mercredi 14 juillet 2010

La tempête du 13 juin menace de déracine l'Olivier

Certes, la discrétion est de mise mais la répétition du cauchemar de 2007 semble pointer le bout de son nez. Après trois semaines, l'informateur Bart De Wever a identifié des convergences entre des partis... non identifiés et a recommandé de ne surtout pas commencer à négocier maintenant, sous peine de conséquences "inimaginables" en cas d'échec. Ca sonne comme un aveu d'impuissance devant une tâche que l'on annonce pourtant cruciale pour l'avenir du pays. Elio Di Rupo a pris le relais (sans doute un classeur avec deux ou trois feuilles, en ce compris la page de garde) pour mener une mission de "préformation"... soit quelque chose qui ne veut rien dire. C'est dire si l'on n'est pas très loin... et peut-être moins loin qu'en 2007. Il y a trois ans, une certitude sortait des urnes: l'orange bleue, que le radicalisme de la N-VA, la volonté inébranlable de Joëlle Milquet de ramener le PS dans le jeu et le très piètre talent de négociateur du très surfait Didier Reynders ont envoyé dans les orties. Les discussions actuelles paraissent se trouver à un stade encore moins avancé: on se demande toujours avec qui on va négocier. Si les partis de la majorité en Communauté flamande sont décidés reproduire leur coalition au fédéral (CD&V, N-VA, sp.a), les partis de l'Olivier francophone sont eux dans la panade. Planter l'Olivier au fédéral offrirait la solution la plus adéquate mais il y a un hic: Groen!. Ecolo, qui a perdu un tiers de son électorat entre juin 2009 et juin 2010, craint comme la peste de revivre le calvaire de l'Arc-en-ciel, et ne souhaite pas se retrouver au pouvoir sans son alter ego flamand, dont la N-VA ne veut pas. A quatre dans une majorité côté flamand, ce n'est pas commode et en plus, ça fait pencher le balancier encore un peu plus à gauche, trop pour des nationalistes flamands pour le moins conservateurs. Ecolo cherche un prétexte, affirment certains. C'est possible. Peut-être veut-il faire monter les enchères comme en 2009 pour obtenir le maximum. Toujours est-il que ce jeu n'est pas du goût d'Elio qui la semaine passée a menacé purement et simplent d'éjecter les Verts de tous les niveaux de pouvoir s'ils continuaient leur cirque. "Choquant", jugent certains écologistes. "Coup de bluff", répondent d'autres. Peut-être, mais c'est dire à quel point la situation est tendue en coulisses: qui aurait imaginé le PS prêt à torpiller comme ça l'Olivier, présenté il y a peu encore comme la majorité idéale? Et pour faire quoi? Ramener le MR à tous les niveaux? L'intéressé ne demanderait pas mieux mais comment vendre ça à l'opinion et surtout faire face à des écologistes dont la posture de martyr décuplera le talent d'opposition? Si Ecolo persiste à refuser, il reste deux hypothèses: le MR reste dans la majorité au fédéral et dans l'opposition en Régions et Communauté. Reynders signe des deux mains mais pas l'autre bord de plus en plus peuplé. Un: Michel, Borsus et d'autres en ont leur claque d'être un pied dedans et un pied dehors. Deux: pas question pour les mêmes de sauver Reynders. Ou alors Ecolo soutient une réforme de l'Etat de l'extérieur... Jouable mais PS et cdH tous seuls ressembleront un peu au CD&V et à l'Open Vld sous la législature précédente et on souhaite bien du plaisir à Ecolo dans les Régions et à la Communauté française. Le risque est grand que socialistes et centristes ne passent plus rien du tout à ces écologistes devant qui ils ont dû s'aplatir il y a à peine un an.

Mexicano

mardi 8 juin 2010

Demain, nous serons riches et nous ne paierons plus d’impôt (air connu)

C’est la campagne ! C’est le printemps ! Un peu partout bourgeonnent les têtes béates des candidats et leurs promesses de jours meilleurs. Au grand jeu de la surenchère, les partis ne font pas preuve d’une inventivité exceptionnelle. A gauche, on versera plus d’allocations, à droite, on taxera moins.
Le contexte budgétaire européen est absent des débats. La Belgique s’est engagée à économiser une vingtaine de milliards d’euros pour revenir à l’équilibre en 2015, mais en campagne électorale, il y a certaines vérités qu’il vaut mieux taire, du moins dans l’esprit des francophones.
Ainsi, PS et cdH promettent une revalorisation de la pension minimale, évoquant tous les deux un montant de 1.150 euros aussi bien pour les indépendants que les salariés. A l’heure actuelle, la pension minimale d’un ancien indépendant après 30 ans de carrière est d’à peine 850 euros. Les deux partis sont nettement plus vagues en ce qui concerne le financement de leurs promesses. On taxera les grands méchants spéculateurs, assurent-ils, mais ne donnent aucune précision sur la manière dont ils entendent prélever un impôt sur des capitaux très mobiles. Contrairement à Ecolo et au PTB, ils ne pipent mot d’un éventuel impôt sur la fortune, tel qu’il existe en France. Les deux partis jouent pourtant la carte du réalisme. Le PS asure parler "sans langue de bois, sans promesse intenable". Joëlle Milquet dit ne pas être de ceux qui promettent que "demain, on rase gratis".
Du côté du MR, on joue la vieille rengaine poujadiste du "trop d’impôts"...

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mardi 25 mai 2010

Murdoch et le pari de la presse payante en ligne

A n’en pas douter, Rupert Murdoch est un sale type. Ce magnat australien des médias se fiche éperdument de l’indépendance des rédactions dans les journaux qu’ils rachète : il vire les récalcitrants et impose sa ligne politique, souvent en fonction de ses propres intérêts d’affaire.
Ainsi, quand, dans les années 1960, il acquiert son premier titre,...

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jeudi 13 mai 2010

Réflexion sur la financiarisation de l'économie

Pourquoi les traders gagnent-ils des sommes inversement proportionnelles à leur utilité sociale ? C'est sans doute une façon pour eux de se rémunérer en nature. De la même manière que le fromager ramène le soir un bon morceau de roquefort, le trader rentre chez lui avec quelques millions. Que représentent, doit-il penser, ces infimes millions en comparaison des milliards que j'ai échangés aujourd'hui ? Chez les traders, un paiement en nature serait ainsi, curieusement, un paiement cash.
C'est en vertu de la même logique, sans doute, que les salaires sont généralement plus élevés dans le secteur financier que dans les autres branches de l'économie. Puisque l'argent y abonde, n'est-il pas logique de se sucrer un peu au passage ?
Avoir pour métier de brasser de l'argent ne justifie pourtant pas d'en gagner beaucoup. Pour contourner cet argument moral, un camarade employé de banque me donnait récemment une autre justification: puisque je travaille pour une entreprise privée dont l'unique objectif est le profit, je n'ai aucun scrupule à exiger de mes employeurs des augmentations substantielles.
La proximité du pot de confiture et l'appât du gain généralisé: voilà donc deux facteurs importants pour comprendre les montants faramineux versés aux traders et dans le secteur financier. Cette tendance serait anecdotique - après tout, d'autres catégories sociales gagnent aussi des salaires exorbitants - si cela n'était pas symptomatique d'une certaine déliquescence de l'économie, voire de la société occidentale.
Elle est d'abord symptomatique d'une surabondance de monnaie, d'une ère d'argent facile, issue des taux d'intérêts très faibles pratiqués aussi bien par la BCE que par la Fed depuis des années, mais aussi des politiques budgétaires laxistes que s'autorise la classe politique euro-américaine.
Elle est surtout le signe d'une emprise inquiétante de la sphère financière sur le reste de l'économie. La cupidité des spéculateurs n'est pas un phénomène nouveau, mais elle s'est accrue au cours des dernières années, au fur et à mesure que l'économie était gorgée de liquidités, et au fur et à mesure que se répandait le mythe de l'argent facile - jusque chez les petits épargnants. Les occidentaux ont cru qu'ils pouvaient devenir des rentiers, laisser leur argent travailler à leur place. Ils ont cru stupidement la bourse monte toujours. Ils ont pensé naïvement que l'on peut exiger des rendements en deux chiffres, sans se préoccuper des conséquences. Cruelle déception pour les détenteurs d'actions financières en 2008, pour ceux qui avaient voulu grapiller quelques pourcents avec un compte Kaupthing!
Que dire des fonds de pension, présentés depuis des années comme l'une des solutions privilégiées au vieillissement de la population ? Non seulement font-ils peser sur les travailleurs la nécessité de rendements toujours plus importants, mais leur efficacité elle-même peut être mise en doute, à l'heure où les bourses sont devenues tellement volatiles.
Mais plus que les petits épargnants et les pensionnés, ce sont les fameux "marchés financiers" qui pèsent lourdement sur l'économie. Ces "spéculateurs" dont on ne connait ni le visage, ni le nom, uniquement tournés vers le gain à court-terme, quels que soient les dégâts pour la société. "Après moi, le déluge" semble être leur leitmotiv. Alors que l'utilité de la Bourse elle-même est sujette à caution (lire cet article du Monde diplomatique), comment accepter qu'aujourd'hui, près de la moitié des transactions soient le fait d'ordinateurs programmés pour réaliser des milliers de petits gains (voir ici) ? Comment ne pas dénoncer le poids de ces transactions sur la dette publique ? Comment ne pas s'indigner des collusions douteuses entre institutions financières, comme dans l'affaire Goldman Sachs ? Comment ne pas mettre en doute l'objectivité des agences de notation ? Bref, comment ne pas remettre en cause la grave dérive globale du système capitaliste ?
Les politiques ont commencé à répondre à ces questions, mais ils restent encore bien trop timorés face à des forces qui menacent les fondements de l'économie sociale de marché.

