministre des Finances Didier Reynders a embrayé. Il se dit "favorable à une taxation des opérations financières"."Ces activités ont quand même entraîné la crise... N'y a-t-il pas moyen d'imaginer un prélèvement des Etats ? Le faire au niveau de la Belgique, cela n'a pas beaucoup de sens. Mais je vois que l'autorité de marché britannique commence à en parler ". On croit rêver. Seuls les imbéciles, il est vrai, ne changent pas d’avis. Rappelons que l’idée d’une taxe Tobin a été approuvée par le parlement belge en juillet 2004 après de multiples obstructions de la part des élus du MR, qui se sont finalement abstenus. La loi prévoit toutefois que la taxe ne sera appliquée que si tous les pays de la zone euro adoptent un texte similaire. M. Reynders lui-même affirmait à l’époque ne pas croire un instant que les prélèvements entreraient en vigueur.

Colonel Moutarde