dimanche 5 octobre 2008

Crise financière: que fait le politique?

La spectaculaire crise financière qui secoue le monde, depuis les Etats-Unis, et qui a atteint l'Europe, suscitant un raz de marée en Belgique, est l'occasion de voir comment le monde politique se positionne à cet égard et si, comme l'avait prédit le colonel Moutarde, la gauche saisit l'opportunité qui s'offre à elle pour dénoncer l'ultralibéralisme ravageur et proposer un modèle alternatif plus solidaire. Voir aussi comment la droite gère ce cataclysme qui a priori est censée lui être plus défavorable.
Une chose est sûre, en Belgique, la crise financière a éclipsé la crise institutionnelle. Cela ne veut pas dire que celle-ci est éteinte mais (à part Bart De Wever et consorts) chacun est conscient aujourd'hui que l'urgence est ailleurs. Les partis flamands vont probablement tenter d'acquérir quelques réformettes supplémentaires au premier paquet de réforme(ttes) institutionnelles déjà négocié comme autant de plumes à leur chapeau en vue du scrutin de juin 2009. Il y a d'ailleurs fort à parier que, vu les sondages plus ou moins mauvais pour tout le monde à l'exception des extrémistes, juin 2009 ne sera l'occasion que d'élections régionales et européennes, Leterme I tentant de survivre jusqu'en 2011.
Mais revenons à nos moutons. Crise institutionnelle oblige, c'est l'idéologie gauche-droite qui marque à nouveau le débat politique. La nationalisation partielle de Fortis et Dexia à peine annoncée, le PS a rugi dans les brancards, dénonçant le "libéralisme", le "capitalisme", un "système" vicié de l'intérieur, qui vient d'exploser et qu'il va falloir remplacer. Stratégiquement, le PS est dans le coup, tant sur le contenu que le timing. Hasard des calendriers (??), une semaine avant que n'éclate la crise belge, il avait déjà tenu un Bureau exceptionnel sur la crise aux USA et ses répercussions éventuelles en Belgique, exigeant une Commission d'enquête parlementaire. Elio Di Rupo s'est ensuite envolé pour New York où il a participé à une réunion de l'internationale socialiste dont il est vice-président, il est allé écouter Barack Obama, des prix Nobel, à la recherche d'un modèle alternatif. "Et qu'est-ce que j'apprends pendant ce temps, Didier Reynders fait savoir que tout est sous contrôle et puis patatras tout s'écroule, et on ne me dit rien." Beau numéro.
Les libéraux, connotés dans leur appartenance à la grande amicale des financiers, sont quant à eux mal mis. Ils doivent dare dare changer leur image de camarades des banquiers, ministres des rupins, un monde financier que l'opinion publique juge aujourd'hui de manière très négative. Didier Reynders a trouvé son créneau. Depuis 2 semaines, il l'a déjà répété 2.678 fois: aucun épargnant ne sera laissé sur le côté de la route. Gêné aux entournures, sur la défensive, il dénonce les parachutes dorés - dans la foulée de Nicolas Sarkozy appelant à un "capitalisme régulé" (rires) ou de Berlusconi qui appelle à plus "d'éthique" (éclat de rires) - tentant de faire oublier que lui, DJR, avait lobbyé au sein du gouvernement pour qu'on ne légalise pas les règles de bonne gouvernance, lui préférant le Code Lippens de bonne conduite (re-rires). Didier Reynders trouve aussi "rassurant" que l'Etat nationalise Fortis, un discours qu'il n'aurait jamais tenu il y a quelques mois encore. Les libéraux font évidemment beaucoup d'effets de manche, puisque l'heure est plutôt à surfer sur la vague de l'anti-ultralibéralisme immoral. Pour eux, ce n'est pas le système qui est vicié mais quelques acteurs qui ont dérapé, quelques prédateurs qui s'en sont pris à des victimes isolées. Mais à l'instar du président Sarkozy, DJR ne plaide que recommandations, jurant qu'il est impossible de dégager une majorité européenne qualifiée pour imposer un cadre régulateur digne de ce nom.
Dans l'ombre, le MR tente de saboter les tentatives du PS, qui, rejoint par Groen! (pas par Ecolo, en embuscade pour juin 2009?) et le sp.a, exige une Commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la crise financière en Belgique. La CBFA, chargée du contrôle prudentiel du secteur des banques et assurances, dirigée par Jean-Claude Servais, ancien chef de cabinet de Didier Reynders, est accusé d'avoir failli à son devoir. Dans sa stratégie, le MR essaie de mouiller tout le monde, indiquant que la Banque nationale est également concernée par la surveillance (son gouverneur, Guy Quaden, est étiqueté PS). Il dit aussi que si enquête il doit y avoir, il faut entendre tout le monde dont les administrateurs des banques, présents et passés. Or, à Dexia, certains représentent les intérêts des partis politiques. Tel est le cas d'un certain Elio Di Rupo (remplacé il y a quelques années par Anne-Sylvie Mouzon).
Dans le positionnement gauche-droite, on constate que la proposition de mise en place d'un Commission parlementaire d'enquête confirme certains schémas plaçant le PS et Groen! à gauche de l'échiquier. Le sp.a tente de se refaire une virginité, choisissant l'opposition pure et dure et sous l'impulsion de sa nouvelle présidente Caroline Gennez, tend à se démarquer de la troisième voie blairiste qu'avaient suivie Johan Vande Lanotte et Frank Vandenbroucke. Comme le parti socialiste, le sp.a a également déposé une proposition de loi demandant une Commission d'enquête. Au-delà du PS, et outre le sp.a, toute l'opposition flamande (LDD, VB, N-VA, Groen!) - dont par essence le rôle est de s'opposer (It's the duty of an opposition to oppose) - soutient la mise en place de la Commission d'enquête. A l'exception du PS, les partis de la majorité, MR, CD&V, Open Vld, cdH, en refusent le principe, au nom de la stabilité du système bancaire. Ils demandent que toute la clarté soit faite mais via un autre angle d'attaque. Ils sont suivis par Ecolo que l'on a connu moins réaliste en d'autres temps. Dans le chef des Verts francophones, cette prise de position est symbolique d'une évolution du parti.

Durum

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