Colonel Moutarde

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mardi 4 mai 2010

Zone euro: Le pari des cupides

Après la Grèce, l'Espagne. Les spéculateurs de la City et de Wall Street en sont convaincus: l'un de ces pays qu'ils qualifient de cochons (les PIGS, Portugal, Ireland, Greece, Spain) finira bien par craquer. La Grèce est à l'abri - provisoirement. Avec 110 milliards d'euros de prêts publics promis sur les trois prochaines années, elle pourra honorer ses échéances à court-terme. Une première défaite pour tous ceux qui, ces dernières semaines, avaient misé sur un défaut en achetant des credit default swaps, ces espèces d'assurances sur dette. Mais ils n'en resteront pas là, comme l'explique crûment le prix Nobel d'économie, Joseph Stigliz (voir ici)

Quand on aura vu à quel point il a été difficile à l'Europe d'adopter une position commune pour aider un des plus petits pays, on réalisera que si un pays un peu plus grand a des difficultés, il est probable que l'Europe aura encore plus de mal à se mettre d'accord. Donc je pense que l'espoir que cette aide nuira aux pressions spéculatives est probablement infondé: ça peut marcher pendant quelque temps, mais à long terme, tant que les problèmes institutionnels fondamentaux seront là, les spéculateurs sauront qu'ils existent, et au fur et à mesure que les faiblesses de l'Europe s'aggraveront je pense qu'ils s'en donneront à coeur joie.

Comme nombre d'autres observateurs américains, Joseph Stiglitz ne croit pas trop en l'euro. Le raisonnement est simple: les pays membres ont décidé de confier à une banque centrale indépendante le soin de gérer une politique monétaire unique, mais ils continuent de gérer eux-mêmes leur politique budgétaire et économique. Du coup, certains pays s'endettent, tandis que les autres accumulent des excédents. Les uns importent, les autres exportent. C'est un peu la cigale et la fourmi dans l'euroland. Pendant que la Grèce mentait sur ses statistiques budgétaires, l'Allemagne proscrivait les déficits jusque dans sa Constitution. Pendant que des Grecs prodigues vivaient au crochet de l'Etat, des Allemands disciplinés acceptaient la modération salariale. La Commission européenne était censée veiller à la cohésion de l'ensemble, mais, avec ses prérogatives limitées, elle n'a pas empêché la crise - qu'elle n'a d'ailleurs pas vu venir. En résultent aujourd'hui des tensions ingérables. Dans l'impossibilité de dévaluer sa monnaie, la Grèce est forcée d'appeler à l'aide. Si davantage de pays se retrouvent dans la même situation, ce sera la fin de l'euro.
C'est le scénario sur lequel misent nombre d'investisseurs, sur les traces de George Soros, ce spéculateur américain qui, au début des années 1990, a fait fortune en forçant la Banque d'Angleterre à dévaluer la livre sterling. Ici aussi, le raisonnement est simple: il a fallu des pressions intenses sur l'Allemagne et l'apport de pays eux-mêmes en grande détresse budgétaire pour bricoler l'aide à la Grèce. Ce frêle esquif ne supportera sans doute pas la prochaine attaque contre un PIG. Peu importe si l'Espagne est assez faiblement endettée (53% du PIB, moins de 20 points sous la moyenne de la zone euro), les investisseurs connaissent sans doute l'une ou l'autre faiblesse. En misant sur un défaut, ils poussent à la hausse les taux d'intérêts auxquels elle doit emprunter, enclenchant ainsi le même cercle vicieux que celui dont la Grèce a été la victime. Eux gagnent sur tous les front (voir une explication ici).
C'est un pari. Un très, très gros pari. C'est surtout un bras-de-fer entre les pouvoirs publics et les intérêts privés. Intérêts privés qui imposent aux Etats leur rythme frénétique, sans égard pour le temps des procédures démocratiques. Intérêts privés qui exigent des Etats des taux exorbitants. De l'avis de nombre d'experts, si la spéculation ne se calme pas, des dizaines de milliards seront encore nécessaires. Dans les capitales, il faudra alors garder la tête froide et le sens de l'Etat. Tout l'opposé de l'image qu'a donné Angela Merkel ces dernières semaines (voir
ici). Car au pari des cupides, il faudra bien opposer le pari de la solidarité. Et faire avaler aux Allemands, qui ont accepté sans broncher des réformes douloureuses (comme la fameuse loi Hartz IV), qu'ils doivent encore se montrer solidaires avec ceux qui ont vécu au-dessus de leurs moyens.

C'est sans doute à ce prix qu'on évitera la faillite d'un Etat, équivalent public de celle de Lehman Brothers, possible prémisse à un éclatement de la zone euro. Les dirigeants européens ne peuvent pas laisser gagner les spéculateurs, les véritables cochons dans cette affaire. Abandonner l'euro, meilleur symbole de la construction européenne, serait un renoncement intolérable.

Colonel Moutarde


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dimanche 25 avril 2010

BHV: de Joseph II à Leterme et Maingain en passant par Napoléon, des dizaines de millions de minutes (manquées) de courage politique

Depuis la politique centralisatrice de l'Empereur Joseph II qui suscita la révolution brabançonne et la création éphémère d'Etats belgiques Unis au sein des Pays Bas autrichiens en 1790, depuis la création voulue par l'Angleterre du Royaume-Uni des Pays-Bas, en 1815 et de la Belgique en 1830, pour contrer les velléités conquérantes de la France sur l'Europe, depuis l'échec de la politique de l'aristocratie francophile bruxelloise qui ne percevant pas l'inéluctabilité de l'émancipation flamande lui a refusé le bilinguisme, depuis que la Flandre a décidé de prendre en main son destin en imposant une frontière linguistique censée protéger son identité, on peut s'interroger sur les responsabilités politiques dans la crise BHV dont la dramatisation va crescendo, un bel exemple étant la prise de possession, durant la vacance du pouvoir, par le Vlaams Belang de l'hémicycle de la Chambre pour y entonner le Vlaamse Leeuw et y "proclamer" l'indépendance de la Flandre.
En amont de cette dramatisation, les partis politiques passent l'essentiel de leur temps à calculer leur intérêt propre, ce qui ne témoigne pas d'une très grande hauteur en termes de gestion de l'Etat mais qui est compréhensible vu que pour arriver à ses fins un parti se doit quand même de gagner des élections. Le VLD a décidé de rompre avec sa ligne libertaire et prône un libéralisme flamand, BHV méritant qu'on y mette le feu. Soit il gagne un accord et on se souviendra de lui comme l'élément déclencheur de cet accord, soit on vote et il sera vu comme le parti qui a dénoncé l'attentisme francophone. Dans le meilleur des cas, il se défend bien aux élections, sinon il se refait une santé dans l'opposition. De l'autre côté, le FDF n'acceptera jamais un accord qui sacrifiera son électorat de la périphérie. Du coup, le MR suit, son président Didier Reynders jouant sa place à la tête de sa formation. Après avoir provoqué la crise de 2007 dont il assume la responsabilité politique, le CD&V du premier ministre Yves Leterme qui avait estimé qu'il fallait 5 minutes de courage politique pour scinder BHV, est revenu à un rôle de gestionnaire de l'Etat qui le rapproche du PS. Ce dernier parti n'est pas foncièrement opposé à la scission de BHV qui égratignerait son concurrent réformateur. Le PS est cependant tout aussi responsable de la crise actuelle car il n'ose pas défendre son point de vue, ne sachant pas comment il sera perçu en francophonie. Scotché au PS, le cdH joue la girouette car il possède, dans une moindre mesure que le MR, un électorat en périphérie. Sur la ligne flamande, le sp.a est au balcon. Quant aux Verts, n'ayant pas de vécu historique dans l'évolution politique de la Belgique, ils sont moins concernés. Ils tentent de jouer la carte de la cordialité mais Ecolo et Groen! sont également divisés sur les questions communautaires.
En attendant, chaque parti se refile le valet puant. Nommé médiateur par le roi, Didier Reynders vient d'en hériter, au grand plaisir des partis flamands, du PS, du cdH, voire des Verts. La seule chance pour le président du MR de s'en sortir est de dompter le FDF. Il sera alors considéré comme un homme d'Etat et son étoile brillera à nouveau. Mais il ne prendra pas ce risque sans avoir l'assurance d'embarquer dans la prochaine majorité.
L'histoire dira ce que deviendront BHV et la Belgique. Qu'elle évolue vers une confédération, qu'elle se scinde, que la Wallonie et Bruxelles se rattachent à la France, ou que d'autres scénarios l'emportent, finalement peu importe. Ce qui compte c'est que triomphe le sens de l'Etat. Or, au-delà de notre nombril, c'est la démocratie qui est en crise, mondialisation oblige. La Belgique est un laboratoire. C'est la raison pour laquelle elle attise la curiosité des observateurs internationaux.

Durum

jeudi 1 avril 2010

L'initiative citoyenne européenne, une fausse bonne idée

En rédigeant un projet de Constitution pour l'Europe, les membres de la Convention de Valéry Giscard ont eu cette illumination: on permettrait à un million de citoyens européens de forcer la Commission à se saisir d'une question et, éventuellement, de présenter une proposition législative. Cette "initiative citoyenne européenne" (déjà affublée de son acronyme ICE) a été reprise dans le traité de Lisbonne, qu'elle a même permis de vendre plus facilement aux opinions publiques réticentes. Pensez: un soupçon de démocratie directe dans une Europe en déficit démocratique chronique, l'idée avait de quoi séduire. A l'heure du web 2.0, où les discussions de comptoir, les avis du moindre gogo raciste, semblent légitimés par leur publication dans les forums en ligne des journaux, habiliter les citoyens à participer au processus législatif européen, c'était dans l'air du temps.
La Commission européenne a présenté cette semaine le règlement qui encadrera l'ICE. C'est qu'au Berlaymont, on a vite compris que cette initiative citoyenne pourrait rapidement poser des soucis. Il se trouvera bien, en effet un million de personnes pour signer une pétition contre les politiques de libéralisation; on trouvera sans aucun problème un million de personnes opposées à l'entrée de la Turquie; à la sortie des Eglises, on fera signer un million de personnes contre le droit à l'avortement.
Pour gérer la situation préventivement, un mécanisme de validation a été mis en place. Dès que les organisateurs auront récolté 300.000 signatures, ils devront faire vérifier que le sujet de leur initiative tombe bien dans les compétences communautaires. Ce procédé devrait permettre de réduire considérablement le champ des demandes, étant donné que l'Europe n'a rien à dire en matière de politique étrangère, de défense et de fiscalité et qu'elle a peu à dire sur la santé publique et la sécurité sociale. Mais il risque de produire l'effet exactement opposé à l'impression de démocratie recherchée, puisque certaines pétitions seront rejetées à un stade précoce. Quant aux demandes acceptées, il est à craindre qu'elles ne déboucheront sur rien de concret dès qu'elles auront un caractère polémique. Car même si un million de signatures ne sont pas une quantité négligeable, elles sont loin ds'approcher de la majorité - sur un continent qui compte un demi-milliard d'habitants. Elles ne suffiront en aucun cas pour pour modifier les grandes orientations de la Commission. Gageons que, comme d'autres gadgets référendaires, l'ICE prouvera à nouveau les limites de la démocratie directe.

Colonel Moutarde

lundi 29 mars 2010

On attend les priorités de Guido De Padt pour la présidence belge

Yves Leterme ne fait plus de gaffe. On nous a transformé notre premier. Tout le monde semble s’en réjouir, y compris les sondés d’opinion. Et pourtant, quant au fond, rien n’a changé au 16. Depuis les élections de 2007, le fédéral est en panne et pas moyen de relancer la machine. C’est d’ailleurs trop tard, on revote dan un an. Ce gouvernement aura tout au plus réussi à colmater les brèches durant la crise financière mais même à cet égard il est encore trop tôt pour se prononcer sur le bien-fondé des réformes de la supervision et la régulation financière qui partout en Europe d’ailleurs tardent à venir. Reynders a été au bout de ses réformes et est devenu le punching ball du gouvernement. Le plan Cancer d'Onkelinx est lent à venir, faute de budget, Vanackere apprend son métier de ministre des Affaires étrangères, Soeur sourire Vervotje a comme nouvelle compétence la sécurité du rail, Van Quick est de plus en plus hyperkinétique brasseur de vent, Magnette essaie d'exister au travers de compétences ressortissant aux Régions, et démontre la faiblesse des pouvoirs publics face à des géants de l'énergie. Au sein de ce gouvernement, la seule, finalement, à tirer son épingle du jeu, c’est peut-être la mère Milquet qui fait tourner sa boutique emploi et vient d’accoucher, non plus d'un mioche, mais d’une modification substantielle du plan d’accompagnement des demandeurs d’emploi jusqu’ici bien trop bureaucratique, fort peu efficace et fort fort discriminant. Qui plus est, sans que cela fasse beaucoup de bruit, Mme Non vient, dans les faits, de régionaliser l’accompagnement, il est vrai en mettant de l’argent du fédéral, essentiellement au profit de Bruxelles où elle est élue. Cerexhe doit se demander benoîtement ce qui lui arrive.
Et notre Yves ? Sur le fond rien n’a changé mais sur la forme le Lagaf du pauvre (c’est dire) s’est transformé en Jacques Séguéla du Westhoek. Ne dites plus réforme de l'Etat mais fédéralisme de coopération. Il y a une stratégie UE 2020? Moi, je veux une stratégie BE2020. Voyages à l’étranger, communiqués de réaction à tout vent, et surtout, leitmotiv de ce gouvernement, présidence belge de l’Union européenne, tout est bon au sein de ce gouvernement pour faire parler de... ce que potentiellement on fera (mais qu'on ne fera pas). Il n’est pas un ministre ou secrétaire d’Etat qui n’ait encore annoncé ses ‘priorités dans le cadre de la présidence belge’. Celle-ci risque pourtant si elle échoue, emportée par le cataclysme BHV, de se transformer en objet de risée de l’Atlantide à l’Orval. En attendant pourtant, on ne discutera plus que présidence. Chacun continue d’y aller de sa priorité du jour. On n’attend plus que celles de Guido De Padt, « commissaire du gouvernement pour l’audit interne de l’administration fédérale ». Oublié du gouvernement, on ne sait pas ce qu’est devenu le locataire du n°2 de la rue de la Loi. Peut-être que la mère Milquet devra ajouter à son plan un volet activation du commissaire du gouvernement pour l’audit inerte. On imagine qu'en bout de législature, l'audit interne sera cinglant.

Durum

samedi 13 mars 2010

Courard fuyons!

La Justice vient de condamner l’Etat pour ne pas avoir rempli sa mission de service public à l’égard des demandeurs d’asile, telle qu’elle est prévue dans la loi. Ces demandeur d’asile ne trouvent plus d’hébergement dans des centres d’accueil saturés et certaines familles avec enfants ont dû passer l’hiver à la rue, affronter le froid, et l’insécurité des gares urbaines.
Un juge a condamné l’Etat à verser à chaque demandeur d’asile non hébergé une astreinte de 500 euros par jour où il se retrouve sans toit. Bafouant une nouvelle foi la séparation des pouvoirs, le premier ministre Yves Leterme a estimé « abominable » cette décision de justice, rejoint quelques jours plus tard dans ses critiques par le secrétaire d’Etat à l’Intégration sociale Philippe Courard.
Il est évidemment aisé pour un gouvernement de dénoncer ces revenus plutôt que ceux des milliards d’euros du CAC40 ou du Bel20 qui atteignent des niveaux supérieurs à ceux d’avant la crise. Cette crise qui a jeté à la rue un nombre sans cesse plus important de personnes vivant dans une situation précaire.
On aurait aimé voir le socialiste Philippe Courard se saisir de la question de l’asile à l’heure de définir les priorités de la présidence belge de l’Union européenne. Vue dans le cadre de l’évolution démographique de la planète et des phénomènes migratoires qui en découlent, elle constitue probablement l’un des enjeux majeurs des décennies à venir.
M. Courard préfère brailler avec les populistes. Ces 500 euros constituent un « message désastreux » en ce qu’ils attirent chez nous des milliers de candidats à l’eldorado, essentiellement venus d’Europe de l’est, estime le secrétaire d’Etat.
Se contenter, en matière d’asile, de demander aux populations des Balkans, qui seront un jour européennes, de rester chez elles, comme vient de le faire le gouvernement dans une tournée médiatisée, confirme la vision selon laquelle la libre circulation vaut bien plus pour les biens et capitaux que pour les personnes. Ce message là est bien plus « désastreux » pour l’avenir de la planète.

Durum

Di Rupo, député à ne rien faire

Nos démocraties traversent des crises tellement plus graves, ça ne fait pas de doute. Mais tout de même. A la fin de la législature régionale, Elio Di Rupo et Joëlle Milquet avaient contraint leurs troupes, et il y avait des récalcitrants, à approuver une modification des règlements des parlements wallon et de la Communauté française pour lutter contre l'absentéisme. Le groupe socialiste de l'assemblée wallonne s'était distingué à quelques reprises: malgré ses 34 députés, il était parvenu à ne pas être en nombre lors de votes importants, dont celui de la réforme du Fonds des communes. Résultat: pas de quorum, approbation reportée à quinzaine. Le nouveau règlement sanctionne désormais les députés absents et impose aux présents de signer un registre dès qu'un vote doit intervenir, même s'il se résume à la désigation d'un rapporteur. Di Rupo, éternelle tête de liste peu importe le scrutin (comme Milquet), a été élu en juin passé, a pris son siège au parlement wallon et de la Communauté française. Problème: l'activité parlementaire, il a pas le temps mais ça aurait fait tâche si son nom manquait systématiquement à l'appel. Solution: il a choisi de n'être membre... d'aucune commission. Faut oser. En bref, il fout rien et fait même pas semblant! Un parlement, ça vaut ce que ça vaut mais quand on en a plus, ou plus un vrai, on râle. Le président du parti socialiste pourrait au moins avoir la décence de se faire remplacer par son suppléant. Ca fera au moins un heureux et les apparences seraient sauves jusqu'aux législatives de 2011 où Elio sera certainement tête de liste, dans le Hainaut, peut-être au Sénat.

Mexicano

mercredi 10 mars 2010

Armand De Decker, homme d’Etat policier

Le président du Sénat et bourgmestre d’Uccle Armand De Decker vient de profiter d’un dramatique fait-divers qui s’est déroulé dans sa commune et qui a coûté la vie à une mère de famille pour oser une sortie d’un rare populisme probablement destinée à ne pas laisser trop de voix s’en aller dans le giron du PP de Mischaël Modrikamen. Cette sortie en rappelle de célèbres, nauséabondes, du PRL bruxellois anxiogène et xénophobe de la fin des années 1980.
En proposant aux militaires de s’occuper de l’éducation des jeunes délinquants, Armand De Decker choisit l’escalade sécuritaire. Les deux auteurs du drame qui s’est joué à Uccle sont pourtant majeurs même si l’un d’entre eux a eu à faire aux services de la jeunesse et le constat peut être dressé à son égard que quelque chose a échoué dans le travail éducatif de réinsertion dans la société qui lui a été prodigué. Armand De Decker en profite pour détruire tout un système d’aide à la jeunesse et ressortir cette grande idée de l’éducation par l’armée. En caricaturant à l’inverse, on pourrait affirmer voir poindre les valeurs qu’ils pourront se voir inculquer : apprendre dans la foulée de nos paras à violer des noires en Afrique, au moins cela ne gênera personne à Uccle.
Armand De Decker en profite également pour souligner que l’intégration des jeunes d’origine étrangère a échoué, contrairement aux Etats-Unis (mais la société américaine est-elle moins violente que la nôtre ?). Peut-être pouvons-nous le rejoindre en indiquant que l’intégration de « certains » jeunes d’origine étrangère, précarisés, sur les plans social et ou culturel, a échoué. Mais une fois cette sentence prononcée, qu’en faisons-nous ? Le bel Armand rejette la faute au laxisme, vantant les mérites de la monarchie marocaine autoritaire qu’il dit bien connaître. Bel exemple de démocratie. Le problème de l’échec de l’intégration est bien plus complexe que ne l’avance le premier personnage de l’Etat (après le roi…) Intégration de qui, à quoi ? Il ne faut pas croire à l’angélisme de toute une jeunesse qui serait forcément du côté du bien mais il ne faut pas non plus venir parler d’échec de l’intégration quand dans le chef de certains il n’y a jamais eu de volonté d’intégrer ces jeunes. Il suffit de consulter le site antiraciste de résistances.be pour retrouver les tracts d’Armand De Decker. " Bruxelles doit rester aux Bruxellois !", promettait-il à ses électeurs en 1989. Il précisait son propos deux ans plus tard, en 1991, dans un tract intitulé « Reconstruisons la Belgique ». "Le gouvernement PS-CVP a laissé venir les immigrés et les réfugiés. Il les a même attirés avec des avantages sociaux qui constituent une véritable pompe aspirante à réfugiés économiques. Et demain, s’ils en ont l’occasion, ils leur donneront le droit de vote et d’éligibilité… Le PRL, lui, veut stopper et réduire l’immigration (…). L’immigration a changé de nature. Elle est devenue migration, elle est devenue massive (…). Le PRL, lui, en est conscient. Nous avons le courage de nos opinions et nos actes le prouveront".
Armand De Decker a toujours eu un problème avec les étrangers. En janvier dernier, il fut le seul élu francophone à ne pas s’être prononcé lors de la prise en considération d’une proposition du Vlaams Belang visant à exclure de la fonction publique les personnes possédant la double nationalité.

Durum

mardi 9 mars 2010

Les débuts chaotiques du traité de Lisbonne

En 2001 à Laeken, les Européens ont lancé une vaste réforme institutionnelle qui avait pour objectif de rendre l'Union à la fois plus démocratique, plus transparente et plus efficace. Après de nombreuses péripéties, ce processus a débouché sur le traité de Lisbonne, en vigueur depuis trois mois. Il est trop tôt pour émettre un jugement définitif sur la manière dont ce traité affecte le fonctionnement de l'Union. L'Europe sera plus démocratique, c'est certain, tant les pouvoirs du Parlement se sont accrus. Mais savoir si elle sera plus efficace et plus compréhensible pour les citoyens est une autre paire de manches.
Très occupés à mettre en oeuvre les règles qu'ils ont eux-mêmes créées, politiques et eurocrates semblent perdus dans un brouillard épais, surpris par les nombreux vides d'une texte qui n'a qu'une portée très générale.
Le traité institue par exemple un ministre des Affaires étrangères aux pouvoirs étendus, à la tête d'un véritable corps diplomatique européen. L'idée était séduisante, mais sa concrétisation a ouvert la porte à des tiraillements multiples. Du Kosovo à l'Irak en passant aux relations avec les anciennes colonies, les pays européens ont en effet des intérêts divergents qu'il est difficile de réconcilier dans un service commun. Etats les uns contre les autres, ministres des Affaires étrangères contre la Commission, fonctionnaires contre diplomates: tout le monde se tire dans les pattes.
Mais c'est surtout en matière économique que le traité de Lisbonne est en plein flou. Alors qu'auparavant, la Commission européenne était le seul organe à s'approche d'une espèce de gouvernement européen, on se demande aujourd'hui qui tient les rênes de l'Union. La Commission est la seule institution qui n'ait pas vu ses pouvoirs renforcés dans le traité. Au contraire du Conseil européen (réunion trimestrielle des chefs d'Etat et de gouvernement) qui est devenu une vraie institution, avec un président stable, en la personne d'Herman Van Rompuy. Celui-ci veut faire du Conseil européen le vrai gouvernement de l'Europe - en rupture d'ailleurs avec la tradition belge "communautaire". Il en résulte un flou certain, qui est aggravé par le maintien de présidences nationales pour les formations sectorielles du Conseil des ministres. L'Espagne, la présidence en titre, essaie elle aussi de peser sur les débats, qui en sont d'autant moins lisibles.
Dans quelques mois, quand la poussière sera retombée, il sera plus aisé d'établir un bilan de la réforme institutionnelle. Mais les discussions byzantines dans lesquelles les Européens s'enlisent à nouveau laissent penser qu'ils sont finalement un peu comme les Belges: perdus dans des discussions institutionnelles sans fin et incapables de réformer la société.

Colonel Moutarde

vendredi 26 février 2010

Lizin préface le caricaturiste de Père Ubu

Anne-Marie Lizin a amorcé depuis quelques mois un repositionnement stratégique délicat. Exclue du PS parce qu'elle n'a jamais dissipé les doutes relatifs à son utilisation peu orthodoxe de la carte de crédit d'un hôpital dont elle avait la tutelle, Anne-Marie veut sa revanche. Elle s'est muée en une anti-socialiste rabique - qui n'a rien à envier à un Didier Reynders ou un Mischaël Modrikamen.
Dans son fief de Huy, elle a monté une liste alternative et tire à boulets rouges sur la "médiocre" équipe en place.
L'anti-socialisme et les accents populistes ne sont pas les seuls traits qu'elle partage avec M. Modrikamen. Comme lui, elle a bien compris les gains électoraux d'un discours anti-burqa. Si, chez le nouveau héraut de la droite pure et dure, la haine du voile intégral masque à peine cele des Arabes, le discours se teinte, du côté d'Anne-Marie Lizin, d'accents féministes plus acceptables. Mais tous deux ont en commun d'évoquer le sujet avec une fréquence inversément proportionnelle à celle du phénomène dans les rues de Belgique.
Il n'est donc pas surprenant qu'Anne-Marie Lizin ait accepté de préfacer un recueil de caricatures signé par JacPé, dessinateur qui sévit dans les colonnes de Père Ubu, cette feuille satirique d'un goût fort douteux. Burqa et anti-socialisme sont en effet des thèmes de prédilection de ce caricaturiste par ailleurs pas forcément très inspiré.
Le livre sort dans les librairies dans le courant du mois de mars. On croisera Anne-Marie au lancement officiel. Ses admirateurs pourront aussi la rencontrer pour une "potée amicale" le 7 mars à Huy.



Colonel Moutarde

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mardi 23 février 2010

L'Islande, futur paradis journalistique ?

Comme un écosystème, où de micro-organismes parasitent des hôtes plus volumineux, l'ordre international se fonde sur une tension entre grands Etats-nations et petits Etats-parasites qui entretiennent avec eux une interaction ambigüe.
De tous temps, les petits Etats ont compensé leur force de frappe limitée en jouant de la concurrence réglementaire. La France, par exemple, est entourée d'une nuée de micro-pays qui aident les citoyens hexagonaux à contourner telle ou telle législation jugée trop contraignante. C'est ainsi que le monopole sur la radio-diffusion a été érodé par par les radios périphériques, qui émettaient depuis le Luxembourg (RTL) ou Monaco (RMC). C'est ainsi également que l'impôt sur la fortune est évité par de riches Français qui s'installent en Belgique ou organisent une évasion fiscale plus généralisée à Andorre ou Monaco.
Cet équilibre précaire entre petits et grands se répète, à des degrés divers, en d'autres endroits de la planète, qu'il s'établisse entre l'Allemagne et le Liechtenstein, entre les Etats-Unis et les paradis fiscaux caribéens ou entre la Chine et Hong-Kong/Macao.
Avec ses 320.000 habitants, l'Islande pourrait devenir le prochain Lilliputien à fausser la donne internationale - mais d'une façon assez inédite. Une initiative parlementaire vise à transformer l'île en une espèce de "paradis médiatique", où les journalistes et penseurs du monde entier pourraient se prévaloir d'une législation ultra-protectrice. Un peu à la manière dont la Belgique, au 19e siècle, accueillait, de Baudelaire à Marx, des auteurs sulfureux exilés de France ou d'ailleurs.
L'initiative islandaise s'inspire d'ailleurs de la Belgique, puisque sa législation actuelle sur la protection de sources est l'un des exemples mis en avant. Mais l'ambition est ici plus élevée. Il s'agit de faire de l'île le pays le plus avancé du monde dans le droit des journalistes. Protection de sources, protection des intermédiaires (comme les fournisseurs d'accès à internet), limitation de la responsabilité pénale et, surtout, non-respect des jugements étrangers qui ne se conformeraient pas à la législation nationale. L'Islande pourrait donc devenir un hâvre de paix pour les auteurs persécutés à travers le monde.
Il faudra voir comment cette initiative, si elle est votée, se traduira dans les faits. L'affaire des caricatures danoises de Mahomet reviendra certainement à l'espit des parlementaires. Il faudra voir aussi comment empêcher que des lois très libertaires ne servent à protéger les auteurs de contenus racistes ou pédophiles. In fine, le projet islandais pourrait bien connaître le sort funeste de la législation belge de compétence universelle.
Mais au-delà des réserves, l'idée ouvre des perspectives neuves. Elle est plus que justifiée à l'heure où se développe un tourisme juridictionnel ("libel tourism"), qui voit des politiciens, hommes d'affaire et même criminels du monde entier, notamment de Russie, lancer des procédures contre des journalistes locaux, non pas dans leur propre pays, mais au Royaume-Uni, où les lois sur la diffamation sont plus sévères.

Colonel Moutarde


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dimanche 21 février 2010

Quand l’Etat CVP muselle les défenseurs des droits de l’Homme

La ministre flamande de la Culture Joke Schauvliege (CD&V) a décidé il y a quelques semaines de retirer à la Ligue flamande des droits de l’homme ses subsides à partir de l’année 2011 au motif qu’elle ferait trop peu de sensibilisation et qu’elle recourrait à des méthodes trop classiques pour toucher son public.
La Liga voor mensenrechten se voit ainsi touchée au coeur de son financement ce qui l’obligera à limiter ses actions. Première conséquence, elle est contrainte de renoncer à une action devant la Cour constitutionnelle pour contester le transfert, à l’initiative du ministre de la Justice Stefaan De Clerck (CD&V), de prisonniers belges dans la prison néerlandaise de Tilburg.
Paradoxe, la Ligue francophone des droits de l’homme a, elle, déposé un recours contre l’organisation de ce transfert qui devra pourtant, en principe, ne concerner que des prisonniers néerlandophones.
Sur son site internet, la Liga appelle le grand public à participer à son "sauvetage". Une manifestation est organisée à Gand le 10 mars.
La Ligue flamande rappelle quelques unes de ses actions menées ces dernières années dont la plus spectaculaire a permis de condamner le Vlaams Blok pour racisme. La Liga conteste devant le Conseil d’Etat la décision de la ministre Joke Schauvliege.

Durum
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jeudi 11 février 2010

Les dangereuses alliances objectives d'Alain Destexhe

Le sénateur Alain Destexhe a fait de la lutte contre l’islamisme revendicatif l’un de ses chevaux de bataille. Si on ne peut que lui donner raison quant au fond, il est permis de critiquer sa méthode qui consiste parfois à prendre d’audacieux raccourcis, à mettre dans le même sac les tenants de l’islamisme le plus radical et certains conservateurs musulmans au discours nébuleux, à se perdre dans les méandres de l’histoire, à jeter le bébé islamiste avec l’eau du bain islamique, à conclure que Frères musulmans, salafistes, Tariq Ramadan, Hamas, Mahinur Ozdemir, MRAX, Philippe Moureaux, Fatima Zibouh, accommodements raisonnables, le rappeur Edouard la déglingue, tout cela c’est la même chose.


A tenir un discours sans nuance, qui déforce l’argumentaire des défenseurs de la laïcité qui se battent pour une séparation stricte de l’Etat et du religieux, Alain Destexhe prend le risque de voir se retourner contre lui cette méthode sans détours. A user des mêmes raccourcis, on pourrait écrire que le sénateur MR ne voit pas de difficulté à servir de figure de proue aux jeunes nostalgiques du troisième reich regroupés au sein du NSV, organisation nationaliste étudiante flamande de laquelle ont émergé les chefs de file du courant nazillon au sein du Vlaams Blok Belang. En mars 2006, M. Destexhe a accordé une interview à Branding, la feuille de chou du NSV. Il y disait pis que pendre de l'état de la Wallonie. Je vous laisse admirer la couverture de cet opus.

Durum

Evanescence syncrétique

L’avortement presqu’annoncé du débat en France sur l’identité nationale confirme la crise politique majeure de nos sociétés occidentales, incapables de se saisir de la moindre question existentielle contemporaine. Impuissante lorsqu’il s’agit de réguler une finance destructrice, ou plus globalement de répondre aux grandes questions qu’amène la mondialisation, notre société se contente d’une gestion à court terme, mue par des considérations anxiogènes génératrices de comportements consuméristes qui accélèrent sa dualisation. La classe moyenne s’évapore au profit d’une dialectique usurpée par une nouvelle classe politique faussement populaire, de plus en plus populiste. Celle-ci ne peut rien, et ne veut que peu ou prou, face à des multinationales en quête de maximalisation des profits qu‘elle fait (un peu) semblant de menacer du bâton. Elle préfère faire miroiter aux moins nantis qu’à force de travailler plus ils gagneront plus voire consommeront pour alimenter les caisses d’un Etat que financent de moins en moins les bien pourvus. Un Etat qui, du coup, devient déliquescent, ne rassemble plus, n’est plus national. A y perdre son identité. Ces moins nantis finissent par tomber dans l’insécurité, sociale et financière. Ils sont aussi les premières victimes d’une insécurité urbaine organisée par des quidams en asocialité, dont certains, trop acculturés, jamais intégrés à une société évaporée ont, depuis toujours, décroché. Des sans foi ni loi, créatures dévastatrices, elles aussi sans identité, perdues entre le passé d’aïeuls exploités et le no future qui les attend. C’est une société qu’il faut reconstruire. Tolérance zéro pour les politiques qui se refusent à entendre le craquèlement. Comparution immédiate pour les dirigeants atteints de cécité de la cité.

Durum

mercredi 10 février 2010

Qui a jeté un sort à Steven Vanackere ?

Le récent voyage au Congo du ministre belge des Affaires étrangères, Steven Vanackere, a marqué un nouveau tournant dans l’histoire mouvementée de la Belgique et de son ancienne colonie. A l’approche du cinquantenaire de l’indépendance, le très tempéré politicien du CD&V a oeuvré à la normalisation des relations. La photo le montrant tout sourire, une bière à la main, à côté du président Joseph Kabila a fait le tour des journaux. L’image a d’ailleurs fait sursauter son prédécesseur Karel De Gucht, qui considère peu ou prou M. Kabila comme le principal responsable de l’incurie et des viols massifs commis à l’est du pays.


Le voyage restera dans les annales, donc. Mais le principal intéressé aura une autre raison de s’en souvenir. Steven Vanackere a en effet ramené du Congo une maladie tropicale inconnue, qui l’empêche de poursuivre ses activités normalement. Il a bien rendu compte de sa visite devant le députés fin janvier, suant à grosses goutes fiévreuses, mais il a depuis lors bouleversé son agenda. Une visite au Proche orient a été annulée et d’autres devraient suivre. Il serait indisponible jusqu’à la fin du mois de février. Diantre ! C’est véritablement un sort qu’on a jeté au ministre, contraint de renoncer à son programme à peine entré en fonction. Le Premier ministre Yves Leterme, qui avait assuré un bref intérim entre Karel De Gucht et Steven Vanackere rue des petits carmes, a trouvé du piquant à la situation. « Moi au moins, j’ai tenu quatre mois aux Affaires étrangères », aurait-il déclaré à quelques membres du gouvernement.

Colonel Moutarde

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mardi 9 février 2010

Barroso II: plus de com, moins d'information

S'il est souvent présenté comme un valet à solde des grands Etats membres, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso n'en est pas moins un homme de pouvoir, qui a installé au Berlaymont un régime qualifié par certains de présidentiel, voire d'impérial. Tout au long de son premier mandat, le Portugais s'est employé à prendre le contrôle des dossiers importants, se démarquant de son prédécesseur, Romano Prodi, qui laissait à ses commissaires une certaine latitude. Très conscient de l'importance de la communication, il a aussi serré les boulons au service du porte-parole, confié à l'austère Johannes Laitenberger. Sous le règne de ce dernier, la liberté des porte-parole a été sévèrement réprimée, pour ne plus laisser filtrer que la ligne officielle.
La tendance devrait s'accentuer sous Barroso II (entérinée officiellement ce mardi avec le vote de confiance du Parlement européen). Un nouveau poste de chef du service de communication a été créé, et confié au Belge Koen Doens, un ancien cabinettard de Louis Michel et Karel De Gucht. L'idée est de prendre en compte les aspects de communication dès l'élaboration des politiques de l'UE. Koen Koens sera associé aux réunions stratégiques où seront prises les décisions sur les grandes orientations de l'Europe. Il sera aussi chargé de restructurer le service du porte-parole , afin de mieux s'assurer de la cohérence du message. Autrement dit, encore plus de com' et encore moins d'information. Pas certains que les journalistes et les citoyens y trouvent leur compte.

Colonel Moutarde



lundi 1 février 2010

La gauche n'est pas à la hauteur du débat sur l'intégration / immigration

Les élections se jouent souvent autour des questions d'immigration. Est-ce l'une des raisons pour laquelle les partis de droite remportent plus souvent les scrutins en Europe ? Le débat français sur l'identité nationale ou les sorties intempestives d'Alain Destexhe en Belgique francophone montrent bien que les politiciens de droite ont compris le potentiel électoral de ces questions, quitter à entretenir des amalgames dangereux. Mais s'il est courant de dénoncer l'électoralisme de droite, on parle moins souvent de la dangereuse passivité de la gauche, qui, à force de rester à l'écart du débat, ouvre un boulevard aux extrémistes.
Revenons sur la dernière mésaventure du sénateur Destexhe. Se basant sur une information publiée dans la feuille satirico-raciste Père Ubu, il s'est fendu vendredi d'un communiqué de presse dénonçant les subsides versés à une chanson dont l'auteur, un certain Redouane La Déglingue, clame qu'il "épousera le Maroc après avoir baisé la Belgique".



Ce lundi, sur son blog, M. Destexhe déplore que "la plupart des journaux de ce samedi critique ma sortie d'hier sur les rappeurs qui "baisent la Belgique". Les télé nationales n'ont pas parlé du sujet". Pourtant, poursuit-il, "sur le Net, l'article en question est le plus consulté depuis 24 heures sur le site de La Libre, le 2ème le plus consulté depuis une semaine et a fait l'objet de plus de 348 commentaires, loin devant tous les autres thèmes".
Ce n'est pas la première fois que le sénateur s'estime ostracisé par les médias. Il y a quelques semaines, il a rapporté qu'une carte blanche, intitulée "Pitié pour les Suisses", avait été refusée par tous les journaux francophones. Il y exprimait sa compréhension pour le vote exprimé dans la confédération helvétique sur la question des minarets. "Davantage que contre les minarets, les Suisses ont exprimé un refus bien plus général, non pas de la religion musulmane, mais d’un certain islam politique, en tant qu’idéologie totalitaire, de plus en plus à l’offensive, y compris dans notre pays".
Fallait-il censurer cette opinion, que rien ou presque ne distingue plus désormais de la rhétorique anti-Islam proférée par le Vlaams Belang ? La question mérite d'être posée. Comme méritent d'être posées d'autres questions sur l'échec des politiques d'intégration, sur le chômage massif et l'exclusion qui frappent les jeunes maghrébins, sur la violence et l'incivisme dans certains quartiers de Bruxelles, sur la pêche aux voix éhontée des partis dans les communautés immigrées, qui alimente le communautarisme.
Refuser ces questions sous prétexte qu'elles ouvriraient la porte aux dérives racistes est une erreur. C'est pourtant dans un tel refus que se mure la plus grande partie de la gauche, gauche caviar est-on tenté de persifler, désormais en décalage avec la classe populaire.
N'est-il pas le moment, après la multiplication de faits divers violents et alors qu'aucune élection ne viendra polluer le débat dans les prochains mois, d'avoir une discussion sans tabou sur le sujet ? En s'abstenant de mener ce débat, les partis de gauche - au gouvernement à tous les niveaux de pouvoir en Belgique - porteront eux aussi la responsabilité d'une radicalisation de l'électorat.
Est-il normal qu'après les derniers événements à Anderlecht (la "délocalisation" d'une école, victime chronique de rackets), le seul parti à réagir soit le Vlaams Belang ?
Fuir ces questions, comme l'a fait littéralement en France le socialiste Vincent Peillon (voir ici), comme le font les partis de gauche en Belgique, c'est laisser à la droite (de plus en plus souvent extrême) le monopole du discours sur ces questions.
C'est ainsi qu'on voit, en France, un faux débat sur l'identité nationale, organisé par un gouvernement qui par ailleurs fixe des quotas d'expulsions, qui vide la jungle de Calais à grand renfort de caméras, qui caricature à tour de bras avec le projet de loi sur la burqa. C'est ainsi qu'en Belgique se crée un Parti populaire, en fait populiste et prompt aux stéréotypes. Même les considérations légitimes d'un Alain Destexhe sont teintées d'une xénophobie inquiétante.
En reprenant la main sur ces questions, la gauche ferait preuve d'un courage salutaire, dont gageons qu'il qui pourrait même payer électoralement.

Colonel Moutarde

mardi 26 janvier 2010

First Brother Van Rompuy inquiet pour l’économie flamande

Herman Van Rompuy, équivalent européen de Barack Obama, ne s’est pas encore affiché avec sa First Lady. Mais son frère Eric s’arroge déjà le titre de First Brother. Sur son blog, le frérot ne manque pas une occasion d’affirmer sa fierté familiale.
Il partage en outre au sujet de l’économie flamande le pessimisme que son aîné véhicule à propos de l’économie européenne. Herman pense que le modèle social européen court à sa perte sans des réformes permettant de libérer la potentiel de croissance (comprendre : flexibiliser le travail, travailler plus longtemps, baisser les charges, etc...).
Son frère Eric, actif à l’échelon régional, s’inquiète à son niveau. Dans son dernier billet, il évoque même "la fin du miracle économique flamand". Sur la RTBF, il a précisé que le problème n’est pas une question de compétitivité mais d’influence. "Un petit pays comme la Belgique ou une petite région comme la Flandre, dans une grande organisation multinationale, ne pèse pas assez et ils ferment où le pays est le plus faible". La dépendance vis à vis des investisseurs étrangers est "la grande faiblesse de la Flandre" qui manque de "petites et moyennes entreprises qui puissent croître au niveau européen ou mondial".
La déclaration est intéressante à plus d’un titre. En premier lieu parce qu’elle sort de la bouche d’un flamingant de première catégorie, chantre de l’unilatéralisme flamand dans le dossier BHV. Reconnaître, comme il le fait, la fin d’une époque, c’est un peu admettre que la Flandre est la victime d’un phénomène historique comme l’a été la Wallonie, et par conséquent mettre un peu d’eau dans le vin du nationalisme flamand, qui se nourrit de stéréotypes sur le Wallon paresseux.
La déclaration d’Eric Van Rompuy, c’est aussi l’aveu que des petits Etats, comme la Belgique ou une éventuelle Flandre indépendante, sont démunis face à la diplomatie économique puissante déployée par la France ou l’Allemagne.
Les derniers soubresauts de l’économie belge (cession de Fortis à BNP, refus de Suez-Electrabel de payer les impôts réclamés par l’Etat, fermeture d’Opel Anvers, conflit à InBev...) montrent à suffisance que la perte d’un ancrage local des entreprises est synonyme de perte de contrôle, et souvent de pertes d’emploi.
A l’heure où les Etats reprennent en main les économies, c’est un peu le modèle belge d’une économie ouverte et libéralisée qui se craquèle...

Colonel Moutarde

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Quand Gainsbourg chantait le sionisme

Gainsbourg est partout ces jours-ci. Dans le film et les livres que lui a consacré Joann Sfar. Mais aussi dans un recueil exhaustif de ses textes entre 1950 et 1991, intitulé "L’intégrale et caetera", dont l’édition revue et augmentée vient de sortir en librairies.
Très complet, l’ouvrage permet d’avoir une vue d’ensemble sur l’art de ce jongleur de mots de haut vol. Il offre aussi un éclairage sur des aspects moins connus de sa personnalité.
On y apprend notamment que Serge Gainsbourg a composé en 1967, en pleine Guerre des Six jours, une chanson patriotique en hommage à Israël, à la demande de l’attaché culturel de l’ambassade israélienne en France. La chanson a été traduite en hébreu et diffusée sur une radio israélienne. Ses droits ont même été reversés à l’Etat hébreux.
La chanson est par contre restée inconnue en France jusqu’en 2002, quand elle a été exhumée par un proche du chanteur, désireux de contre-balancer les raps aux accents jugés antisémites, alors que culminait la seconde intifada.
Le texte de Gainsbourg est sans ambiguité :

Oui ! Je défendrai le sable d’Israël
La Terre d’Israël, les enfants d’Israël
Quitte à mourir pour le sable d’Israël
La terre d’Israël, les enfants d’Israël

Je défendrai contre tout ennemi
La sable et la terre qui m’étaient promis

Voir cette vidéo (avec les images ad hoc...)




Colonel Moutarde

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vendredi 22 janvier 2010

Non, Yves Leterme n'était pas ivre

Il y a quelques jours, le Premier ministre Yves Leterme a rappelé à l'ordre son ministre des Pensions Michel Daerden qui s'était laissé aller à une certaine emphase dans une réponse à une question d'un sénateur qui fit l'objet d'un buzz bien senti. Yves Leterme a alors rappelé à M. Daerden que les ministres du gouvernement se devaient de rester digne. Le chef du gouvernement s'est senti obliger d'intervenir alors que l'image de Michel Daerden renvoyant à un certain esprit de la fête n'est pas bien perçue en Flandre.
Ce faisant, il faut savoir assurer ses arrières. Or, jeudi dernier, c'est Yves Leterme lui-même qui a glissé au perchoir du Sénat. Interrogé par le sénateur cdH Jean-Paul Procureur sur la situation en Haïti, M.Leterme s'est fourvoyé. Au lieu de lui répondre, le Premier ministre a répété à la tribune la question que venait de lui poser le sénateur Procureur. Le Premier s'est trompé de document. Sur les images, on voit dubitatifs, Jean-Paul Procureur et Francis Delpérée, se demandant ce qu'il convient de faire. Finalement, M. Delpérée monte à la tribune avertir le Premier ministre qui met un certain temps à comprendre, pour finalement s'excuser avant de corriger le tir. Ceci n'est évidemment pas bien grave. Mais cocasse après le rappel à l'ordre de Michel Daerden. Il y eut débat sur le potentiel arrosé. Aujourd'hui, c'est l'arroseur arrosé. Qui reste Ding!

Durum
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mercredi 20 janvier 2010

Quand la Belgique assassine une seconde fois Lumumba

En 2001, une Commission d'enquête parlementaire a reconnu que les autorités belges avaient joué un rôle dans l'assassinat le 17 janvier 1961 du Premier ministre congolais Patrice Lumumba. Dans la foulée des conclusions de cette Commission, le ministre des Affaires étrangères Louis Michel avait annoncé que la Belgique participerait au financement d'une Fondation Patrice Lumumba destinée à soutenir le développement en RDC. Il annonçait un financement de 3,750 millions d'euros et une dotation annuelle de 500.000 euros.
Il y a quelques jours, à un an du cinquantième anniversaire de l'assassinat de Lumumba, son fils Roland Lumumba s'est exprimé dans la presse africaine pour dénoncer le fait que la Belgique n'a pas honoré ses promesses, sa fondation fonctionnant sur fonds propres.
Dans le budget de l'Etat, on ne trouve effectivement pas trace d'un seul centime d'euros versés à cette fondation. Dès 2002, des parlementaires s'en sont inquiétés. La réponse fournie à l'un d'entre eux par la ministre Annemie Neyts, adjointe aux Affaires étrangères, soulignant que l'urgence irait à la pacification du pays pouvait laisser présager cette situation. Pourquoi alors avoir annoncé ce financement en 2001? Et n'y a-t-il pas deux poids et deux mesures quand on sait qu'à la même période le gouvernement engageait les finances publiques en soutien aux activités économiques de l'homme d'affaires George Forrest?

Durum
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mardi 19 janvier 2010

James Bond contre Dr Flu?

Le professeur néerlandais Albert Osterhaus qui dirige un laboratoire de virologie au sein du Centre médical Erasmus à Rotterdam pourrait, aux côtés d'autres, avoir joué un rôle crucial lors du déclenchement de la pandémie de grippe A/H1N1 en janvier 2009. Ce professeur est l'un des experts clé de l'Organisation mondiale pour la Santé (OMS) et conseiller des gouvernements néerlandais et britannique. Son nom apparaissait déjà dans la littérature lors de l'émergence des virus H5N1 et SRAS.
Surnommé "Dr Flu", il s'est retrouvé au centre d'une enquête de la chambre basse du Parlement néerlandais en octobre dernier après des révélations de la revue de référence américaine Science Magazine selon laquelle il aurait joué sur les peurs pour favoriser ses propres intérêts commerciaux dans la mise au point du vaccin. Selon l'agence néerlandaise de presse ANP, plusieurs formations parmi les partis traditionnels se sont alors "demandées si le ministre néerlandais de la Santé Albert Klink ne prêtait pas une oreille trop favorable aux conseils d'Osterhaus, qui a noué des liens avec l'industrie pharmaceutique". Le parti chrétien du Premier ministre Jan-Peter Balkenende s'est interrogé quant à la crédibilité dudit Osterhaus étant donné "qu'il détient des actions dans une société qui fait de la recherche pour des vaccins" tandis que d'après la députée libérale néerlandaise Fleur Agema, M. Osterhaus "détient directement des parts dans une société pharmaceutique".
Par ailleurs, selon une dépêche de l'ANP qui date de septembre 2009, M. Osterhaus travaille un jour par semaine pour ViroClinics, une entreprise du centre médical Erasmus de Rotterdam, qui effectue de la recherche sur les vaccins, pour le compte des autorités néerlandaises et de l'industrie pharamaceutique. L'ensemble des firmes pharmaceutiques impliquées dans ce projet ont pu bénéficier des avis de ViroClinics relatifs à la grippe H1N1. Albert Osterhaus détient 9,9% des parts de ViroClincs.
D'après le quotidien néerlandais NRC du 3 janvier 2009, M. Osterhaus entretient de bonnes relations avec GSK, le producteur du vaccin Pandemrix.
Aux Pays-Bas, il avait rapidement plaidé la vaccinaton à deux doses qui s'est révélée dans plusieurs pays à l'origine de surcommandes de vaccins. Du coup, le pays s'est retrouvé avec un stock important de 34 millions de doses (GSK et Novartis). La situation a été la même en France qui en a commandé 94 millions.
Finalement, l'enquête du parlement néerlandais n'ira pas plus loin. Certains ont écrit que les liens trop étroits entre le ministre de la Santé et M. Osterhaus y ont contribué.
La question du conflit d'intérêts a pourtant le mérite d'être posée et à l'échelon international d'autres experts sont pointés du doigt. La directrice de l'OMS Margaret Chan a pris la décision en 2009 d'enclencher l'alerte pandémique H1N1 en vertu des conseils du Strategy Advisory Group of Experts dont Albert Osterhaus est un homme clé. Ce dernier est par ailleurs président du European Scientific Working Group on Influenza financé par l'industrie des vaccins. Tout cela apporte de l'eau au moulin de la suspicion.
L'OMS vient d'annoncer une enquête interne dont on ne devrait pas attendre grand chose vu que l'organisation est inter-étatique. Le Conseil de l'Europe mènera également une enquête.
Plusieurs pays dont la Belgique viennent de résilier une partie de leur commande à GSK. Officiellement sans contrepartie mais on connaît l'intérêt de l'industrie à maintenir ses bonnes relations avec les gouvernements, tantôt pour s'allier sur de futures politiques de vaccination tantôt pour s'assurer d'une réduction de charges sur la recherche. Par ailleurs, GSK est particulièrement intéressée par la résiliation qui, d'une part, lui permet de faire tourner son stock, en vendant du Pandemrix à l'Europe de l'est, d'autre part lui offre surtout de l'espace pour la mise en culture de futurs vaccins. C'est particulièrement le cas en Belgique où GSK est implantée.
Selon la banque JP Morgan, la pandémie H1N1 pourrait avoir apporté à l'industrie pharmaceutique des bénéfices de l'ordre de 7,5 à 10 milliards de dollars. GSK a annoncé cette semaine avoir engrangé près d'1,4 milliard de dollars grâce à son vaccin, au quatrième trimestre 2009. A quand la prochaine pandémie?

Durum
Cette piquante enquête, qui ne manque pas de sel, est également publiée sur http://www.boulettemoutarde.be/ en phase de test

vendredi 15 janvier 2010

Qui a vu Frédéric Daerden ?

Frédéric Daerden doit-il son succès électoral aux frasques de son père ? Il ne nous appartient pas de le dire, mais il faut bien reconnaître que Daerden Jr a obtenu un résultat plus qu'honorable aux dernières élections européennes. Avec plus de 70.000 voix de préférence, le fiston, qui n'était que cinquième sur la liste, a doublé Christiane Vienne et Patrick Moriau, respectivement troisième et quatrième, pour se retrouver sur les bancs du Parlement.
"C'est pour nous la reconnaissance du travail que nous faisons au sein de la population", avait-il alors déclaré, en référence au clan familial. Il avait ajouté: "C'est un résultat qui me motive pour m'engager dans le combat européen. Je me battrai pour défendre nos valeurs socialistes afin que l'Europe soit plus humaine et plus sociale".
Six mois plus tard, force est de constater qu'il a été moins actif au Parlement européen qu'à la confection de montages douteux visant à conserver des contrats publics pour son cabinet révisoral.
Où est passé Frédéric Daerden ? C'est la question qu'on se pose dans les couloirs de l'hémicycle où on le croise très rarement. En séance, ses interventions sont rares, très rares, extrêmement rares. En six mois, on lui a connu trois prises de parole en plénière. Contrairement à tous les autres eurodéputés belges (dont les activités sont détaillées ici), il n'a adressé aucune question écrite à la Commission, il n'a déposé aucune proposition de résolution. Et comme beaucoup d'autres, il n'a été chargé d'aucun dossier législatif. Bref, Frédéric Daerden ne fait rien.
Il rétorquera peut-être, s'il lit ce blog, que ses activités de bourgmestre de Herstal lui prennent trop de temps. Nous lui répondrons que son collègue socialiste Marc Tarabella est bourgmestre d'Anthisne et que cela ne l'empêche pas de mener une vie parlementaire (relativement) active à Bruxelles et Strasbourg.
Et si les activités professionnelles et maïorales de Frédéric Daerden l'occupent véritablement trop, nous lui suggérons de laisser la place - et les 5.000 euros plus nombreux défraiements qu'il touche chaque mois – à un suppléant qui saura certainement se montrer plus responsable envers l'électeur et le contribuable.

Colonel Moutarde

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mercredi 13 janvier 2010

Daerden, et caetera

Le débat politique a, probablement sous l’influence de nouveaux médias, de plus en plus tendance à se résumer à des oppositions de personnes voire des polémiques stériles au détriment des véritables enjeux de société. La dernière sortie de Michel Daerden au Sénat est révélatrice à cet égard. Le ministre intervient à la tribune à propos de l’avenir des pensions. Comme souvent, il a l’air hagard, un peu autiste (restons politiquement correct, loin de nous l’idée de stigmatiser), quitte à en jouer, la langue de Vondel le rendant d’autant plus détonnant. Sa logorrhée permet de masquer un débat aussi essentiel que celui de l’avenir des pensions : on sortira un "groen boek" puis un "wit boek". Version moderne de la langue de bois. Geert Lambert, lui-même devenu Groen !, pas encore Wit !, interrogeait le ministre et renchérit : ’au-delà de la rigolade, j’espère que le gouvernement ne brandira pas un feu rouge (rood licht) empêchant la sortie d’un nouveau wetboek’. On s’esclaffe. La N-VA ne pipe mot. Oui mais voilà. La séance est enregistrée et finit pas tourner sur les sites internet des médias avant d’aboutir au JT de la VRT. La N-VA réalise l’opportunité qui s’offre à elle et appelle les rédactions. Schandalig. Démission ! Le clown Daerden est (une nouvelle fois) au centre du débat. On tient un buzz. Etonnant. Quand Bart De Wever attaque Leterme au point de comparer son gouvernement à celui de Vichy car il est dépendant des francophones, c’est à peine si cela bourdonne dans les chaumières. Cela bourdonne à peine plus quand le même slimste mens s’en prend au bourgmestre d’Anvers qui présente des excuses à la communauté juive pour le rôle de la métropole durant la seconde guerre mondiale. On se souvient alors, quelques années auparavent, du ministre VU Johan Sauwens festoyant avec ses amis du Sint-MaartensFonds, ce rassemblement d’anciens du Front de l’Est. Bon, il avait démissionné. Il n’est plus aujourd’hui que député... CD&V, le parti du Premier ministre Yves Leterme qui a rappelé Michel Daerden à l’ordre après ses élucubrations sénatoriales. Oui mais Daerden a dénigré le parlement, lui ! En dan ? C’est probablement vrai et peu intelligent mais est-ce le premier à rire de cette assemblée croupion. C’est ce que fait (avec beaucoup moins de talent) Vincent Van Quickenborne, l’ex coming man, Guy Vanhengel, le zwanzeur de la commune du chicon, Didier Reynders, alias Mme la Marquise qui à l’opposition flamande rétorque lors de chaque intervention que tout est ’normaal’. Et on passera sous silence les prestations remarquées de Julie Neerlandez Neerlandez ou de Gisèle Mandaila Mandaila qui tenaient plus du cirque Pinder que de la démocratie représentative. A court et moyen terme, Daerden sort gagnant de ses buzz. Son côté amuseur public proche des gens le rend populaire. L’ex-"député à la Porsche" récolte les fruits partout où ils poussent. Peu importe s’il enfreint l’éthique et monte des stratagèmes lui permettant par moult détours de réviser un nombre impressionnant de parastataux en Wallonie derrière lesquels plane souvent son ombre. Alors ? Ce n’est pas une N-VA incapable de lever le nez de son caca collaborationiste qui est la plus à même de donner des leçons. Il revient aux observateurs politiques d’interroger le PS sur ce politique au bilan d’excellent gestionnaire, mais dont le travail législatif n’atteindra jamais les hauteurs d’un Roger Lallemand (avortement) ou d’un Philippe Moureaux (antiracisme) mal vieilli, et dont l’adhésion aux valeurs de la gauche progessiste est à tout le moins funambulesque. C’est aussi aux observateurs qu’il revient de relever l’absence de débat public sur l’avenir de nos pensions. Comment va-t-on financer le vieillissement ? Les revenus des plus pauvres seront-ils bientôt sacrifiés sur l’autel financier ? Que va devenir le premier pilier ? Est-il normal que l’Etat subventionne des piliers qui ne profitent qu’aux nantis et enrichissent les fonds de pension ? Le PS se contentera-t-il de rire avec l’homme à la Porsche qui nous promet un Groen boek et un wit boek ? A quand un ’grand accord’ ? En buzz !

Durum

Un beau jour pour la démocratie parlementaire en Europe

Le 12 janvier fut un beau jour pour la démocratie parlementaire en Europe. A tous les niveaux de représentation (national, supra-national, régional), des élus ont exercé pleinement leur rôle de contre-poids face aux exécutifs.
Au niveau de l'UE, le Parlement s'est lancé dans un vaste exercice de contrôle des membres de la Commission Barroso II. Chacun des 26 candidats doit se soumettre à trois heures de questions sans complaisance sur son parcours, ses compétences, sa connaissance des dossiers. Si le candidat belge Karel De Gucht s'en est sorti avec les honneurs, il n'en a pas été de même pour la Bulgare Roumiana Jeleva, durement cuisinée sur des allégations de déclaration mensongère. Elle risque aujourd'hui d'être renvoyée à Sofia, comme l'avait été l'Italien Rocco Buttiglione en 2004 pour des propos homophobes. Sans nier le déficit démocratique dont continue de souffrir l'Union européenne, on ne peut qu'admirer cette procédure de contrôle individuel des membres de l'exécutif, nettement plus rigoureuse que la sélection des ministres dans les gouvernements nationaux.
Au niveau national, le contrôle démocratique semble en passer de censurer l'une des pires manoeuvres de la décennie: la manipulation des opinions publiques en vue de l'invasion de l'Irak. Au Royaume-Uni, la commission d'enquête sur le sujet a questionné pendant cinq heures Alastair Campbell, l'ancien spin doctor de Tony Blair, accusé d'avoir inventé que Saddam Hussein était capable de déployer des armes de destruction massive (AMD) en moins de 45 minutes. Il a peiné à convaincre et l'étau se resserre désormais autour de Tony Blair.
Au Pays-Bas, une commission indépendante a publié un rapport selon lequel le Premier ministre Jan Peter Balkenende s'est engagé "les yeux fermés" dans le conflit au nom des relations transatlantiques.
Enfin, au niveau régional, la ministre bruxelloise de l'environnement, Evelyne Huytebroeck a été rudement malmenée en commission pour sa gestion du dossier Aquiris. La ministre, qui s'en prend à la société depuis des semaines (à juste titre, avions-nous souligné ici), a menti en prétendant qu'elle n'était pas au courant du risque de fermeture de la station d'épuration de Bruxelles-Nord. Une faute grave, qui méritait une réponse parlementaire adéquate.
Oui vraiment, le 12 janvier fut beau jour pour la démocratie parlementaire...

Colonel Moutarde

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lundi 11 janvier 2010

Le retour de la morale dans le sport ?

Avec le retour de Kim et Justine sur les courts, c’est tout un pays qui s’intéresse à nouveau au tennis féminin. Le sport était tombé dans un oubli relatif depuis deux ans, le Belge moyen peinant à distinguer entre toutes ces joueuses russes aux noms en -a, tellement moins excitantes que nos deux starlettes nationales. Leur retour gagnant, magnifié par une finale pleine de rebondissements à Brisbane, signe aussi la remise en branle d’un mythe national, avec tout l’attirail idoine. Pour l’occasion, la RTBF a sorti du placard ses spécialistes du tennis, entièrement acquis aux deux championnes, qu’ils louent à longueur de match avec moults commentaires béats, voire idiots. Le retour de Kim et Juju à la télé, ce fut aussi le retour de l’usage impropre de l’adjectif "moral". Quelqu’un pourrait-il indiquer à nos vaillants commentateurs qu’en dépit de l’admiration qu’ils vouent aux deux joueuses, aucune d’entre elle ne peut prendre "un avantage moral" sur l’autre, ni "prendre le dessus moralement" ? On parlera, messieurs, plus correctement d’avantage psychologique, en laissant la morale et l’éthique en dehors des courts.

Colonel Moutarde (aka Maître Capello)

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vendredi 8 janvier 2010

La première semaine forte en symboles de Van Rompuy

Ce vendredi s'achève la première semaine officielle d'Herman Van Rompuy dans ses fonctions de président du Conseil européen. Fidèle à son habitude de discrétion, l'ancien Premier ministre belge n'a pas défrayé la chronique avec des déclarations fracassantes. Mais cet amateur de haïku sait aussi l'importance du non-dit, des symboles.
En matière de symbole, il a frappé fort en effectuant sa toute première sortie, lundi matin, à la Bourse de Bruxelles, où il a fait sonner la cloche en déclarant que 2010 serait un meilleur cru financier que 2009. Doit-on comprendre qu'il place les soucis des actionnaires au coeur de ses priorités ? Est-ce à la lumière de cet optimisme boursier qu'il faut interpréter son dernier haïku, posté mercredi sur son blog ?

De lente hoor je (On entend le printemps)
in de bries in de bomen. (dans la brise dans les arbres.)
De wintersneeuw kraakt. (La neige d'hiver craque.)

Jeudi, le président du Conseil a effectué une sortie commentée en Bavière, où il s'est exprimé devant la section locale du parti démocrate-chrétien CSU. Le même parti venait d'approuver, quelques jours plus tôt, une résolution appelant à la fin des négociations d'adhésion de la Turquie. Faut-il y voir un message subliminal ?
L'intéressé s'en est défendu. "J'aurais pu aussi bien aller à une réunion du Parti socialiste en France ou de la Plate-forme Civique en Pologne, mais ils ont juste été plus lents à m'inviter que vous", a confessé Herman Van Rompuy à ses hôtes bavarois (voir son long discours ici).

Colonel Moutarde

lundi 4 janvier 2010

Grippe A: on vaccinera aussi les pauvres

Le gouvernement vient de décider d'offrir aux pays en développement, via l'Organisation mondiale de la Santé, 10% de son stock de vaccins contre la grippe A/H1N1. Bel effort de solidarité internationale ! Déjà l'an dernier, en pleine crise du lait, notre vaillant ministre de la coopération, Charles Michel, avait suggéré de refourguer la production laitière excédentaire aux pays du Sud. C'est du win-win, ça, ma petite dame! Tout le monde y gagne! Les pauvres auront 1. du bon lait (qui déprécie le prix de la production locale) et 2. plein de vaccins (pour une maladie en perte de vitesse). Le gouvernement belge pourra quant à lui 1. prouver qu'il fait quelque chose pour les producteurs laitiers (même s'il propose des solutions totalement sans fondement) et 2. jeter un voile pudique sur la décision absurde d'acheter 12 millions de doses de vaccins. Ah vraiment, ils ont bon dos, les pays du sud.
Pour remettre les choses en perspectives, quelques chiffres.Le budget total de la coopération belge tourne autour du milliard d'euros. Il grimpe péniblement pour atteindre enfin le seuil de 0,7% du PIB, une promesse datant de... 1970. S'il a fallu près de quatre décennies pour parvenir à l'objectif, le gouvernement n'a eu besoin que de quelques jours pour décider de verser une centaine de millions d'euros (soit donc 10% de l'aide au développement totale) aux compagnies pharmaceutiques pour développer un vaccin dont ni l'efficacité, ni l'innocuité et ni l'utilité n'étaient prouvées.
On peut même craindre que les dix millions d'euros distribués sous forme de vaccin se retrouveront, d'une manière ou d'une autre, dans les chiffres de la coopération, chiffres qu'ils pourront gonfler de manière bienvenue en ces temps de disette budgétaire. Ce serait bien le comble du cynisme.

Colonel Moutarde

vendredi 1 janvier 2010

Le bio et le halal, c'est un peu la même chose

Le lien entre nourriture et sacré s'était réduit à peu de choses sous nos latitudes. Il y avait bien une vague survivance du Carême et du vendredi, jour du poisson, mais chacun conviendra qu'ils appartiennent au folklore d'une Eglise catholique peu sourcilleuse en la matière. L'irruption de l'islam a ramené la question au premier plan: le ramadan, qui semble globalement bien suivi par la communauté musulmane, le hallal (licite), vaste appellation qui fleurit sur les enseignes des snacks bruxellois, voire le sacrifice du mouton. La culture séculière n'est pas en reste et, sous le couvert d'un souci environnemental, elle réinvente un nouveau lien entre le sacré et la nourriture qui prend des formes diverses et plus ou moins radicales. Le “bio” en est une des plus belles illustrations. D'abord apanage de boutiques ou d'échopes de marché qui avaient des allures de sanctuaire, il s'est répandu dans les étals des grands magasins. Un produit dans l'air du temps, bien sûr. Une façon de retrouver un âge d'or, fait de tarte de grand-mère, qui n'a jamais existé. Il a aussi ses affidés, rabbins hassidiques qui en observent scrupuleusement les commandements, aussi impératifs que la loi juive, pour se préserver des vicissitudes du monde moderne et assurer leur salut. Chez eux, le bilan carbone a remplacé la pesée des âmes au Jugement dernier; l'enfer n'est plus dans l'au-delà mais dans un futur relativement proche, quand les eaux auront recouvert la Terre. L'OGM est péché mortel, symbole par excellence de cette malbouffe contre laquelle il faut partir en croisade. La question mériterait de longs développements mais comment ne pas s'étonner de la hargne irrationnelle qui entoure l'un des fruits du progrès scientifique, sans laquelle nos conceptions dites progressistes n'auraient jamais vu le jour.. En soi, une culture transgénique, ce n'est ni bon, ni mauvais. Personne ne mourra foudroyé d'avoir avalé du maïs immunisé contre la maladie du pyrale. Non, le problème est ailleurs et renvoie à une question fondamentale: il n'est pas question de toucher à la Nature; elle est l'oeuvre de Dieu, dans le meilleur des cas, elle est notre Mère nourricière, dans le pire des cas, et nous sommes ses enfants au même titre que les animaux et les végétaux, pas davantage. Là, le bio, la souveraineté alimentaire, le végétarisme, etc. valent commandement, comme le halal ou le kasher. Aussi obscurs, imprégnés d'une théologie méticuleuse propice aux controverses entre les grands prêtres et aux faux-pas, aussi exigeants s'ils sont pris au pied de la lettre. Mais au contraire des deux premiers, ils remettent en cause la place de l'homme au centre du monde en renversant la perspective. C'est à la nature, dépourvue de parole au contraire de Dieu, qu'il faut se soumettre. Une rupture fondamentale avec l'hunamisme, initié par Abraham sacrifiant un mouton plutôt que son fils, et qui atteindra son apogée avec les Lumières.
En bref, Bio et halal, c'est un peu la même chose. En quelques années, la nourriture a retrouvé sa valeur sacrée mais de façon diffuse et dans une société opulente, oublieuse des disettes d'antan. L'impur est devenu malsain et malbouffe, symboles d'un mal-être aux contours flous, objet de peurs irrationnelles.

Mexicano